Province Législature Session Type de discours Date du discours Locuteur Fonction du locuteur Parti politique Québec 35e 2e Discours sur le budget 31 mars 1998 M. Bernard Landry Vice-Premier ministre, ministre d’État de l’Économie et des Finances, ministre des Finances, ministre du Revenu et ministre de l’Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie. PQ M. Landry : M. le Président, lors du dernier discours sur le budget, je réitérais notre volonté de gérer les finances publiques de façon serrée et d'atteindre notre objectif de déficit. Je prévoyais une croissance économique modeste et j'annonçais en conséquence un vigoureux programme de stimulation des investissements privés. De plus, je mettais en œuvre une réduction substantielle de la fiscalité des particuliers pour la rendre plus simple, plus équitable et favorable à l'emploi. J'ai le plaisir d'annoncer aujourd'hui que les grands paris du dernier budget ont tous été tenus. La croissance de l'économie a été plus forte qu'anticipé; la création d'emplois, pour 1997, s'est élevée à 48 000, près de deux fois plus que prévu. Nos objectifs financiers ont également été atteints et notre cible de déficit de 2 200 000 000 $ sera respectée. Nous ferons même un peu mieux. Nous avions promis de rétablir la crédibilité financière du gouvernement du Québec; c'est fait. Et, après trois années consécutives de fidélité aux objectifs, l'ancien cercle vicieux se mue en cercle vertueux. Ces réalisations au chapitre des finances publiques et de l'emploi n'ont pas empêché le gouvernement national du Québec de rester progressiste et de se préoccuper des classes moyennes et des plus démunis. Notre bilan social, même en période de grande rigueur, est tout à fait impressionnant: En janvier 1997 démarrait le programme d'assurance-médicaments qui est venu donner une protection nécessaire à 1 500 000 citoyens et citoyennes de plus. Au même moment, le Fonds de lutte contre la pauvreté, doté d'une enveloppe de 250 000 000 $, était lancé; En février, la ministre de l'Éducation publiait un énoncé de politique intitulé Le virage du succès, comportant une réforme majeure de l'éducation, très bien accueillie et déjà en route; En septembre, c'est la politique familiale qui se met en branle avec une allocation bonifiée pour enfant, les services de garde à 5 $ pour les quatre ans et des maternelles à plein temps pour les cinq ans; En octobre, nous mettions en place l'allocation-logement unifiée qui améliore les conditions de vie de plus de 134 000 ménages à faibles revenus; En janvier, la réforme fiscale abaissait l'impôt de 15 % pour les contribuables gagnant moins de 50 000 $ et permettait à 200 000 contribuables à faibles revenus de ne plus payer aucun impôt. Le budget que je présente aujourd'hui poursuit la même combinaison gagnante d'action économique et de progrès social et s'appuie sur les trois mêmes grands principes: rigueur dans la gestion des finances publiques, préoccupation obsessionnelle pour la création d'emplois, partage socialement juste des retombées de la bonne gestion de l'économie et des finances. Dès le début de ce discours, je voudrais disposer d'une question centrale pour tous les contribuables, bien évidemment: le présent budget ne comporte aucune hausse de taxes et d'impôts. Le Québec, M. le Président, est déjà trop taxé; c'est la désescalade qu'il faut viser le plus rapidement possible. On sait que, l'an dernier, j'ai annoncé une réforme fiscale neutre au départ. Dès cette année, elle se retourne en faveur des contribuables; depuis le début de l'année d'imposition 1998, même en tenant compte de l'augmentation de la taxe de vente, les ménages bénéficient d'une réduction nette de leurs impôts et taxes de 500 000 000 $. L'allégement du fardeau fiscal est précisément l'une des grandes raisons qui nous pousse à aborder résolument notre dernière étape vers le déficit zéro. Nous la franchirons avec la même rigueur que les précédentes, malgré le grand verglas et malgré les embûches que le gouvernement central continue de semer sur notre route avec un sans-gêne de plus en plus révoltant. Nous la franchirons même en intégrant les impacts d'une profonde réforme de nos méthodes comptables pour nous ajuster aux recommandations les plus récentes comme à toutes les demandes anciennes et répétées de notre Vérificateur général. L'élimination du déficit, on le sait, n'est pas une fin en soi, mais c'est un élément indispensable dans la lutte impitoyable contre le malheur social le plus pernicieux de notre temps: le chômage. Je dépose donc aujourd'hui, M. le Président, avec le budget une stratégie de développement économique tout entière tournée vers la création d'emplois, intitulée simplement Objectif emploi. Ce document stratégique trace les priorités d'action du gouvernement pour les prochaines années et propose à la consultation un choix de cibles précises pour mobiliser au maximum toutes les forces vives du Québec. Cependant, nous nous engageons immédiatement dans l'action. En effet, dès à présent, nous mettons en