Province Législature Session Type de discours Date du discours Locuteur Fonction du locuteur Parti politique Québec 36e 2e Discours d’ouverture 22 mars 2001 M. Bernard Landry Premier ministre PQ M. le Président, M. le chef de l'opposition officielle, Mmes et MM. les ministres, mesdames et messieurs de l'Assemblée nationale, distingués invités, citoyennes et citoyens du Québec, plus qu'à aucun autre moment de notre histoire il est admis que le Québec forme une nation, une nation civique, inclusive, et qui transcende toute forme d'ethnicité. Le gouvernement du Québec a le devoir d'affirmer et de consolider ces réalités de concert avec l'Assemblée nationale dont les travaux doivent en témoigner ici, devant le Canada et devant la communauté internationale. Les femmes et les hommes qui entreprennent aujourd'hui les travaux de la deuxième session de la Trente-sixième Législature sont les élus démocratiques de notre nation et ont le devoir de servir ses intérêts comme ses valeurs profondes. Cela se fera avec ardeur et dévouement, j'en suis assuré. Nous avons d'excellentes raisons d'être fiers de ce qu'est devenue cette nation québécoise dont la plus grande richesse est d'abord et avant tout humaine. Les 7,5 millions de personnes qui peuplent notre vaste territoire ont aujourd'hui une des meilleures espérances de vie au monde. Elle s'est accrue de cinq ans durant les 20 dernières années. Notre population se range au nombre des plus scolarisées du monde. Notre système d'éducation a fait passer le taux d'obtention d'un Diplôme d'études secondaires de 57 % à 84 % en 25 ans. Notre taux de scolarisation dépasse maintenant de 7 % celui de la moyenne des pays de l'OCDE. Sur le plan de la réussite éducative, ces progrès ont permis de doubler le taux d'obtention d'un Diplôme d'études supérieures. Nous avons l'honneur d'être au deuxième rang des pays avancés pour la part de notre produit national brut consacré à l'éducation. Comme il s'agit de la clé du développement social, on peut affirmer que, si le Québec est riche au plan humain, c'est parce qu'il a fait le pari de la solidarité et qu'il s'assure que le progrès bénéficie au plus grand nombre. Les plus démunis comme les mieux nantis ont profité de la conjoncture favorable des dernières années. Le nombre de prestataires de la sécurité du revenu a été réduit de façon spectaculaire depuis 1996. Ces résultats témoignent d'une générosité collective dont l'État est le relais mais qui est aussi le fait des divers acteurs de l'économie sociale dont le Québec offre le modèle peut-être le plus avancé sur cette planète. Cette répartition de la richesse fut facilitée par une croissance économique, il est vrai, vigoureuse, au cours des quatre dernières années, dépassant de 2 % en moyenne le taux de croissance annuel des 20 dernières années. Le marché du travail a retrouvé son dynamisme avec la création de près de 300 000 nouveaux emplois en quatre ans et un taux d'emploi record de 67,3 %. Le taux de chômage est le plus bas depuis 25 ans. Les investissements productifs du secteur privé ont crû de 60 %, soit 10 % de plus que dans l'ensemble canadien. L'économie du Québec se classe d'ailleurs parmi les plus diversifiées que l'on puisse imaginer. La moitié de toutes les exportations canadiennes de haute technologie proviennent d'ici. Le Québec a démontré, durant les dernières années, une formidable capacité d'ouverture au monde, comme l'illustre la croissance vertigineuse de ces exportations, qui fut de 130 % en 10 ans. De toutes les nations de la terre, le Québec arrive au septième rang pour le commerce avec les États-Unis d'Amérique, première puissance du monde. Le Québec, on le sait, est aussi une terre de culture, un lieu de création, la patrie d'un grand nombre de femmes et d'hommes de lettres, de théâtre, de cinéma, de télévision, de musique, de danse et de cirque, un lieu d'expérimentation et d'audace créatrice, une audace saluée par l'ensemble de la population québécoise qui soutient ses artistes de façon exemplaire et apprécie leurs œuvres, pleure leur disparition, comme dans le cas des regrettés Juliette Huot et Jean Besré, une audace et une originalité connues aussi par des millions de personnes qui dans le monde ont vu nos créateurs et créatrices à l'œuvre au Salon du livre de Francfort, dans une exposition à Berlin, lors d'un spectacle de danse à Tokyo, sous un chapiteau à Las Vegas, dans un théâtre de Paris, de Londres ou d'Écosse. Mais notre fierté légitime de toutes ces réalisations ne doit pas nous amener à occulter quelques parties moins brillantes de notre réalité, une réalité qui nous rappelle, pour reprendre l'expression