Province Législature Session Type de discours Date du discours Locuteur Fonction du locuteur Parti politique Québec 31e 4e Message inaugural 6 mars 1979 M. René Lévesque Premier ministre PQ M. le Président, je n'ai pas beaucoup d'espoir que cette modeste allocution mente vraiment toute la dramatisation qu'on vient d'en faire, mais quelles qu'en soient les lacunes, dont je suis le seul responsable, je voudrais quand même souligner qu'il s'agit d'un moment assez important de l'année politique et aussi d'un des moments les moins partisans qui soient puisque ce discours inaugural avec, quelque temps après, normalement celui du budget. Ce sont les moments ou le gouvernement a le devoir d'annoncer ce qu'il entend faire, au point de vue législatif, avec le mandat qui lui a été confie et aussi, au point de vue administratif, avec les fonds publics dont il a la responsabilité. Il me semble que cela ne méritait pas tout le plat qu'on vient d'en faire, quoi qu'il en soit, allons-y quand même devant un auditoire légèrement réduit. M. le Président… Je n'oserais pas commenter la remarque du députe de Johnson, mais disons que je l'appuie. Deux ans et quelques mois ont passé maintenant depuis les dernières sections et, sans compter les urgences de la fin de 1976, deux sessions régulières du Parlement. Nous reprenons nos travaux -- qu'on n'a presque l'impression d'avoir quittés à cause du prolongement de la session, du mois de février -- à peu près à mi-chemin de ce mandat que les citoyens nous ont confié. Avec le menu législatif que nous avons à vous soumettre, de même que les autres projets prioritaires que nous entendons réaliser au cours de cette troisième année. Il n'est peut-être pas mauvais de profiter de l'occasion pour tacher de décrire en même temps si brièvement que ce soit. La perspective, le genre de continuité dans laquelle tout cela peut s'inscrire. À chaque année, bien sur, suffit sa peine, mais chaque année aussi, c'est une tranche de vie, fugitive mais nullement négligeable, et qui a sa place à prendre, bonne ou mauvaise, dans l'histoire d'un peuple. Or, celle que nous entreprenons sera certainement marquante, puisqu'elle nous conduira à un moment, ou à tout le moins jusqu'à la veille même d'un moment qui risque d'être très décisif dans l'histoire du Québec. Évidement, cette échéance, comme tout ce qui se passe de déterminant dans la société, le Parlement ne doit pas se faire l'illusion qu'il est seul à s'en occuper, loin de là. En régime démocratique, nos débats, nos décisions ne seront jamais qu'une partie de la réalité vivante et de ce pouvoir insaisissable et suprême que constitue l'infinie diversité des opinions et des actions individuelles. Dans ce fourmillement qu'est la vie en société il est quand même possible de discerner quelques courants principaux qui nous affectent tous et qui nous fournissent à la fois des inquiétudes à l'occasion, ce qui est bien normal, mais aussi et surtout de motifs de fierté et d'espoir. On peut noter d'abord que le peuple québécois a vite réussi à s'adapter au rythme d'une affolante époque de changement. Et il a su y parvenir non seulement sans abdiquer, mais en renforçant plutôt le sens collectif des responsabilisés et l'attachement à l'identité nationale. Parallèlement, on s'est rendu compte aussi -- et c'est une prise de conscience qui ne cesse de s'amplifier -- que, pour se réaliser pleinement, avec tous les moyens requis, cette personnalité québécoise a encore bon nombre d'obstacles et d'embûches à surmonter. Mais il y a chez nous, dans plus de milieux et de régions que jamais, un tel élan vers l'avenir -- il suffit de se promener pour le sentir -- un tel goût d'agir en avançant que, j'en suis sur, rien ne sera plus jamais capable de nous ramener en arrière. C'est là-dessus que nous devons compter pour faire de cette année en dépit de toutes les difficultés -- il y en a chaque année, il y en aura encore cette fois-ci -- d'en faire quand même un succès sans précédent. En nous rappelant constamment qu'un tel succès ne peut en dernière analyse, qu'être celui d'une collectivité tout entière. S'il est un domaine ou ce partage des responsabilisés est une nécessité qui saute aux yeux, c'est bien celui de la vie économique sur laquelle le gouvernement désir axer de plus en plus d'énergies et d'actions au cours des mois qui viennent. Évidement, cela ne nous empêchera pas, comme nous le verrons, de nous occuper de bien des questions dans ces autres secteurs qui constituent dans toute société moderne un ensemble de vases communicants dont aucun ne doit être négligé. Mais, a notre avis, 1979 est une année ou l'économie sera prioritaire, puisque le développement économique va se trouver sans cesse au cœur de nos préoccupations. J'ajoute que ce n’est pas entièrement nouveau, si ce n'est que désormais nous croyons être en mesure de faire plus articulé et plus permanent. Depuis deux ans, en effet, nous n'avons rien ménagé pour adopter toutes les décisions a court terme que peut tacher de réaliser un gouvernement provincial. C'est dans ce contexte qu'il faut situer le budget de l'an dernier avec ses baisses d'impôt substantielles pour l'immense majorité des citoyens, de même que l'abolition sélective de la taxe de vente pour une année entière, et la mise en marche du programme OSE, cette Opération solidarité économique qui a permis de maintenir ou de créer quelque 20 000 emplois, sans compter un programme spécial pour l'industrie minière, l'élaboration d'une politique d'achat et l'élargissement des stimulants fiscaux pour les petites et moyennes entreprises. En même temps, grâce à une gestion dont le moins qu'on puisse dire est qu'elle a été sévère, on a vu la situation financière du gouvernement