place plusieurs éléments majeurs de la stratégie déposée aujourd'hui. Au cours de l'année qui se termine, les succès découlant de nos politiques économiques et budgétaires ont produit des retombées appréciables. Au début de janvier, on se dirigeait vers des surplus et l'on voyait même poindre une intéressante marge de manœuvre. La fatalité en a décidé autrement. Hélas! Le 5 janvier, s'abattait sur nous la plus grave crise et le plus grave désastre naturel de notre histoire. Le grand verglas nous a durement frappés, particulièrement en Montérégie et au Centre du Québec, créant souffrances et angoisses humaines tout comme désorganisation économique majeure. Au seul plan matériel, cependant, un vigoureux effort de rétablissement pourrait éventuellement rendre positif le bilan global de la catastrophe. De ce pénible épisode, grâce à la solidarité et à la détermination des Québécoises et des Québécois, appuyés, du reste, par de très utiles renforts extérieurs, il est clair que nous sortons collectivement grandis. Il faut saluer ici le courage des populations qui ont solidairement et stoïquement affronté les périls et rappeler l'approbation unanime donnée à notre premier ministre dans sa gestion impeccable de ces heures cruciales. L'immense majorité des élus locaux, députés et maires en particulier, nous a aussi servi un bel exemple du sens du devoir et d'efficacité au service du public. Malgré toute cette vaillance, le grand verglas laisse dans nos comptes publics une trace profonde de près de 2 000 000 000 $. Cet impact sera absorbé en majeure partie par le gouvernement du Québec lui-même. Le gouvernement central a en effet profité de ce désastre pour s'illustrer à sa manière; il a davantage recherché, même dans ces circonstances tragiques, la visibilité plutôt que l'efficacité... ...et le service à la population. De façon arbitraire, il a refusé jusqu'ici de considérer les réclamations légitimes pour le rétablissement du service d'électricité par Hydro-Québec. Pourtant, nous ne demandons qu'un traitement équitable, comme celui accordé au Manitoba et à Terre-Neuve dans des circonstances similaires. Toujours à la recherche de visibilité, le fédéral a dédoublé nos programmes d'aide aux PME avec une ineptie spectaculaire. En fin de compte, loin d'assumer 90 % de la facture, comme il le prétend, Ottawa n'en absorbe que 40 %. Même dans notre détresse, le gouvernement central a conservé son unilatéralisme arrogant, et avec notre argent, en plus! Quoi qu'il en soit, je confirme donc qu'en dépit des coûts énormes occasionnés par ces événements nous respecterons la cible de déficit de 2 200 000 000 $ prévue pour 1997-1998 dans la Loi sur l'élimination du déficit et l'équilibre budgétaire. La bonne tenue de l'économie nous a même permis de faire un peu mieux: en effet, le déficit 1997-1998 sera de 2 069 000 000 $. M. le Président, je dépose le tableau suivant qui présente les résultats préliminaires des opérations financières du gouvernement pour 1997-1998. On voit que la longue quête de l'équilibre budgétaire progresse bien. Partis d'un sommet vertigineux de 6 000 000 000 $, nous aurons complété avec le budget d'aujourd'hui 80 % de la périlleuse descente. Les verdoyantes vallées de l'équilibre, voire des surplus, sont en vue, enfin. Le strict contrôle des dépenses, géré de main de maître par mon collègue du Trésor et son équipe, reste bien sûr la clef de l'opération. Les mesures prises pour enrayer l'économie souterraine auront aussi grandement contribué à notre succès. L'action de notre gouvernement, qui n'a pas hésité à s'attaquer à des pratiques de travail au noir dénoncées par le Vérificateur général et répandues dans des secteurs entiers, a permis de récupérer des montants considérables, sous la gouverne efficace de la ministre déléguée au Revenu à la tête d'une vaillante équipe de fonctionnaires dont le rôle est aussi ingrat qu'irremplaçable. Poursuivant sur cette lancée, j'annonce aujourd'hui des mesures pour réduire le travail au noir dans l'industrie du vêtement. Tout d'abord, mon collègue le ministre du Travail examinera d'ici la fin de l'année la question de la fusion des quatre décrets en un seul de manière à régler le problème lié à l'empiétement d'un décret sur l'autre. Un nouveau cadre réglementaire pourra s'appliquer graduellement à partir de 1999. Parallèlement, pour faciliter la transition, un crédit d'impôt de 20 % de la masse salariale des nouveaux emplois créés sera accordé dans ce secteur jusqu'à la fin des années 2001. Il s'agit là d'une occasion unique pour les partenaires de cette industrie vitale de continuer leur concertation pour assurer son essor en toute transparence. Il me faut aussi souligner la contribution importante du monde municipal à l'atteinte de nos objectifs financiers. Je profite de l'occasion pour réitérer que le gouvernement est disposé à œuvrer activement à l'application des termes de l'entente conclue l'automne dernier avec l'Union des municipalités du Québec, laquelle réduisait le niveau de cette contribution et