de l'historien français Ernest Renan, que la nation «est un plébiscite de tous les jours». Notre plus grande erreur serait de croire que ce que nous avons bâti est acquis pour toujours et de penser que le progrès sera assuré sans effort, une réalité révélant qu'en dépit de nos labeurs et de nos réussites il subsiste encore, par exemple, trop de décrochage scolaire, de chômage, de gens qui attendent dans les salles d'urgence des hôpitaux, de personnes handicapées pas aussi bien secondées qu'elles devraient l'être, de femmes dont le salaire n'est pas encore égal à celui des hommes pour le même travail, de régions inégales dans leur développement. Le Québec d'aujourd'hui fait donc face encore à de nombreux défis qu'il doit relever en effectuant les choix qui s'imposent avec lucidité et rigueur. Le défi le plus grand est sans doute de maintenir le cap sur la prospérité, de l'étendre à l'ensemble des régions du Québec et de la partager équitablement aussi entre les personnes. Cela nous oblige en même temps à prendre acte de l'équilibre fragile de notre économie dans la conjoncture mondiale actuelle. Il faut donc garder la juste mesure de notre capacité collective de dépenser. Nos finances doivent rester équilibrées. Notre État national ne se laissera pas entraîner de nouveau dans l'escalade sans fin de toutes les dépenses. L'amélioration de l'état des finances publiques doit être une préoccupation constante non seulement pour préserver notre capacité actuelle, mais pour assurer l'avenir des générations futures et garantir leur liberté d'action collective. Pour relever ces défis, le gouvernement doit assumer toutes ses responsabilités sociales, culturelles, économiques et de gestion. Il compte le faire avec énergie, compétence et dévouement en misant sur une administration dont les fonctionnaires ont depuis longtemps prouvé leur qualité professionnelle et leur sens de l'État. Avec l'aide de ces précieuses ressources humaines, le processus de modernisation de l'administration publique sera rigoureusement poursuivi. Les ministères et les organismes du gouvernement feront bientôt des déclarations formelles de services aux citoyennes et citoyens établissant clairement leurs devoirs et responsabilités envers le public qui en défraie les coûts et doit, comme on dit, en avoir pour son argent. Un des premiers sentiments qui animeront le gouvernement sera celui de la responsabilité. Pour assurer cette responsabilité, pour le faire avec humanité et efficacité, le gouvernement a établi une série de priorités, des priorités nationales qui constituent un programme gouvernemental dont les lignes de fond sont esquissées dans le présent exposé. L'équipe gouvernementale présentera l'ensemble des éléments plus en détail dans les prochains jours. Ces priorités ont été définies en tenant compte des réformes déjà entreprises et qui seront maintenues. De nouvelles priorités démontreront qu'il est souhaitable et possible d'assumer ses responsabilités, de proposer du changement tout en poursuivant dans la continuité des succès antérieurs. Le nouveau gouvernement veut d'abord être celui de la solidarité. Dans les lois qu'il soumettra à l'attention de cette Assemblée ainsi que dans les politiques, plans et stratégies qu'il définira et réalisera, le gouvernement mettra l'accent sur la solidarité sociale, la santé, la famille et l'enfance, l'éducation, l'emploi, les régions et la culture. Nous relèverons le défi de mener à terme ces objectifs prioritaires tout en recherchant, comme c'est notre devoir, le règlement de la question nationale. Le gouvernement adoptera une véritable stratégie de développement social qui aura pour objectif de favoriser la participation de toutes et tous aux fruits du développement. Cet objectif appelle une nouvelle synergie entre le développement économique et le développement social qui doit se réaliser en partenariat avec les divers groupes de la société. Il est impérieux de constater que les citoyennes et les citoyens du Québec ne profitent pas également de l'ère de prospérité que nous avons connue. La pauvreté et l'exclusion continuent à prélever un lourd tribut qui engendre de la souffrance, du désespoir, de multiples drames personnels dont nous ne pouvons pas détourner les yeux. Une société avancée ne peut tolérer qu'un nombre significatif de jeunes familles et de jeunes enfants vivent dans la pauvreté. Je l'ai déjà dit, cette lutte contre la pauvreté et l'exclusion sera pour nous une véritable obsession, comme la lutte contre le chômage l'a été pour le précédent gouvernement. Ainsi, nous présenterons un plan de lutte contre la pauvreté qui proposera des mesures à