s'assainir et le crédit de l'État et de ses organismes parapublics se raffermir. Tout compte fait, en dépit des entraves et des lenteurs qui ont été occasionnées indiscutablement par les coupures budgétaires et les politiques du gouvernement central, l'économie québécoise a manifeste en 1978 des signes évidents de reprise, tant aux chapitres des investissements manufacturiers et des exportations que de la croissance générale, la création de 51 000 emplois constituant la meilleure performance des quatre dernières années. Évidemment, il faut faire bien davantage encore, avec d'autres mesures a court terme, c'est sur mais aussi désormais par une action de plus longue portée visant à orienter notre économie vers le rééquilibre et le renforcement durables dont elle a besoin. Commençons, cependant, par les mesures qui concernent directement cette urgence de tous les jours, la lutte du chômage. L'un des fers de lance en sera la poursuite du programme OSE. Divisée en trois volets l'opération de cette année comprendra, en plus, une prolongation d'activités déjà connues, un nouveau bloc d'initiatives essentiellement créatrices d'emplois. Le premier volet, qui comporte des subventions directes dans ce domaine, regroupera trois programmes distincts: un pour l'aide au travail dont le budget est substantiellement accru; un pour stimuler la création d'emplois agricoles et, enfin, un troisième programme, d'une extrême importance, auquel seront consacrés $20 millions comme budget de départ et qui servira expressément à créer de l'emploi pour les jeunes dont le taux de chômage appelle comme jamais une action énergique. Quant au deuxième volet de cette opération 79, il portera sur une accélération systématique de la construction et on compte qu'il se traduira par une augmentation de $100 millions à $150 millions de dépenses dans l'industrie du bâtiment. Enfin, un troisième volet regroupera une série de mesures pour stimuler l'investissement privé: le programme de création d'emplois communautaires, l'aide aux pêches maritimes, l'implantation de silos et d'équipements de séchage, aussi bien à la ferme que sur le plan régional, et enfin un programme qui, comme celui de la création d'emplois communautaires, a été un succès remarquable pendant les mois antérieurs, le programme d'appui à l'entreprise innovatrice. C'est ce même souci fondamental d'accélération du progrès et de solidarité, en même temps, qui nous amènera dans quelques jours, à Montebello, à un deuxième sommet, comme on dit, en compagnie des principaux agents socio-économiques. Nous y reprendrons le dialogue amorcé à La Malbaie en 1977 et maintenu ensuite par toute une série de conférences sectorielles. Cette fois-ci la rencontre doit porter, en priorité, sur les conditions et les moyens d'un développement accéléré et d'une modernisation de notre économie dans un cadre qui respecte davantage la dignité des travailleurs. À la suite de cette consultation -- cela va prendre quelque temps, quand même -- mais pour pouvoir s'inspirer de ce qui en ressortira, sans compter tout le travail de préparation qui a été fait, donc à la suite de cette consultation, et en cours d'année, nous déposerons un énoncé de perspectives et de politiques économiques dont la mise au point est confiée au ministre d'État au développement économique. Malgré l'arsenal réduit de leviers et de moyens financiers que lui laisse le régime fédéral, le Québec s'attellera ainsi pour de bon à la tâche de viser des objectifs généraux aussi bien que des orientations sectorielles à une véritable politique de développement. J'espère que, entre autres, le député de Lotbinière, chef de l'Union Nationale, trouvera là au moins quelques-unes des réponses aux questions insistantes qu'il pose si souvent sur la politique économique. Il admettra que dans le régime où nous sommes, il n'est pas facile de voir clairement la perspective du développement économique avec, forcément, les niveaux de gouvernement qui, souvent, se marchent sur les pieds. Pourtant, après deux ans de recherches, de mises au point, d'efforts sectoriels, on va essayer de déboucher, dans les mois qui viennent, sur cet énonce général aussi cohérent que possible d'une politique de développement. Dans cet énoncé, on tiendra compte des atouts indiscutables que comportent notre position stratégique à l'entrée du continent et nos grands réservoirs de ressources dont certaines sont même loin d'être à moitié exploitées, et plus encore des capacités d'une population de mieux en mieux préparée à faire face aux défis de l'économie contemporaine, et dont le dynamisme créateur explose littéralement dans des régions comme la Beauce, le Saguenay-Lac-Saint-Jean ou l'Abitibi-Témiscamingue. Mais il faudra tenir compte également de graves lacunes: vieillissement de plusieurs secteurs industriels, dépendance excessive de l'étranger, faiblesse historique des investissements du côté manufacturier et surtout -- et surtout -- ce défi surhumain qu'on doit pourtant relever et qui est une augmentation d'ici dix ans d'environ 700 000 nouveaux arrivants sur le marché du travail. Il est donc clair que nous avons du pain sur la planche et que, dès maintenant, nos législations et nos programmes doivent déjà s'inspirer de cette démarche plus cohérente et mieux planifiée que nous entendons donner au développement. Ainsi, il est plus que temps d'abandonner cette approche économique foncièrement passive qui s'est toujours contentée d'objectifs assez flous et peu exigeants pour qu'on se repose presque en exclusivité sur la prospection d'investissements étrangers. Il faut désormais, sans exclure ceux qui viennent du dehors pourvu qu'ils nous respectent et qu'ils participent à notre développement, qu'une part