ouvrait la porte à un processus de révision de la fiscalité locale. Le budget de 1998-1999 est aussi conçu pour atteindre les objectifs de réduction du déficit définis lors du Sommet de Québec. Le déficit sera donc de 1 127 000 000 $, soit 73 000 000 $ de mieux que l'objectif visé. Je dépose ici, M. le Président, ces tableaux qui présentent les prévisions des équilibres financiers du gouvernement pour 1998-1999 et l'impact financier des mesures fiscales et budgétaires. Déjà cette année, le gouvernement du Québec enregistrera un surplus des opérations courantes et pourra donc payer comptant une partie de ses immobilisations. Pour la première fois en 20 ans, M. le Président, nous n'emprunterons plus, comme on dit, pour payer l'épicerie. En particulier, les hommes et les femmes du secteur public, parlementaires inclus, pourront se dire, en recevant leur première paie d'avril, qu'enfin cet argent n'est plus emprunté, même partiellement. Autre conséquence heureuse de nos efforts, nos besoins financiers nets sont pratiquement éliminés. Nous pouvons donc déjà dire à notre jeunesse que nous avons cessé de reporter sur elle le fardeau de notre consommation collective d'aujourd'hui. Nous tournons ainsi une page importante de l'histoire économique et sociale du Québec. De plus, notre gouvernement maintient toujours le cap vers le déficit zéro l'an prochain. Cet engagement, convenu avec nos partenaires au Sommet de Québec en 1996, constitue un passage obligé vers la réalisation des autres priorités économiques et sociales de notre collectivité. Le déficit zéro est maintenant tout proche. Nos prévisions montrent que nous pourrons l'atteindre l'an prochain, avec un effort évidemment bien moindre que celui des deux années les plus difficiles de toutes et qui sont maintenant dernière nous. Il faut maintenant savoir gré au Vérificateur général du Québec d'avoir depuis longtemps défendu avec vigilance de nouveaux principes de comptabilité plus exigeants mais plus adéquats. Sa constance dans le reproche et ses demandes répétées ont enfin convaincu le gouvernement de moderniser radicalement ses conventions comptables. Le Vérificateur général, le ministère des Finances et le Contrôleur des finances viennent de nous présenter un rapport conjoint qui recommande une réforme majeure. Je dépose ce rapport aujourd'hui. Le gouvernement en accepte intégralement les recommandations, et la réforme préconisée prend donc effet dès maintenant, dans le présent budget. Nous nettoyons ainsi une trop vieille ardoise et réglons trois problèmes comptables lancinants. Le premier concerne nos engagements à l'égard des régimes de retraite des employés du secteur public. Ils seront désormais inclus en totalité dans la dette du gouvernement. Les 13 000 000 000 $ dont elle se gonfle ne constituent évidemment pas une nouvelle pour les lecteurs attentifs des abondantes notes explicatives des états financiers. Mais, et il est important de bien le noter, sans alourdir du poids d'une plume la dette réelle du Québec, cette façon nouvelle de faire nous permettra de présenter une situation claire à la population et à nos créanciers. Le Vérificateur général réclamait cette correction avec insistance depuis 20 ans. Deuxièmement, nous amortirons le coût des immobilisations du gouvernement pour faire comme le secteur privé, donnant suite à une recommandation émise en 1997 par l'Institut canadien des comptables agréés et reprise par le rapport du comité conjoint d'experts. Désormais, plutôt que d'être incluses dans les dépenses, les immobilisations seront portées à la variation de la dette nette. Seul l'amortissement de ces immobilisations ira à la dépense. C'est là une méthode qui permet de faire des choix plus judicieux en matière d'investissement. En troisième lieu, nous présenterons désormais ce qu'on appelle des états financiers consolidés. Ils incluront 92 entités de plus qui sont à divers degrés sous la responsabilité de l'État. Cette consolidation permet également de régulariser la situation des 34 fonds spéciaux créés par nous et nos prédécesseurs. On nous avait reproché, avec ces fonds, d'user d'expédients. En réalité, la consolidation montre que l'ensemble du secteur public québécois est dans une situation financière saine. C'est donc fait. Après tant d'années d'hésitations et de débats restés stériles, nous modernisons radicalement nos conventions comptables dépassées. Tel que l'indique le rapport du comité conjoint d'experts, auquel le Vérificateur général a souscrit lui-même et signé de la main du Vérificateur général adjoint, la réforme appliquée dans le présent budget place – et je cite textuellement le rapport – «le gouvernement du Québec à l'avant-garde des gouvernements au Canada à l'égard de l'application des normes de comptabilisation pour le secteur public». Par conséquent, fini les engagements des régimes de retraite qui n'apparaissent pas au bilan du gouvernement, fini la comptabilité éclatée dans toutes sortes d'organismes particuliers, fini les critiques et les suspicions concernant la