court, moyen et long terme portant autant sur la prévention que sur l'aide directe aux plus vulnérables. Nous maintiendrons notre soutien aux familles, particulièrement aux familles les plus démunies. Nous proposerons de nouvelles avenues aux jeunes prestataires de la sécurité du revenu de moins de 21 ans et sous-scolarisés, à la lumière des résultats du projet Solidarité jeunesse qui est en marche depuis quelques mois. Nous travaillerons en vue de soutenir adéquatement les chômeurs de longue durée dans leur démarche vers l'emploi. La place centrale de l'éducation dans la lutte contre la pauvreté se concrétisera de multiples façons, entre autres par l'accès à des services de garde éducatifs et le projet de formation continue, qui seront au cœur d'une redéfinition du concept d'égalité des chances par l'éducation, base de notre projet de démocratie solidaire. Nous allons donner un nouvel élan également à l'économie sociale qui connaît depuis quatre ans un formidable essor avec la création de plus de 1 000 entreprises et de quelque 15 000 nouveaux emplois permanents. Les prochaines actions concrètes du gouvernement dans ce secteur prioritaire seront dévoilées dès la semaine prochaine par ma collègue la vice-première ministre et ministre des Finances à l'occasion de son discours du budget. Tout le secteur de la santé et des services sociaux demeurera l'une des plus grandes priorités du gouvernement. De nombreux consensus sur des actions structurantes et porteuses d'avenir ont été mis en lumière par le rapport de la Commission d'étude sur les services de santé et les services sociaux, la commission Clair. Il y a là une occasion qui doit être saisie, et elle le sera. L'élargissement de l'accessibilité générale aux services de santé et aux services sociaux retiendra particulièrement notre attention, l'accessibilité aux services de base, c'est-à-dire aux services qui doivent être disponibles le plus près possible des personnes, des communautés et des lieux où se vivent les problèmes. C'est notamment dans cette perspective que nous entendons mettre en place des groupes de médecine de famille issus de la collaboration, sur une base locale, des cabinets de médecins, des CLSC et de l'ensemble des professionnels appelés à intervenir dans les communautés. Le gouvernement est convaincu que les nouvelles technologies constituent de puissants outils d'amélioration des services aux citoyens. Pour permettre une obtention rapide de toute l'information médicale, la carte à puce sera instaurée. Cette mesure, qui sera effective d'ici quelques années, sera développée et mise en œuvre dans le respect intégral de la vie privée de nos concitoyens et de nos concitoyennes. La gouverne du réseau de la santé et des services sociaux sera resserrée de manière à ce que la ligne d'autorité et la répartition des responsabilités soient plus claires entre les établissements, les régies régionales et le ministère de la Santé et des Services sociaux. Un projet de loi sera déposé à cette fin au cours de la présente session parlementaire. Le Québec, comme on le sait, accorde un soutien à la famille et à l'enfance qui est le plus généreux de l'Amérique du Nord non seulement par l'offre de services de garde à tarif réduit, mais aussi par son aide financière à la famille ? allocation familiale et fiscalité ? qui dépasse celle accordée par le gouvernement fédéral. Le gouvernement continuera de mettre de l'avant sa propre proposition d'un régime d'assurance parentale mieux adapté à la réalité des familles québécoises. Il va de soi qu'il poursuivra sans relâche le déploiement des services de garde à 5 $ dans toutes les régions du Québec. Dans notre marche en avant vers plus de prospérité et de solidarité, nos principales tâches, sans doute les plus sacrées, demeurent l'éducation et la formation des enfants. Dans la foulée du Sommet du Québec et de la jeunesse et profitant de l'élan nouveau donné à notre système d'éducation par les réinvestissements qui y sont effectués, il est nécessaire de pousser d'un cran la mobilisation de toutes et de tous, à commencer par les élèves et leurs parents, le personnel des établissements et l'ensemble de la communauté éducative. Les plans de réussite mis en place à tous les cycles de notre système d'éducation constituent des outils exceptionnels pour réussir cette mobilisation et la nécessaire responsabilisation de tous les intervenants. L'implantation du nouveau programme de formation de l'école québécoise se poursuivra donc suivant le calendrier prévu. Les parents et la population seront davantage informés sur les différents aspects de la réforme en cours. Le gouvernement