croissante de notre épargne disponible ici, chez nous, soit consacrée au développement du Québec et, pour ce faire, le gouvernement mettra bientôt en place de nouveaux mécanismes de financement pour les projets québécois d'investissement industriel et commercial. En fournissant aux entreprises les plus dynamiques une source de fonds additionnelle qui favorise leur expansion, mais sans accroître leur endettement, ce nouvel instrument marquera de façon concrète la ferme intention des Québécois de se doter d'un secteur secondaire qui aura plus de muscle et les reins plus solides. D'autre part, il n'y a pas de meilleur moment que cette période, qui a ses désavantages, bien sûr. Mais il n'y a pas de meilleur moment que cette période de dévaluation dramatique de la monnaie pour accentuer la présence de nos produits sur les marchés d'exportation. Or, il faut bien constater qu'en général nos petites et moyennes entreprises, dont la qualité des produits est si souvent absolument indiscutable, montrent pourtant de ce côté-là moins de dynamisme que ce à quoi on devrait s'attendre. De nombreuses occasions d'exporter sont ainsi perdues faute de temps, de renseignements, de soutien technique ou financier. Le gouvernement vous proposera donc la mise sur pied d'un organisme exclusivement orienté vers la promotion de l'exportation pour nos petites et moyennes entreprises. Ce nouvel outil comblera le vide entre producteurs et marchés extérieurs et complétera les mesures que nous avons déjà prises pour aider les PME. Nous ferons aussi un effort particulier pour qu'un plus grand nombre d'entreprises aient accès à l'aide de la Société de développement industriel et nous allons également simplifier et régionaliser les mécanismes d'assistance financière afin de réduire la paperasse et donner à la SDI plus d'autonomie. En ce sens, le gouvernement proposera d'importants amendements à la Loi de l'aide au développement industriel. Par ailleurs, dans le domaine commercial, nous avons pris connaissance des constatations du comité d'étude sur le fonctionnement et l'évolution du commerce au Québec dont le rapport final sera rendu public lundi prochain. Dans la foulée de ce rapport et sans tarder, nous avons l'intention, entre autres choses, de proposer une loi pour protéger les quelque 15000 petits commerçants qui détiennent des contrats de franchise auprès des grandes sociétés nationales ou multinationales et qui n'ont jamais eu l'essentiel, même le minimum vital, de protection auquel ils auraient droit et dont ils ont sûrement besoin. Maintenant, si vous me le permettez, M. le Président, je voudrais passer brièvement à ce grand secteur socio-économique, le mouvement coopératif, avec lequel, dès le début, notre gouvernement a tenu à amorcer un véritable partnership. Inutile de vous dire qu'il n'est surtout pas question d'y renoncer, l'entreprise coopérative étant parmi les plus authentiquement et indéracinablement québécoises que nous ayons. Par des amendements qu'on vous proposera à la Loi de la Société de développement coopératif, on augmentera donc la participation financière de l'État. La société aura ainsi à sa disposition plus de capital de risque pour les nouvelles coopératives. De plus, nous avons prévu pour l'automne qui vient un mini-sommet -- pour employer le jargon actuel -- spécifiquement consacré, avec les représentants de tous les secteurs de la coopération, à un examen fouillé des problèmes et des promesses d'avenir qu'on peut y percevoir. Quant aux entreprises du secteur public -- les sociétés d'État -- dont la collectivité s'est dotée depuis une vingtaine d'années, il faut viser maintenant--on l'a déjà dit, mais c'est en train de se faire -- à une meilleure performance économique et à la rentabilité. Après les réformes effectuées à l'Hydro-Québec et à la SGF, la session qui commence apportera d'autres projets de modifications, notamment en ce qui concerne SIDBEC. Quant à la dernière née de ces entreprises publiques, la Société Nationale de l'amiante, elle a pris son essor très vite: après quelques mois seulement, elle a déjà deux projets industriels à son actif. Ce qui n'est rien en comparaison des développements prévisibles lorsqu'elle atteindra sa taille normale avec la prise en mains d'Asbestos Corporation. Est-il besoin d'ajouter à ces propos que le projet d'expropriation déposé il y a quelques mois -- avant les Fêtes -- sera présenté de nouveau s'il n'y a vraiment pas moyen de régler cette affaire à l'amiable. Il y aura également la création d'un Centre de recherche de l'amiante. Financé conjointement par l'industrie et le gouvernement, l'organisme travaillera à la mise au point de nouveaux produits dérivés de l'amiante, afin d'encourager et de stimuler la transformation chez nous d'une ressource essentielle, et également au développement de procédés de fabrication sans danger pour la santé. Je voudrais maintenant compléter ce survol de nos intentions strictement économiques en décrivant de façon forcément lapidaire -- le temps nous presse toujours un peu -- les gestes concrets que nous allons poser de concert avec ceux qui s'y dépensent, dans divers autres champs d'activité sectorielle. L'énergie. Le monde fait face dans ce domaine à une crise qui s'annonce durable, sinon permanente, et le Québec n'est pas et ne sera pas épargné. Même avec la richesse en énergie renouvelable que nous garantissent nos ressources hydrauliques forestières, il va falloir à l'avenir assurer comme jamais nos autres sources d'approvisionnement, tout en apprenant aussi comme jamais à économiser, à conserver au maximum ce que nous produisons et ce que nous importons. À cette fin, une loi sur la répartition au Québec et par le Québec des approvisionnements en