multiplication des fonds spéciaux. La rigueur constante du Vérificateur général du Québec et son essentiel concours technique pour concevoir la réforme marqueront pour longtemps la crédibilité comptable de nos finances collectives. Même si ces nouvelles conventions sont plus exigeantes pour le gouvernement, nous maintenons les cibles d'un déficit de 1 200 000 000 $ pour cette année et l'élimination du déficit pour l'an prochain. Anciennes normes ou nouvelles normes, nos cibles seront atteintes de toute manière. Je dépose ici, M. le Président, le tableau montrant le déficit du gouvernement du Québec selon les anciennes et les nouvelles conventions comptables ainsi que le rapport du Comité d'étude sur la comptabilité du gouvernement. J'aimerais maintenant situer notre politique budgétaire dans une perspective plus globale. Depuis notre arrivée au pouvoir, en 1994, le gouvernement central nous a privés unilatéralement, M. le Président, de 7 000 000 000 $ pour la santé seulement – j'ai bien dit 7 000 000 000 $ pour la santé seulement depuis 1994 – 3 000 000 000 $ pour l'éducation, 1 000 000 000 $ pour l'aide sociale, 11 000 000 000 $ en tout. Et je ne parle pas ici des 2 000 000 000 $ refusés pour l'harmonisation de la TVQ à la TPS alors que 1 000 000 000 $ a été consenti aux trois provinces de l'Atlantique. Sans ces déprédations, nous serions déjà au déficit zéro et nous aurions évité bien des peines liées aux efforts énormes de compression des dépenses que certains tentent d'imputer à notre seule volonté. Les ministères de la Santé et de l'Éducation ne sont pas à Ottawa, mais c'est dans cette ville et sans notre concours que l'essentiel des coupures furent décidées. Voilà à quel degré d'absurdité en est rendu le système. En décembre dernier, le premier ministre et moi-même avions alerté la population au fait que le gouvernement central serait tenté de se servir de ses surplus pour intervenir dans les champs de compétence du Québec: nos pires craintes se sont justifiées. La population ne s'est d'ailleurs pas trompée: c'est sur le dos des autres qu'Ottawa a réalisé son déficit zéro. C'est pourquoi, par une saine justice immanente, il n'a pu en tirer ni gloire ni louange, mais bien plutôt un concert général de réprobations méritées. On se serait attendu à ce que le gouvernement central cesse de nous nuire et tente plutôt de nous appuyer, dans la santé en particulier. Au contraire, le dernier budget confirme la totale insensibilité du gouvernement d'Ottawa à plusieurs de nos besoins. En fait, le gouvernement fédéral préfère distribuer des chèques à la population, feuille d'érable au vent. À défaut de vision, M. le Président, Ottawa investit dans la visibilité. En plus de gaspiller notre argent, il ne sauve même plus les dernières apparences de fédéralisme. Quand le ministre fédéral des Finances intervient grossièrement dans l'éducation, il n'y a plus de fédéralisme. Il envahit un de nos champs de compétence les plus sacrés, alors qu'il est clair que, si ce pouvoir ne nous avait pas été conféré en exclusivité, l'Acte de 1867, approuvé de justesse, n'aurait jamais vu le jour. Après avoir changé en 1982, contre l'opposition quasi unanime et toujours maintenue de notre Assemblée nationale et avec l'aide des autres provinces, le contrat de base liant nos deux peuples, le gouvernement central continue son œuvre de sape de notre gouvernement national d'un budget à l'autre, d'une politique à l'autre, d'un geste méprisant à l'autre, d'une désinvolture à l'autre. Je vais aborder maintenant, M. le Président, un sujet plus réjouissant. L'économie québécoise a connu un redressement majeur au cours de l'année 1997, une des meilleures des 10 dernières. Alors que le dernier budget misait sur une croissance économique de 1,5 % et la création de 25 000 emplois, les résultats ont dépassé de beaucoup les attentes. Le produit intérieur brut réel du Québec a augmenté de 2,4 % et quelque 48 000 emplois ont été créés. À la fin de 1997, le taux de chômage est redescendu à un niveau que l'on n'avait pas vu depuis le début de la décennie. La confiance des ménages s'est élevée à un niveau comparable à celui de la fin des années quatre-vingt. Cela s'est traduit par un rebondissement de leurs dépenses, des achats d'automobile aux dépenses de rénovation domiciliaire et à l'achat d'habitations. Les entreprises ont également bénéficié de cette reprise. Leurs profits ont fortement augmenté, tout comme leurs investissements. Avec la hausse de 9,5 % annoncée pour 1998, les entreprises du Québec auront accru leurs immobilisations de 31,5 % en trois ans. Cette augmentation se compare avantageusement avec celles de l'Ontario et du Canada. Depuis le Sommet de Montréal, en novembre 1996, 88 000 emplois ont été créés, ce qui porte le taux de croissance annualisé de l'emploi depuis cette date à 2,2 % au Québec contre 2,7 % au Canada, encore qu'une partie de cet écart soit attribuable au grand verglas. Bien sûr, il reste du travail à faire pour atteindre l'objectif du Sommet avant la fin de 1999. Je