tient à réitérer toute sa confiance en la capacité des enseignantes et des enseignants de réussir ce virage décisif vers une formation qui donne plus de place aux matières essentielles et qui soit plus respectueuse de la personnalité propre de chaque enfant. Le ministre de l'Éducation veillera à ce que les maîtres reçoivent tout le soutien nécessaire à la réussite de la réforme, notamment en apportant les améliorations requises au niveau de l'évaluation des apprentissages. Après des années d'efforts, et après avoir déployé sur le territoire une stratégie économique avant-gardiste dont l'objectif premier était la création d'emplois, et bien que nous n'ayons pas encore en main l'ensemble de nos leviers économiques, le chômage, on le sait, a été ramené depuis à son plus bas niveau depuis 25 ans, passant de 13,3 % en 1994 à 8,4 % aujourd'hui, grande source de plaisir, M. le Président, comme chacun le sait. Le gouvernement ne s'arrêtera pas là, car nous sommes toujours en présence, hélas, d'un gaspillage humain et économique intolérable pour une nation riche comme le Québec moderne ? 8 % de chômage, c'est 8 % de chômage. Autre grave problème que la bonne performance de presque toutes nos régions tend à cacher et auquel il faut s'attaquer avec encore plus de combativité, c'est celui que pose le niveau inacceptable de chômage dans certaines autres régions, principalement les régions que l'on appelle régions-ressources. Pour l'heure, qu'il me soit permis d'indiquer comment le gouvernement déploiera son action pour l'emploi sur l'ensemble du territoire. D'abord, au chapitre de la main-d’œuvre, il compte étendre à certaines catégories de personnes qui ne bénéficient pas du régime d'assurance emploi ni de la sécurité du revenu ? les sans-chèque, comme on les appelle ? une forme de soutien au revenu lorsqu'elles participent à des activités de formation dans une perspective d'accès à l'emploi. Comme j'ai eu l'occasion de l'indiquer à plusieurs reprises lors de ma récente tournée du Québec et lors de la cérémonie d'assermentation du nouveau gouvernement, les régions-ressources feront l'objet d'une attention très particulière dès le dépôt du prochain budget. Il sera nécessaire d'accélérer la cadence dans ces régions-ressources pour leur permettre de prendre pleinement leur place dans la nouvelle économie et pour maintenir la position concurrentielle du Québec sur les marchés mondiaux. Cette stratégie comprendra également des mesures qui auront un impact important sur le développement des communautés rurales en difficulté et sur la ruralité dans son ensemble. Le gouvernement est aussi conscient que certains territoires en dehors des régions-ressources ont besoin de mesures adaptées pour appuyer leur développement économique. La démarche que nous proposerons comportera de nombreuses mesures visant à consolider le secteur des ressources naturelles, à le dynamiser et à le rendre encore plus compétitif. Il faut par ailleurs accélérer la cadence et soutenir plus énergiquement encore les industries de la deuxième et de la troisième transformation et encourager la recherche et le développement dans ces secteurs. Parallèlement, le gouvernement verra à intensifier les efforts déjà entrepris pour diversifier l'économie des régions, notamment à travers l'action du Fonds de diversification économique. Il nous faudra une mobilisation générale pour donner le coup de collier dont les régions-ressources et tout le Québec ont besoin. Tous les ministères et organismes du gouvernement seront interpellés. Le ministre d'État aux Régions et ministre de l'Industrie et du Commerce lancera une action d'envergure pour cerner le profil des filières industrielles les mieux en mesure de mettre en valeur les avantages respectifs de chaque région. Le secteur de l'agriculture et de l'agroalimentaire, celui des pêches et de l'aquaculture, et le tourisme exercent un rôle moteur dans l'économie de plusieurs régions, tant sur le plan de l'emploi que de l'activité économique, de même que dans le dynamisme des milieux ruraux. Il faut maintenir le cap sur la croissance de ces secteurs d'activité. Un premier geste concret sera posé dès le début de l'année financière: le gouvernement complétera la mise en place de La Financière agricole du Québec, qui constitue un nouveau modèle de partenariat dans le milieu économique. Le gouvernement apportera des ajustements au régime de protection des activités agricoles et appuiera la mise en place, avec les intervenants concernés, d'un plan d'accélération du virage agroenvironnemental. Le gouvernement prendra également les mesures nécessaires, en collaboration avec l'industrie, pour