énergie sera déposée dans les plus brefs délais. Le gouvernement entend aussi développer les énergies nouvelles -- comme on les appelle et qui sont quand même parmi les espoirs de l'avenir -- et mieux coordonner ses efforts avec ceux du secteur parapublic. Par exemple, une nouvelle loi du bâtiment permettra d'implanter des normes sévères d'isolation afin, là encore, d'économiser l'énergie. Enfin, cette action gouvernementale sera couronnée par la création d'un véritable ministère de l'énergie. Le tourisme. Conscients du rôle moteur que joue et que doit jouer sans cesse davantage notre industrie touristique -- on sait à quel point on a un déficit de ce côté-là et pourtant ce n'est pas que le Québec manque d'attraits -- et conscients de l'importance qui doit sans cesse augmenter du côté de l'industrie touristique, et pour remplir aussi du même coup un engagement précis, nous entendons établir dans les mois qui viennent un régime de crédit spécifique pour ce secteur important de l'économie. Les pâtes et papiers. Il y a là un autre programme majeur qui atteindra au cours de l'année 1979-1980 son rythme de croisière. L'effort de modernisation de l'industrie, s'étendant à bon nombre d'usines qui en ont grand besoin pour faire face aux concurrences étrangères, devrait impliquer des mises de fonds privés et publics de plusieurs centaines de millions. Dans cette même optique concurrentielle, il faut évidemment se préoccuper du maintien et de toute l'augmentation possible de la capacité de nos forêts. Ce souci de développement intensif et continu explique la création prochaine d'un fonds forestier dont les ressources garantiront le financement à long terme des travaux d'aménagement. Les pêcheries. On prévoit de ce côté un élargissement des subventions et des facilités de crédit aussi afin d'accélérer l'indispensable renouvellement de la flotte. On fera également les efforts nécessaires pour assurer à nos usines de transformation un approvisionnement plus abondant et, encore plus, mieux réparti le long de l'année afin de stabiliser l'emploi et les revenus. Inutile d'ajouter que nous nous réjouissons de la fierté qui a été ressentie dans nos régions côtières lorsque Gaspé a été désignée comme capitale administrative des pêches maritimes et que l'opération de décentralisation se poursuivra sans relâche et jusqu'au bout. L'agriculture. Ici, après la loi si essentielle et si longtemps attendue sur la protection du territoire agricole, nous allons continuer par d'autres mesures à parfaire ce cadre de conservation du patrimoine foncier. En plus du projet de création d'une banque de sol, qui reviendra bientôt, nous présenterons -- et c'est plus que le temps -- une loi visant à interdire enfin la mainmise des non-résidents sur les terres agricoles du Québec. D'autre part, on vous proposera l'établissement d'une régie de mise en marché des grains, afin d'augmenter notre degré d'autosuffisance, ce qui devrait permettre en particulier de stimuler notre industrie du bœuf de boucherie. Avec le milliard de dollars environ, que nous importons chaque année de bœuf, dont une partie pourrait être produite chez nous, il nous semble que toutes les mesures possibles et réalisables doivent être prises pour essayer de combler ce déficit. Pour clore cet aperçu des intentions économiques du gouvernement, on me permettra d'y inscrire nos projets de développement culturel, qui n'ont pas seulement des liens étroits avec le développement économique mais qui, pour cette fois, en font clairement partie. Non seulement parce que c'est l'identité culturelle qui inspire bon nombre de nos choix matériels, tous les jours, mais aussi parce que l'expansion des industries culturelles engendre -- et c'est bon de le souligner -- plus d'emplois à un coût moins élevé que dans tout autre secteur. Or, sur le plan de l'aide aux créateurs et celui de la diffusion des œuvres et des produits, le livre blanc sur le développement culturel est venu souligner l'urgence d'un rattrapage qui s'imposait depuis longtemps. 1979 verra donc la mise en marche la plus vigoureuse possible de la Société de développement des industries culturelles qui a créée l'an dernier. Puis, fort attendu et déjà abondamment commenté par anticipation, il y aura aussi le projet de loi sur l'industrie du livre. Enfin, en ce qui concerne la recherche et le développement, je suis heureux de souligner que b livre vert sur la politique québécoise de la recherche scientifique, élément clé et même souvent élément moteur de toute économie qui veut développer ses secteurs de pointe, sera publié avant la fin du printemps. Inutile d'ajouter que, d'ici quelques semaines, cet autre aperçu majeur des politiques du gouvernement, le discours du budget, nous fournira -- nous en sommes sûrs -- d'autres motifs de croire en notre aptitude à bâtir l'avenir socio-économique en ne cessant pas d'améliorer le présent et en assumant sans cesse davantage ces responsabilités que personne d'autre ne devrait ou ne saurait remplir à notre place ici, au Québec. Mais, à notre humble avis -- et je n'apprends rien à personne -- toute émancipation véritable devra d'abord passer par l'établissement d'un nouveau rapport de forces dans le domaine économique, et par la souveraineté politique qui, seule, pourra rapatrier tous les instruments qui sont nécessaires à notre développement. La moitié des impôts des Québécois alimente encore les coffres fédéraux. Et cette partie de nos taxes est très souvent celle qui affecte le plus directement notre économie; elle donne à un autre gouvernement, au service d'une autre majorité, nécessairement, la marge de manœuvre stratégique et les grands leviers d'intervention qui manquent terriblement au Québec. Il nous faut, le