suis heureux de constater que quelque 20 000 emplois ont été créés directement par les projets et mesures législatives issus de ces assises. Je rends hommage à tous nos partenaires socioéconomiques qui ont formé le Comité du suivi du Sommet et qui ont fait preuve d'un dynamisme exemplaire. Les investissements privés engendrés par les programmes que j'ai annoncés au dernier budget ont littéralement explosé. À la mi-mars, à peine un an après le lancement d'un plan devant durer 18 mois, 92 % de l'objectif a été atteint: 3 900 000 000 $ de projets ont été approuvés ou sont en phase finale de négociation, pour une création de plus de 15 000 emplois directs. Et 7 000 000 000 $ de projets additionnels sont encore à l'étude. Pour 1998, les experts prévoient que la croissance économique sera de nouveau au rendez-vous. Les analystes du secteur privé s'attendent à une progression de l'économie de l'ordre de 3 %, ce qui serait un résultat supérieur à ce que l'on a connu en 1997. Toutefois, le Québec n'échappera pas totalement aux contrecoups de la crise asiatique dont les impacts sont difficiles à évaluer avec précision. Le contexte international demeure donc empreint d'incertitude. Mieux vaut demeurer prudent en matière de projections affectant le cadre financier du gouvernement. Nous ne sommes jamais à l'abri d'imprévus, qu'il s'agisse du verglas ou d'autres aléas. C'est pour cela que je crois préférable de baser ce budget sur une hypothèse de croissance économique de 2,3 %, ce qui est un peu moins que ce que prévoient les experts du secteur privé. Cette croissance se traduira par la création de près de 50 000 emplois, quand même, ce qui représentera encore une bonne année. Les résultats atteints à ce jour en termes de création d'emplois demeurent cependant insatisfaisants aux yeux de la population comme aux yeux du gouvernement. Nous devons faire beaucoup mieux. Et, pour y parvenir, je rends publique aujourd'hui la stratégie économique du gouvernement Objectif emploi, que je dépose. À 600 jours de l'an 2000, le Québec se dote d'une stratégie de développement économique rigoureuse, cohérente et ambitieuse. Elle permettra de développer, avec le concours de tous et toutes, une économie d'avant-garde et créatrice d'emplois. Rappelons qu'au Sommet de Montréal nous nous sommes donné un objectif précis: rattraper et dépasser en trois ans le taux de création d'emplois du Canada. La stratégie économique que nous déposons aujourd'hui s'ajoute aux gestes déjà posés pour la réalisation impérieuse de cet objectif et, à l'approche du nouveau millénaire, précise les orientations économiques du gouvernement pour les prochaines années. Nous amorçons aussi une réflexion sur les objectifs qui guideront notre action après l'atteinte du déficit zéro. Ainsi, en raison de la marge de manœuvre que nous retrouverons bientôt, le gouvernement rendra publics une série de documents, qui constitueront autant de pistes d'action concrètes pour poursuivre la mise en œuvre de cette stratégie. Toujours guidé par la même préoccupation centrale, Objectif emploi – c'est le nom de cette stratégie – propose un cadre d'action global qui vise à donner du travail à nos citoyens et nos citoyennes. L'approche et les orientations que le gouvernement privilégie concernent directement les entreprises dont dépend principalement la création d'emplois, mais elles interpellent également le gouvernement qui doit voir à créer des conditions propices. La stratégie s'appuie sur trois grands volets. En premier lieu, l'économie doit être compétitive. Pour cela, le gouvernement propose des priorités claires: nous devons réduire les impôts et les taxes, procurer un environnement d'affaires plus favorable aux entreprises, leur apporter un appui ferme et constant dans la formation de la main-d’œuvre, dans l'innovation, dans la conquête des marchés extérieurs et pour les investissements. Le budget comporte plusieurs initiatives concrètes qui vont dans cette direction: élimination du déficit, cela va de soi; réforme de la fiscalité des PME pour favoriser la création d'emplois; mise en place d'un plan pour susciter 20 000 000 000 $ d'investissements privés; enfin, un plan d'action visant à accélérer le développement du secteur financier à Montréal et au Québec tout en favorisant la gestion de nos épargnes chez nous. Deuxièmement, l'économie doit aussi être humaine et solidaire. La participation au marché du travail constitue le meilleur moyen, pour tous ceux qui en ont la capacité, non seulement de subvenir à leurs besoins mais aussi de réaliser leurs rêves et ambitions légitimes. Pour agir immédiatement dans cette direction, nous faisons porter cette année le gros de nos efforts vers la jeunesse du Québec. Je m'associe donc à mon collègue le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration et j'annonce aujourd'hui un ensemble cohérent de mesures visant à mieux intégrer les jeunes au marché du travail et à les aider à résoudre des situations difficiles de leur vie. Troisièmement, le développement que nous voulons