mettre en place un système de traçabilité permettant de suivre les aliments depuis la ferme jusqu'à la table du consommateur. S'il y a encore des gens qui doutent que la recherche, la haute technologie et les savoirs de pointe puissent trouver leur place en région, on les invite à prendre connaissance du numéro de la revue Québec Science qui sera en kiosque à compter de demain. Il y est question de l'avenir de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine, un avenir qui passe par la mer, mais une mer qui se conjugue au futur, une mer qui est devenue un immense laboratoire. Un simple coup d'œil à ce dossier spécial est une bouffée d'espoir et d'optimisme pour l'ensemble des régions du Québec. Le développement des ressources est indissociable d'un engagement à un développement durable qui se préoccupe de léguer aux générations futures un patrimoine non seulement intact, mais enrichi. Certains incidents survenus au cours des derniers mois nous ont particulièrement sensibilisés à l'importance de l'eau. L'eau potable est l'une de nos plus grandes richesses collectives. Certains souhaitent même qu'on la déclare patrimoine public de tous les Québécois. Afin de préserver la qualité et la pérennité de cette ressource tout en permettant l'essor de nombreuses activités économiques, le gouvernement adoptera sous peu une politique nationale de la gestion de l'eau. Le gouvernement a entrepris, au cours des dernières années, l'ambitieuse et nécessaire réforme de nos municipalités. Je salue l'exceptionnel dévouement et le travail accompli par la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole, qui poursuivra, bien entendu, sa courageuse entreprise au bénéfice de toute la population du Québec. La culture sous toutes ses formes est au cœur du projet collectif du Québec. Le gouvernement continuera de soutenir vigoureusement la création dans toutes ses manifestations. «Il n'y a jamais eu de projet politique sans projet de culture», disait le grand Fernand Dumont. Notre gouvernement a la même conviction. La culture est au cœur du projet collectif de notre société. Elle est porteuse d'intégration, de cohésion sociale, de développement et de qualité de la vie. Parmi les priorités à venir au chapitre de la culture, je tiens à souligner que nous voulons assurer un soutien accru à la création et à son rayonnement à l'étranger, mettre à jour la politique québécoise du cinéma et de la production audiovisuelle et donner un souffle nouveau au développement culturel régional. Le renouveau de la création pour une société comme la nôtre passe par la relève. Si les rêves de nos artistes deviennent les nôtres, si les imaginaires nous font découvrir «la face cachée de la lune», si leur écriture, leurs images et leurs tableaux nous émeuvent sans cesse, c'est à la fois qu'ils sont riches et que les Québécois et les Québécoises sont là pour les applaudir. Mais la portée de leurs œuvres dépasse aujourd'hui leur seul univers d'artistes, il faut également en prendre acte. En somme, c'est une culture en prise directe avec la vie commune d'une société dont il est ici question. Un ministère qui se préoccupe de la langue, de l'histoire, de l'habitat, de la créativité, des communications, du multimédia, des inforoutes, de la diversité culturelle et de l'innovation est un ministère capable d'instrumenter les Québécois sur le plan culturel, de les maintenir ensemble et de les inscrire dans la modernité des nations. En juin 2000, M. le Président, la Commission des états généraux sur la situation et l'avenir de la langue française a été créée afin de faire le point sur la politique linguistique québécoise et de proposer des priorités d'action. Depuis, les commissaires ont eu l'occasion de sillonner le Québec en tenant des audiences publiques dans toutes les régions afin d'établir un véritable dialogue avec les Québécoises et les Québécois. Plus de 200 mémoires ont été reçus par la Commission, ce qui témoigne du succès et de la nécessité de l'opération. Il y a lieu d'être fier de cette démarche démocratique qui s'est faite dans un esprit d'ouverture. Toutes les forces vives de la société québécoise ou presque ont eu l'occasion de faire valoir leur point de vue et d'en débattre. Nous attendons que ces travaux nous fournissent les matériaux d'une politique linguistique renouvelée et enrichie et nous mettrons avec vigueur en place les mesures de cette Commission. Notre volonté d'unir plus étroitement que jamais prospérité et solidarité interpelle directement la jeunesse. Dans la perspective d'associer plus étroitement que jamais les jeunes à notre projet de société, le gouvernement déposera