plus tôt possible, nous donner les instruments complets et autonomes d'une politique économique qui soit entièrement à notre service -- on est capables maintenant de s'en servir aussi bien que n'importe qui -- tout en tenant compte, bien sûr, des intérêts que nous partageons avec nos voisins et du maintien de l'espace économique canadien. Cette nouvelle définition de nos rapports exige, cela saute aux yeux, une transformation majeure des structures politiques et c'est ce que désire profondément la majorité des Québécois, une transformation majeure. Tout appelle désormais à la conclusion d'une nouvelle entente, d'égal à égal, entre les deux peuples qui cohabitent actuellement à l'intérieur du Canada. Telle est la perspective dans laquelle doit s'inscrire le référendum que nous nous sommes engagés à tenir et que nous tiendrons au cours du présent mandat du gouvernement. Afin d'alimenter la réflexion de tous, une fois passées certaines échéances électorales qui n'en finissent plus de se rapprocher, le gouvernement s'engage à présenter à la population et à ses représentants à l'Assemblée nationale un document qui apportera là-dessus un éclairage définitif, particulièrement en ce qui concerne les liens et les institutions de nature surtout économique qu'il conviendra de conserver entre le Québec et le Canada. Pour la première fois de notre histoire, nous pourrons alors exercer librement et en toute connaissance de cause ce droit à l'autodétermination qui est le propre de toutes les nations modernes et qui leur est maintenant reconnu par tous. Et le choix des Québécois, on peut en être sûr, sera lui aussi respecté par tous. Or, cette accession d'un peuple à sa pleine maturité, c'est-à-dire à la pleine responsabilité, dans un sens les deux mots sont synonymes, cette accession à la pleine maturité et à la pleine responsabilité, c'est une chose qu'on sent venir à l'avance, parce que c'est dès maintenant qu'on en voit s'accélérer la mise en place à l'échelle des personnes et des groupes. C'est contagieux ce sentiment. Vous savez, le droit à l'autodétermination, à l'égalité des droits et à l'égalité des chances, il existe aussi pour chacune et pour chacun d'entre nous. Et comme l'ensemble de la société, le gouvernement se doit d'en être conscient dans toute son action. Par exemple, est-il besoin de souligner que la condition féminine a décidément cessé d'être une question secondaire, ou simplement sectorielle? C'est désormais un sujet central qui est en plein cœur de nos problèmes sociaux et aussi de tout le devenir collectif. La publication récente par le Conseil du statut de la femme de son rapport intitulé "Égalité et indépendance" a amené la formation d'un comité ministériel composé de trois ministres et assisté d'un groupe de travail placé sous la responsabilité du secrétaire général du Conseil exécutif. Ce comité a reçu le mandat de coordonner l'action du gouvernement en vue d'atteindre le plus rapidement possible les grands objectifs formulés dans le rapport et de fixer un échéancier de réalisation avec chacun des ministères. Or, avant même de mettre en place cette structure, le gouvernement avait déjà manifesté sa volonté de passer à l'action. Et je ne parle pas des congés de maternité où on était tellement en retard et qui sort maintenant une réalité, mais de ceci: Pour étudier la première étape de révision du Code civil touchant la question du droit de la famille et de l'égalité des époux, la commission parlementaire de la justice se réunira dès les prochaines semaines. Ce qui donnera lieu à d'importantes modifications du Code civil, de même qu'à la création d'un tribunal de la famille. Nous espérons à cet égard que les difficultés d'ordre constitutionnel que la création de ce tribunal soulève seront réglées rapidement. De plus, aucune réforme du droit de la famille et des époux ne serait complète sans l'établissement de mécanismes pour faciliter la perception des pensions alimentaires. S'il est un besoin indiscutable, c'est bien celui-là. Je suis heureux de pouvoir déclarer que le travail est déjà passablement avancé et qu'on devrait avant longtemps avoir les mécanismes requis pour la révision du montant des pensions et surtout pour la bonne exécution des ententes ou des jugements. Par ailleurs, vous avez déjà appris qu'on présentera un projet de loi créant une Commission des services de garde. Même si le gouvernement a déjà multiplié par sept, en deux ans, sa contribution financière au développement des garderies, il faut trouver le moyen de faire reposer cet effort financier, qui est coûteux de plus en plus, sur des orientations précises et de mieux en mieux ajustées aux besoins et aux aspirations de l'ensemble des familles québécoises, le plus vite possible; c'est la tâche qui sera dévolue à cette Commission des services de garde. D'autres gestes seront également posés cette année qui, considérés un à un et isolément, n'auront pas l'éclat évidemment que revêtent les grandes réformes, mais dont la somme devrait tout de même avoir un impact cumulatif. En fait, les projets de loi et les politiques nouvelles, avant d'être lancés, seront systématiquement examinés à la lumière des légitimes revendications féminines. Bien sûr, le gouvernement n'a pas de prise directe sur tous les facteurs déterminants, et il faudra compter beaucoup -- c'est d'ailleurs ce que le Conseil du statut de la femme disait dans son rapport -- sur l'évolution des mentalités. Mais, en tout cas, plutôt que d'adopter une attitude attentiste et de se placer à la remorque d'un courant qu'il juge par ailleurs nécessaire autant qu'irréversible, le gouvernement a décidé d'assumer son leadership afin d'accélérer cette grande, profonde et indispensable métamorphose