privilégier devra être durable. Ce développement devra donc respecter le milieu, assurer l'équité collective et aller dans le sens des besoins des générations futures. La réduction du déficit budgétaire constitue d'ailleurs une illustration directe de cette préoccupation en faveur de ceux et celles qui nous suivent. Le développement durable, c'est également le respect de la qualité du milieu, sur laquelle veille soigneusement mon collègue de l'Environnement et de la Faune. Une chose doit rester claire: il n'est pas question que la stratégie économique du gouvernement aboutisse à une réduction des exigences environnementales. Je suis convaincu que l'on peut concilier croissance économique et protection de l'environnement en évitant les lourdeurs et lenteurs bureaucratiques excessives. Avec Objectif emploi, le gouvernement soumet à la consultation un ensemble d'objectifs chiffrés pour les années 2000. Le défi qui nous interpelle est d'inscrire l'économie du Québec parmi les meilleures au monde, notamment en termes de création d'emplois et de compétitivité. Ces objectifs nous inciteront à nous dépasser et constitueront à cet égard une véritable obligation d'excellence. La stratégie mise en place par le gouvernement en est une de long terme, dont nous assurerons le suivi et l'application de manière vigilante. Il n'est pas douteux que notre économie ait été profondément transformée par les énoncés et plans d'action Bâtir le Québec, Le Virage technologique, ainsi que les tables sectorielles des grappes industrielles. Objectif emploi guidera notre action de la même manière, en concertation avec nos partenaires. Il reviendra ensuite à un organisme léger et souple, l'Institut pour le développement de l'économie et de l'emploi, de mesurer les progrès accomplis par la société québécoise à l'égard de chacune des cibles retenues. Le mandat de cet organisme sera défini après consultation des différents partenaires du gouvernement. La stratégie économique déposée aujourd'hui est l'affaire de tous. Elle représente avant tout un défi emballant que toutes les Québécoises et tous les Québécois sont conviés à relever. Je suis persuadé que ce défi correspond à nos aspirations les plus vives, mais aussi à des capacités qu'il ne tient qu'à nous d'exploiter pleinement. Grâce aux mesures contenues dans le présent budget et qui constituent des jalons de sa mise en œuvre, Objectif emploi s'incarne concrètement, à partir d'aujourd'hui, dans l'action du gouvernement. Ainsi, Objectif emploi reprend à son compte un message qui nous a été livré il y a 18 mois par la Commission sur la fiscalité et le financement des services publics: le gouvernement du Québec doit mettre tout en œuvre pour que son régime fiscal soit favorable à la création d'emplois. Nous avons déjà commencé à nous attaquer à ce défi. Une première réduction de 500 000 000 $ est déjà réalisée. C'est ainsi que l'an dernier, à peine cinq mois après le dépôt du rapport de cette Commission, j'annonçais la première étape d'une réforme majeure de la fiscalité des particuliers. Les grandes lignes de cette réforme sont les suivantes – on le sait: l'impôt sur le revenu des particuliers a été diminué de 841 000 000 $, cette baisse atteint 15 % pour les ménages dont le revenu est inférieur à 50 000 $; et 200 000 contribuables additionnels ne paient plus d'impôts en 1998. Au total, même en tenant compte de l'augmentation de la taxe de vente, les ménages du Québec voient leur fardeau fiscal réduit d'un montant net de 500 000 000 $ dès l'année d'imposition 1998. Nous passons aujourd'hui à la seconde étape de notre réforme fiscale qui concerne les entreprises. Rappelons que le Québec n'est ni un paradis fiscal ni le goulag des entreprises que d'aucuns, mal inspirés, nous décrivent. Globalement, le régime fiscal des entreprises du Québec est tout à fait compétitif par rapport aux régimes appliqués chez nos principaux concurrents. Toutefois, notre régime d'imposition des entreprises fait davantage appel à la taxe sur la masse salariale, laquelle ne dépend pas directement du degré de rentabilité de l'entreprise. J'ai donc le plaisir d'annoncer aujourd'hui une réforme de la fiscalité des petites et moyennes entreprises. Cette réforme sera effectuée dans le respect de notre engagement d'éliminer le déficit d'ici l'an 2000. Ainsi, en 1999-2000, la réforme est neutre sur les équilibres financiers du gouvernement. Elle se traduit par une réduction des impôts et taxes des PME de près de 225 000 000 $ en 2000-2001 et de 300 000 000 $ l'année suivante. J'annonce donc une réduction de 37 % de la taxe sur la masse salariale des petites et moyennes entreprises. Cette importante diminution s'effectuera en deux étapes. Le 1er juillet 1999, cette taxe sera réduite de 12 %; et, pour que la réforme soit neutre en 1999-2000, la déduction pour petites entreprises et le crédit d'impôt remboursable pour pertes seront abolis. Donc, cette année-là, la réforme sera neutre. Un an plus tard, le 1er juillet 2000, la taxe sur la masse salariale sera réduite