prochainement la politique québécoise de la jeunesse qui fixera les orientations majeures qui se traduiront dans le plan d'action jeunesse qui en découlera. De plus, dans un esprit d'ouverture sur le monde, l'Office Québec-Amériques pour la jeunesse a pour objectif de permettre à 3 000 jeunes à chaque année de prendre part à des programmes de formation et d'échange susceptibles de contribuer au rapprochement des peuples d'Amérique dont la nation québécoise fait partie. Le ministre de la Justice, de son côté, verra à moderniser la procédure civile et à poursuivre le développement des processus consensuels de résolution des conflits, telle la médiation. La violence, particulièrement celle exercée par les bandes criminelles, préoccupe de plus en plus la population. Nous avons l'intention d'accorder à cette situation toute l'attention et les ressources qu'elle requiert. Les ministres de la Justice, du Revenu et de la Sécurité publique seront appelés à poursuivre de concert leurs efforts et à améliorer les moyens juridiques mis à notre disposition dans cette lutte sans merci contre le crime organisé. Un de nos défis collectifs consiste également à bien accueillir et intégrer les immigrants. Le gouvernement a donné mandat au ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration d'intensifier les efforts visant à lever les obstacles empêchant les personnes immigrantes de faire valoir pleinement leurs compétences. À cette enseigne, je souligne que le gouvernement a créé le poste de secrétaire d'État à l'Accueil et à l'intégration des immigrants. Le député de Sainte-Marie ? Saint-Jacques, chargé de cette fonction, mettra en place les mesures favorisant l'atteinte de ces objectifs. J'imagine qu'on applaudit autant les objectifs que le nouveau secrétaire d'État. Parlant d'intégration, l'État québécois se doit d'être exemplaire en matière d'ouverture et d'être le reflet le plus fidèle de la population québécoise dans toute sa diversité. Plus encore, la Loi sur l'accès à l'égalité en emploi dans les organismes publics entrera en vigueur le 1er avril prochain. Les secteurs couverts par cette loi représentent plus de 700 organismes totalisant quelque 500 000 emplois. Les femmes, les minorités visibles, les autochtones et les allophones doivent bénéficier de cette législation. Je verrai personnellement à ce que cette loi ambitieuse et généreuse réponde vraiment à nos attentes. La mondialisation des marchés, maintenant, M. le Président, exigera que nous nous donnions de nouveaux instruments d'action. La gestion de l'économie exige aujourd'hui le renforcement des structures de concertation supranationales, comme l'OCDE, l'Organisation mondiale du commerce, le Bureau international du travail, le Fonds monétaire international ou la Banque mondiale. Or, ce sont les États souverains qui participent à ces instances supranationales dont le rôle devient aujourd'hui primordial. La souveraineté du Québec devient dans ce contexte encore plus nécessaire. Le peuple du Québec ne doit pas mettre à risque sa langue, sa culture et ses intérêts économiques par son absence des forums décisionnels internationaux. Il doit prendre les moyens pour devenir membre de plein droit de ces institutions déterminantes pour son avenir le plus rapidement possible. Autrement, faute de souveraineté, des décisions vitales ne seront plus prises ici, dans cette Assemblée, mais à des tables internationales. Sans la souveraineté, la mondialisation éloignera le pouvoir de cette Assemblée et la démocratie de notre peuple. La Loi constitutionnelle de 1867 représentait un pacte entre les deux nations formant le Canada. Elle définissait les pouvoirs de chacun des deux ordres de gouvernement et donnait au Québec des responsabilités exclusives dans plusieurs domaines. Dans le présent contexte mondial, la dérive centralisatrice, contraire au pacte de départ, aura des effets de plus en plus néfastes. Ce pourrait être le cas, par exemple, dans des domaines aussi variés que les ressources naturelles, l'environnement, l'adoption internationale, la fiscalité, l'administration de la justice, le travail, la santé, et d'autres encore. De même, les discussions qui s'amorcent sur la Zone de libre-échange des Amériques porteront sur des questions touchant directement plusieurs des champs de compétence du Québec. Les débats entourant la place du Québec au Sommet des Amériques sont venus nous rappeler le prix que doit payer une nation qui est privée de sa souveraineté. Le Québec manquerait à son devoir s'il acceptait cette situation sans bouger. Il n'y a pas de place, il n'y a pas de processus formel de participation pour faire entendre la