de la société. D'autre part, j'ai le plaisir extrême de vous annoncer officiellement -- après certains journaux -- le lancement d'un programme tout à fait inédit de supplément au revenu de travail. Le mérite en revient essentiellement à l'équipe que dirige le ministre d'État au développement social. Ce nouveau programme, en plus de favoriser une distribution plus équitable du revenu disponible, permettra enfin d'établir une jonction entre la rémunération de l'emploi et l'aide sociale. On y verra à inciter au travail les chômeurs et les assistés sociaux qui en ont l'aptitude, comme aussi à maintenir dans leur emploi les travailleurs à faible salaire qui ont des charges familiales. Le programme sera mis en place en deux étapes: dès cette année, l'État versera un supplément de revenu aux couples avec enfants et aux familles monoparentales, c'est là que se situent les besoins les plus pressants, les plus douloureux aussi très souvent; l'année prochaine, les couples sans enfant et les personnes seules recevront à leur tour une aide similaire. Quand le tout sera complété, c'est un budget d'environ $50 millions qui servira à aider ces travailleurs à faible revenu. L'effet sera non seulement de stimuler notre économie, mais aussi de redécouvrir littéralement toute une catégorie de citoyens si bien oubliés par les politiques gouvernementales antérieures qu'il était souvent devenu plus payant pour beaucoup d'entre eux de demeurer inactifs que de chercher un emploi. 80% des sommes prévues seront versés à des familles qui vivent présentement en dessous du seuil de la pauvreté, car le développement économique ou socio-économique, ce qui est une meilleure expression, ne doit surtout pas passer à côté des plus démunis de la société. Les personnes âgées continueront de leur côté à recevoir une attention toute spéciale. Après les annonces récentes de la gratuité du transport ambulancier et d'une augmentation de plus de 5000 places dans les centres d'accueil --hélas! il faut toujours le temps pour les construire, les chantiers sont en marche dans bien des cas et d'autres s'ouvriront bientôt, en tout, c'est une augmentation prévue, programmée de 5000 places dans les centres d'accueil -- en plus de cela, le budget d'aide et de soins à domicile a été accru de nouveau et permettra cette année la création d'un programme spécifique de subventions aux organismes bénévoles et aux groupes d'entraide. Ce sera là un nouvel instrument de prise en charge par le milieu, et par les personnes âgées elles-mêmes dans bien des cas. Avec l'accroissement de la longévité et le vieillissement prévisible de la population, il faut aussi de plus se préparer à la remise en question, assez fondamentale je crois, de notions comme la retraite et la préparation à la retraite. Aussi, le gouvernement va-t-il accélérer ses réflexions -- c'est-à-dire pousser pour qu'elles débouchent -- sur une politique plus cohérente de maintien à domicile et sur l'évolution du régime des rentes et des fonds de retraite. Quant aux problèmes des jeunes, rappelons d'abord que, pour l'Année internationale de l'enfant dans laquelle nous sommes, un budget spécifique financera des activités auxquelles on espère pouvoir donner le plus possible un caractère permanent. Par ailleurs, même si la Loi de la protection de la jeunesse est maintenant en vigueur, plusieurs problèmes restent à résoudre, tel celui de l'adoption. Dans ce domaine, on vous proposera des modifications à la loi, de façon à éliminer d'abord certaines pratiques abusives et frauduleuses, surtout dans le cas d'adoption d'enfants étrangers, à faciliter l'adoption des handicapés et à assurer la primauté des intérêts de l'enfant. De plus, et c'est plus que le temps, les allocations aux parents qui gardent leurs enfants handicapés seront substantiellement accrues. Enfin, conformément à notre engagement électoral, la gratuité des soins dentaires sera étendue cette année aux enfants de 14 ans. Adapter sans cesse notre système d'éducation à un monde changeant nous apparaît cependant la façon la plus indiquée, la plus universellement accessible en tout cas, d'améliorer la situation de la jeunesse et de répondre en même temps aux attentes et aux espoirs des parents. Du genre de formation et de la qualité d'enseignement que nos jeunes reçoivent à l'école dépend en grande partie la manière dont ils assumeront plus tard leurs responsabilités d'adultes. À la lumière de la consultation qui a été menée tout au long de 1978, le gouvernement rendait public, il y a deux semaines seulement, son énoncé de politique sur l'enseignement primaire et secondaire. Il est rempli de mesures concrètes que nous entendons réaliser dès cette année en collaboration avec les parents, les éducateurs et les autorités scolaires. Sans renier le passé, nous comptons beaucoup sur ce plan d'action pour nous apporter un enseignement de meilleure qualité et une école mieux insérée dans son milieu. Cela va donner lieu, au cours de la session, à des amendements à la Loi de l'instruction publique. D'autres aspects aussi retiendront particulièrement l'attention, notamment en ce qui concerne l'encadrement plus humain des élèves par la désignation d'un titulaire au niveau secondaire, le remplacement des programmes-cadres par des programmes plus précis et peut-être surtout -- c'est une opinion personnelle -- la production et la mise à la disposition de chaque élève d'au moins un manuel scolaire par matière. En milieu défavorisé, on doit mettre au point un plan d'intervention destiné le plus possible à prévenir l'absentéisme et l'abandon des études. En ce qui touche le rôle des parents, on prévoit une communication plus fréquente sur l'évolution de leur enfant et l'obligation de les consulter