à nouveau, mais cette fois de 25 %, pour un total de 37 %, comme je l'ai dit. C'est alors que la réforme se traduira par une baisse nette du fardeau fiscal des PME. J'annonce également que les PME pourront bénéficier dès le 1er juillet 1999 d'une réduction de 23 000 000 $ de la taxe de vente payée sur leurs achats. Par ailleurs, les grandes entreprises ont souvent à prendre des décisions majeures qui auront des impacts sur plusieurs années. Ainsi, la stabilité des impôts et taxes constitue un élément important dans la décision d'une entreprise d'investir à un endroit plutôt qu'à un autre. Pour favoriser l'investissement, j'annonce qu'à compter du 1er juillet 1999 le gouvernement pourra, pour des projets majeurs d'investissement, assurer les entreprises contre toute hausse d'imposition des profits, de la masse salariale et du capital, et ce, pour une période de 10 ans, à l'instar des longues périodes de paix sociale négociées par certains syndicats. Le principal avantage de cette réforme sera de rendre encore plus compétitif le régime fiscal des entreprises du Québec et donc de renforcer le potentiel de croissance de notre économie et la création d'emplois. Depuis l'an dernier, nous sommes en train d'alléger de manière non négligeable le poids de la fiscalité, autant pour les particuliers que pour les entreprises. Au total, les particuliers profitent d'une réduction de fardeau fiscal de 500 000 000 $ alors que les impôts et taxes des entreprises seront allégés de près de 300 000 000 $. Mais ce n'est là qu'une première étape. Lorsque nous aurons éliminé le déficit, il nous deviendra possible d'aller encore plus loin dans l'allégement des impôts et taxes des contribuables du Québec. C'est pourquoi, afin de faire du Québec une économie d'avant-garde et pour répondre aux attentes de nos concitoyens, le gouvernement s'engage, après l'atteinte du déficit zéro, à ce que la plus grande partie de sa marge de manœuvre serve à poursuivre la réduction des impôts et des taxes. Un des plus grands défis de notre société au cours des prochaines années sera de faire une place aux jeunes sur le marché du travail et de favoriser leur réussite. Avant d'aller plus loin, j'aimerais d'abord rappeler ce que l'on disait aux gens de ma génération durant la Révolution tranquille: «Qui s'instruit s'enrichit.» Cela était certainement vrai, surtout si l'on dépasse le sens purement matériel de l'affirmation. De nos jours, la même maxime s'exprime en version plus prosaïque: «Qui s'instruit s'emploie», et toutes les études le démontrent. L'argumentation solide de ma collègue de l'Emploi et de la Solidarité devrait faire réfléchir les jeunes portés au découragement. Une analyse rapide de la situation au Québec démontre que l'obtention d'un diplôme est toujours la meilleure garantie de décrocher un emploi. En 1996, les jeunes de 18 à 29 ans sans diplôme de secondaire V avaient un malheureux taux de chômage de 26,8 %. Par contre, chez les jeunes qui détenaient un tel diplôme – secondaire V – le taux de chômage était de 12,7 %, donc deux fois moins élevé et presque égal à celui du reste de la population qui s'établissait à 11,8 %. Tout cela est parfaitement clair: il faut aller à l'école, c'est encore et toujours la voie du succès. Notre préoccupation pour la situation des jeunes n'est pas nouvelle. Avec les montants dégagés l'an dernier et les 232 000 000 $ que j'annonce dans le présent budget, ce sont près de 350 000 000 $ qui viennent appuyer les espoirs de notre jeunesse. Tout d'abord, j'annonce aujourd'hui l'injection de 33 000 000 $ sur deux ans pour qu'environ 20 000 jeunes puissent bénéficier chaque année d'autant de stages afin de se familiariser avec la réalité quotidienne du marché du travail. J'annonce aussi la création, en partenariat avec le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec et la Fédération des travailleurs et des travailleuses du Québec, d'un fonds de 20 000 000 $ financé à parts égales avec le gouvernement. Les revenus annuels de ce fonds permettront de financer chaque année environ 550 stages rémunérés pour des étudiants des niveaux secondaire, collégial et universitaire. Les modalités de ce programme seront annoncées prochainement, de concert avec les dirigeants de la Fédération des travailleurs du Québec et du Fonds qui, une fois de plus, font preuve d'un sens exemplaire de ce qu'est une vie collective solidaire. La population est bien consciente de la tragédie du chômage. Ce qui est cependant largement méconnu et qui constitue à mes yeux une tragédie tout aussi grande, c'est que plusieurs chômeurs le sont parce que notre société ne réussit pas à les former pour occuper des dizaines de milliers d'emplois disponibles et qui restent vacants. Nous devons réduire ces pénuries de main-d’œuvre. À cette fin, un budget de 4 000 000 $ sur deux ans sera consacré au soutien des établissements d'enseignement public qui proposeront rapidement des programmes de formation de courte durée. Ces programmes visent soit à la réorientation professionnelle de personnes