voix du Québec sur des questions qui touchent ses propres champs de compétence, ce qui n'est pas le cas, notons-le, au sein de la Communauté européenne, qui est une source d'inspiration remarquable dans l'aménagement des rapports entre nations libres. On sait que les tribunaux ont déjà indiqué au gouvernement fédéral qu'il ne peut pas ignorer les provinces lorsqu'il signe des ententes internationales dans des domaines de leur compétence. C'est pourquoi, dans le prolongement des gestes qui ont été posés au cours des 40 dernières années, le gouvernement du Québec prend aujourd'hui l'engagement de présenter dorénavant à cette Assemblée pour approbation tout traité international qui concerne l'une ou l'autre des responsabilités constitutionnelles du Québec. Cela signifie que le Québec ne pourra être lié ou être considéré lié par un engagement international que dans la mesure où il aura ratifié cet engagement par une décision de l'Assemblée nationale. Cela permettra aux députés de participer aux débats et à nos concitoyennes et nos concitoyens d'être mieux informés sur les grandes questions de relations internationales qui affectent notre société. The reality of Québec also embraces... Es posible de hablar en español también si quieren. The reality... The reality of Québec also embraces the situation of people belonging to the English-speaking community that enriches Québec with its economic, social and cultural vitality and contributes to Québec diversity. The Government will take particular care to listen to the English-speaking community and its representatives and ensure that its rights are protected. My Government is committed to an ongoing, meaningful dialogue with the English-speaking community. Cette réalité est aussi le fait de la présence sur le territoire du Québec de 11 nations autochtones que notre Assemblée n'a pas hésité à reconnaître comme telles en 1985, sous l'égide du grand René Lévesque, et avec lesquelles des négociations, basées sur les Orientations gouvernementales adoptées en 1998, ont déjà permis d'établir des relations harmonieuses, solides, respectueuses et durables quoique perfectibles. Le gouvernement entend rappeler qu'en cette année de commémoration du tricentenaire de la Grande paix de Montréal de 1701, il est disposé à poursuivre un dialogue constructif avec les nations autochtones du Québec et à rechercher par la négociation des solutions mutuellement acceptables relativement à l'exercice d'une plus grande autonomie gouvernementale et financière par ces nations. Tout en assumant l'entièreté de ses responsabilités, le gouvernement n'entend pas occulter la question nationale. Il n'hésitera pas à situer la question nationale dans le contexte plus large de l'avenir politique du Québec et il le fera parce que l'avenir d'un peuple n'est pas une question partisane. Le gouvernement doit assumer la responsabilité d'éclairer le plus possible les diverses voies de l'avenir. De nombreuses raisons militent en faveur de la poursuite d'une réflexion par la société civile, les partis politiques et le gouvernement lui-même sur l'avenir politique du Québec. Il faut donc que tous ces acteurs continuent de se demander quel est le statut qui assurera le mieux le respect des intérêts nationaux du Québec. S'interroger sur le statut politique du Québec, s'interroger sur ce statut qui nous permettra d'exercer les compétences qui nous sont nécessaires pour assurer librement notre développement économique, social et culturel est un devoir de tous les partis présents dans cette Chambre, qui le font d'ailleurs chacun à sa manière. Les nations se gouvernent elles-mêmes ou aspirent à le faire. L'histoire a entrelacé les destins du Québec et du Canada. Niant l'esprit historique de ces liens, le gouvernement fédéral a voulu, par sa loi sur la clarté, priver le Québec de la possibilité d'envisager un rapport avec le Canada qui soit fondé sur un autre type d'association que celui qui prévaut actuellement. Tout cela d'ailleurs se situe dans la logique du changement unilatéral de 1982 et de la Constitution que nous n'avons jamais signée. Le gouvernement, avec l'appui d'ailleurs des autres partis en cette Chambre, a rappelé et continuera de rappeler que cette loi de la clarté est illégitime et qu'elle ne saurait réduire les pouvoirs, l'autorité, la souveraineté et la légitimité de l'Assemblée nationale ni contraindre la volonté démocratique du peuple québécois à disposer lui-même de son avenir. Le gouvernement continuera d'explorer, pour sa part, la voie d'un nouveau partenariat avec le Canada et notamment l'idée d'une nouvelle union de type confédéral entre États