sur certaines matières. Notons enfin qu'au niveau primaire la semaine d'enseignement passera de 23 heures à 25 heures et qu'au niveau secondaire la formation générale est prolongée d'un an et qu'une sixième année est ajoutée pour la formation professionnelle, ce qui permettra d'approfondir aussi bien les enseignements que les choix des élèves. Quant au niveau collégial, le livre blanc lancé en octobre dernier faisait, dans l'ensemble, un bilan positif des dix années du secteur. Tenant compte des difficultés rencontrées et d'une politique de "retour à l'essentiel", on y abordait entre autres les problèmes de l'éducation des adultes, du secteur professionnel et de la "formation fondamentale". Dès cette année, il est censé en découler certaines réformes administratives et pédagogiques, de même que des modifications à la Loi des collèges d'enseignement général et professionnel et à celle du Conseil supérieur de l'éducation. Afin de compléter ces réformes entreprises à tous les niveaux du système d'éducation, la Commission d'étude sur les universités doit publier son propre rapport au cours de l'été qui vient. Il restera alors--sans compter tout ce qui restera toujours parce que, dans une société en évolution, s'il est un domaine qui doit continuer à évoluer, si prudemment que ce soit, c'est bien l'éducation--d'une façon assez pressante, à mettre de l'ordre dans le grand secteur de l'éducation permanente où l'on doit s'efforcer d'établir une meilleure correspondance entre la formation professionnelle et l'évolution du marché du travail. D'importantes ressources humaines et financières sont présentement engagées dans ce domaine, mais dans un incroyable fouillis aussi bien institutionnel que fédéral-provincial. Il est devenu urgent que le gouvernement détermine plus clairement ses politiques et on compte mettre à la tâche des équipes de travail intersectorielles dès cette année. Cet intérêt pour l'éducation au sens le plus large du terme, nous l'avons d'ailleurs démontré tout récemment en définissant les nouvelles orientations de Radio-Québec, axées sur son rôle éducatif, sur la valorisation des apports régionaux à sa programmation et sur l'extension éventuelle de sa diffusion à tout le territoire. La loi de Radio-Québec sera modifiée pour tenir compte de ces orientations. En ce qui concerne maintenant le climat social, dont le bon état est indispensable à tout progrès digne de ce nom, l'ensemble des travailleurs sera appelé dès cette année, en 1979, à exercer d'importantes responsabilités nouvelles par la Loi sur la santé et la sécurité au travail. Nous espérons vivement que ce projet tant attendu recevra l'assentiment de la Chambre dans les plus courts délais. Et pour la vaste majorité -- et c'est encore une majorité -- des travailleurs non syndiqués, dont une multitude de femmes, qui aspire à tout le moins à des conditions de travail décentes, nous vous demandons également de poursuivre avec célérité l'étude du projet de loi sur les normes minimales qui répond, dans tant de coins, à de si pressants besoins. Quant au domaine des relations de travail proprement dites, notre réflexion en ce moment porte, sans négliger la perspective de réforme globale, sur les modifications que nous comptons apporter dès cette session au mécanisme de l'injonction afin d'en enrayer l'utilisation abusive et de rendre ce recours exceptionnel plus conforme à la réalité des relations de travail. Ce qui nous amène tout naturellement à parler un peu de la présente ronde de négociations dans les secteurs public et parapublic. Juste un peu, car la parole appartient surtout aux représentants qui sont mandatés par les parties. Cependant, compte tenu des inévitables problèmes de rodage du nouveau cadre juridique que l'Assemblée nationale adoptait l'an dernier, on peut d'ores et déjà constater, au moins, que cela a servi à accélérer le processus et, du moins, espérons-le, à améliorer sensiblement la question délicate entre toutes du maintien des services de santé essentiels à la sécurité de la population. Quant à la politique de rémunération proposée par, comme on dit dans le jargon courant, la partie ou les parties patronales, elle s'articule autour de ces quelques lignes de force: --un juste salaire pour les employés, c'est-à-dire des augmentations équitables qui tiennent compte de la capacité de payer de l'État, autrement dit de l'ensemble des contribuables; --un retour graduel à l'équilibre entre la rémunération des secteurs public et parapublic et celle du secteur privé, afin d'éviter des iniquités qui deviendraient intolérables si les quatre cinquième des travailleurs devaient continuer à se cotiser par l'impôt pour permettre à certains groupes de jouir de revenus sensiblement plus élevés que les leurs; --et troisièmement, une protection suffisante, mais qui ne pourra plus être absolue--elle ne pourra plus pour personne être absolue, je pense dans aucun pays qu'on connaît -- donc, une protection suffisante, mais qui ne pourra plus être absolue, du pouvoir d'achat des employés. Et, là-dessus, à ceux qu'il est convenu d'appeler les partenaires patronaux du gouvernement comme à ceux que je tiens à appeler nos partenaires syndicaux, je voudrais dire simplement que la négociation -- on le sait de reste -- c'est nécessairement long, c'est souvent difficile, mais nous pouvons la réussir sans exposer à nouveau la société toute entière à des secousses dont tout le monde sortirait perdant. Cela n'exige que la bonne foi et la volonté vraie de régler des problèmes plutôt que d'en fabriquer. Quant à nous, vous en avez la promesse, nous tâcherons sans relâche d'en arriver à des ententes qui soient justes et qui ne pénalisent personne, ni les salariés, ni l'ensemble