souverains. Cela s'inspire de l'expérience européenne qui a toujours suscité un grand intérêt chez plusieurs de mes prédécesseurs dont Robert Bourassa qui l'avait évoquée dans la célèbre question de Bruxelles. Pour alimenter la réflexion de chacun sur les diverses dimensions des options qui s'offrent au Québec, le gouvernement procédera au cours des prochains mois à la mise à jour, quelque 10 ans après leur publication, des études réalisées dans le cadre des travaux de la commission Bélanger-Campeau sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec et de la Commission d'étude des questions afférentes à l'accession du Québec à la souveraineté. Je signale que ces documents ont été produits à l'initiative du premier ministre Robert Bourassa. Et des travaux intellectuels de cette dimension doivent être mis à jour, et c'est une façon que de lui rendre hommage pour ce qu'il a fait en son temps. Le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, naturellement, assurera la coordination de cet effort de mise à jour des études. Il le fera en toute transparence et en rendra les résultats publics, comme ce fut le cas en 1991 et en 1992. Autre problème, le Québec ? et j'ai entendu souvent des porte-parole de l'opposition souscrire à ce que je vais dire ? fait face à un défi majeur de gouvernance: les besoins en santé, en éducation, en services sociaux croissent à un rythme qui va en s'accélérant. Et devant ces pressants besoins, le Québec dispose de moyens limités. Pourtant, les Québécoises et les Québécois paient déjà suffisamment d'impôts et de taxes. Le drame, c'est que la moitié de ceux-ci prennent le chemin d'Ottawa, sans aucune garantie qu'ils serviront à financer les priorités du Québec. En fait, l'expérience récente démontre clairement qu'Ottawa est davantage préoccupé d'accroître sa visibilité que de répondre aux priorités de nos concitoyens. Le gouvernement fédéral multiplie les intrusions dans les champs de compétence du Québec. Pendant ce temps, il se refuse à utiliser ses énormes surplus afin de corriger l'impact des nombreuses coupures qu'il a effectuées dans ses paiements de transfert. En bref, notre argent est à Ottawa alors que nos besoins sont au Québec. Nous connaissons la véritable solution au problème. Comme le disait Daniel Johnson, le père, il faut contrôler 100 % de nos impôts et taxes et décider pleinement de leur meilleure utilisation, ce que permettrait d'ailleurs la souveraineté ? la dernière partie est de moi. Il faut par ailleurs se souvenir d'un ouvrage célèbre de Daniel Johnson qui s'intitulait Égalité ou indépendance. En attendant, notre gouvernement entend prendre les moyens pour favoriser une solution à court terme. Et une première étape sera la mise sur pied d'une commission, composée d'experts et de représentants du milieu, qui sera chargée de faire rapport sur le déséquilibre fiscal qui prévaut entre le gouvernement fédéral et le Québec et les façons de le corriger. L'ancien ministre du Revenu dans le gouvernement Bourassa, M. Yves Séguin, qui nous honore de sa présence cet après-midi, a accepté de présider cette commission dont la composition sera annoncée sous peu. M. le Président, le gouvernement du Québec ne doit pas se dérober devant les responsabilités nationales qui lui incombent. Il doit gouverner pour le bien public et, tirant sa légitimité de l'Assemblée nationale et de la confiance dont celle-ci l'investit, il doit associer les députés qui en font partie à l'élaboration des mesures du programme gouvernemental. Le gouvernement, par sa ministre d'État à l'Économie et aux Finances et par son président du Conseil du trésor, soumettra très bientôt à votre attention ses propositions de budget et de répartition des crédits. À cet égard, le gouvernement cherchera les moyens de rendre le processus budgétaire plus ouvert et plus participatif dans l'avenir. Nous avons vécu jusqu'à maintenant avec les traditions. En terminant, M. le Président, en ces années de réflexion identitaire et linguistique, je souhaite que nous entendions ensemble le cri du cœur d'un grand poète québécois, Marco Micone, qui, dans son Speak what, a écrit: «Nous sommes 100 peuples venus de loin partager vos rêves et vos hivers. Nous sommes 100 peuples venus de loin pour vous dire que vous n'êtes pas seuls.» C'est dans cet esprit d'ouverture que le gouvernement du Québec veut poursuivre le débat sur notre avenir politique et, en même temps, gouverner de façon efficace dans la solidarité, l'équité et avec le plus haut sens de ses multiples responsabilités. Je souhaite à notre Assemblée, M. le Président, une excellente session consacrée au progrès de notre nation.