de la collectivité. D'autre part, sur un sujet qui touche aussi toute la collectivité et constitue un aspect essentiel de la qualité de la vie pour tant de citoyens, inutile de vous dire, bien sûr, que la loi instituant la Régie du logement reviendra incessamment devant la Chambre. De plus, nouvelle phase de la réforme en profondeur du Code de protection du consommateur, un projet de loi sur les biens immobiliers sera aussi présenté dans le but de régir l'ensemble des transactions -- un ensemble extraordinairement important -- qui entourent notamment l'achat, la vente et le financement des terrains et des maisons. Enfin, rejoignant tout le monde, la publication du livre blanc sur le loisir sera suivie de quelques projets de lois chargés d'en amorcer la mise en œuvre. On verra également, comme un autre signe éloquent de ce souci pour la qualité de la vie, la création d'un véritable ministère de l'environnement, qui viendra encadrer -- non pas paralyser -- notre conscience grandissante de la valeur et en même temps de la fragilité des équilibres naturels qu'on ne saurait plus négliger ou briser sans mettre l'avenir lui-même en péril. La qualité de la vie tient cependant, plus qu'à toute autre chose, à l'excellence des rapports humains entre les groupes. En ce qui concerne les "minorités", le gouvernement a déjà affirmé clairement qu'aucun citoyen québécois, quels que soient son origine, sa langue ou son statut, ne doit se sentir exclu des projets de la société québécoise. Nous voulons très concrètement établir un dialogue continu entre le gouvernement et toutes ces minorités où qu'elles soient au Québec. C'est pour cela que débuteront au printemps qui vient une série de colloques qui se tiendront sur une base régionale, afin d'aboutir à une meilleure compréhension des problèmes et des besoins de os concitoyens des diverses communautés ethnies -- comme on dit --qui enrichissent le Québec de leur présence. Et puis enfin, l'Assemblée nationale aura des choses fort importantes à discuter en matière d'aménagement du territoire et de répartition des pouvoirs et des ressources, ainsi que la réforme de certains instruments clés de notre démocratie électorale. Le plus marquant de ces projets sera sans doute la loi sur l'aménagement et l'urbanisme dont l'adoption est sérieusement prévue -- si tel est le bon vouloir de l'Assemblée, bien sûr -- pour la première partie de la session. Il s'agit là d'une intention ferme du gouvernement qui découle de la conviction que l'aménagement, qui n'est pas abord une question strictement technique, c'est d'abord et avant tout une responsabilité politique. Pour les administrations locales, l'événement majeur de l'année sera la mise en place de la réforme de la fiscalité municipale, qui couronnera de longues et laborieuses consultations au bout desquelles un accord fructueux a tout de même fini par émerger. On vous demandera aussi d'adopter une loi concernant les élections municipales, allant dans le sens d'une généralisation de la loi 44 qui a été adoptée l'an dernier et qui a déjà servi sous cette forme tronquée aux élections qui se sont tenues dans les plus grandes villes. Ces mesures qu'appelle une participation accrue des citoyens au processus démocratique devront cependant être harmonisées avec la réforme plus globale qu'on présentera du système électoral. Après la loi sur la consultation populaire ou les référendums et celle sur le financement des partis politiques qui devra d'ailleurs être renforcée sur certains points -- on en a parlé au mois de février -- nous porterons à votre attention deux autres projets fort importants. Le premier, une loi du registre des électeurs visant à mettre en place la fameuse liste unique et permanente qui, en plus d'être une économie appréciable, pourra éventuellement servir aussi aux élections municipales. Le deuxième projet, c'est la refonte en profondeur de la Loi électorale afin de la simplifier, de la rendre plus accessible aux électeurs et de donner aussi une plus grande autonomie au directeur général des élections à l'égard du pouvoir exécutif. La carte des districts électoraux, la carte des comtés, qui attend depuis bientôt une dizaine d'années, sera également révisée. Quant à la réforme du mode de scrutin, vu qu'il s'agit là d'un changement tout à fait fondamental, elle sera d'abord amorcée par la publication d'un livre vert afin de permettre à tous d'en examiner les implications. Et tout cela éventuellement devrait nous mener à ce qu'on pourrait appeler un véritable code électoral. Comme toujours, il y aura encore de ces projets mineurs qui servent de correctifs à une foule de lois, et aussi de ces urgences imprévisibles qui nous forcent à nous retourner vite. Certains diront, non sans raison peut-être, que c'est trop, qu'il vaudrait mieux moins embrasser et mieux étreindre... D'autant plus que de nos jours le moindre sujet devient sans cesse plus complexe et d'ordinaire plus exposé également à la controverse. On sait tous à quel point cela peut être harassant et exigeant. Mais, par ailleurs, il y a tant de domaines qui s'expriment, il y a tant de besoins aussi qui s'expriment, il y a tant de négligences qui sont toujours là à réparer et d'aspirations croissantes qui se font jour et qui sont vécues par tant de gens comme leurs priorités qu'il devient pratiquement impossible de refuser de s'en occuper. Ce qui fait que le résultat est forcément imparfait, il le sera toujours. L'important, c'est que nous mettions de part et d'autre toute la compétence et, encore plus, toute la bonne volonté dont nous sommes capables. Nos concitoyens, qui peuvent maintenant nous voir agir au jour le jour, n'en demandent sûrement pas davantage. Mais ils n'attendent rien de moins.