possédant déjà un diplôme, soit la réponse à des besoins particuliers des entreprises dans les secteurs rencontrant des difficultés de recrutement. De plus, le gouvernement confie au Fonds pour la formation des chercheurs et l'aide à la recherche le mandat de développer, en partenariat avec l'industrie, un programme de bourses d'excellence de doctorat dans des secteurs prioritaires pour l'industrie. Les étudiants et les étudiantes pourront bénéficier de 4 500 000 $ de bourses grâce à ce programme au cours des deux prochaines années. Voilà un vrai programme de bourses utile et bien ciblé. Si une formation adéquate est devenue une condition essentielle pour avoir accès à un emploi valorisant, elle ne suffit pas toujours. L'activité économique doit aussi avoir suffisamment de débouchés pour absorber les jeunes qui sortent qualifiés du système d'éducation. Malheureusement, les jeunes sont confrontés encore trop souvent au cercle vicieux du «pas d'expérience pas d'emploi, pas d'emploi pas d'expérience». Notre gouvernement national désire aujourd'hui renforcer le soutien qu'il accorde à la création d'emplois pour les jeunes. J'annonce donc l'octroi de 67 000 000 $ pour créer sur deux ans près de 5 000 emplois par les initiatives suivantes. Tout d'abord, le Programme d'amélioration des compétences en science et en technologie, instauré lors du dernier budget, connaît un tel succès que les demandes des entreprises excèdent les disponibilités actuelles. L'enveloppe du programme sera doublée en y ajoutant 21 000 000 $. Cela permettra d'offrir à quelque 2 000 jeunes de plus l'occasion d'acquérir une expérience de travail assortie d'une formation théorique dans des secteurs en pleine croissance. De plus, dans le cadre du programme Impact PME, nous investirons 22 000 000 $ pour créer 1 500 emplois stratégiques dans les PME au cours des deux prochaines années. Cela permettra aux PME de renforcer leurs équipes de gestion et de production en facilitant l'embauche de nouvelles compétences, principalement de jeunes diplômés. Les ministères et organismes gouvernementaux bénéficieront quant à eux de budgets supplémentaires pour embaucher plus de 1 000 étudiants additionnels et offrir également des stages de longue durée à quelques centaines de nouveaux diplômés, par exemple à de jeunes juristes au service du ministère public. Le développement de l'économie du Québec dépend largement de sa capacité à percer des marchés mondiaux. Une expérience de travail à l'étranger constitue une occasion exceptionnelle de développer les compétences nouvelles qu'impose le contexte de globalisation des marchés. Pour favoriser l'accès à de telles expériences, j'annonce l'instauration d'un programme de soutien financier aux entreprises implantées au Québec et ayant des opérations internationales qui offriront des stages d'emploi à l'étranger. Cela permettra d'offrir 325 stages, dont 125 dès cette année. Ce budget propose aussi de confier à la Société des établissements de plein air du Québec le mandat d'entreprendre un programme de mise en valeur du territoire et des habitats fauniques, de consolidation de l'hébergement et de formation de guides et accompagnateurs en milieu naturel. Ce projet permettra de créer quelque 150 emplois en région pour les jeunes. Aider les jeunes à se trouver un emploi, c'est aussi leur donner accès à des services de placement de la plus haute qualité. La ministre d'État à l'Emploi et à la Solidarité, dont le haut niveau de conscience sociale est reconnu, s'active sans relâche dans ce vaste champ d'activités. J'ai aujourd'hui le plaisir d'annoncer que le ministère de l'Emploi et de la Solidarité entend déployer jusqu'à 3 000 guichets informatiques à travers tout le Québec au cours des deux prochaines années. Ces guichets libres-services permettront à Emploi-Québec d'offrir des services de placement accessibles à l'ensemble de la population sur tout le territoire du Québec. L'endettement relié aux études atteint chez certains des proportions inquiétantes. Il existe déjà un programme de remboursement différé qui s'applique à ceux dont les revenus sont insuffisants. La ministre de l'Éducation propose d'ailleurs de le bonifier, comme le lui recommande le Rapport du Comité d'experts sur les modalités de remboursement de la dette d'études. Nous donnons suite aujourd'hui à une autre recommandation de ce rapport. Nous voulons venir en aide aussi aux autres jeunes diplômés aux prises avec des versements substantiels sur leurs prêts étudiants. J'annonce donc qu'ils auront désormais droit à un crédit d'impôt égal à 23 % des intérêts sur ces prêts. De plus, les contribuables qui désirent retourner aux études pourront à l'avenir retirer des fonds de leurs régimes enregistrés d'épargne-retraite, sans être imposés. Les frais de garde pour études à temps partiel seront désormais admissibles au crédit d'impôt pour frais de garde d'enfants. Au total, ces mesures fiscales destinées à favoriser la réussite et à réduire l'endettement lié aux études supérieures se traduiront par un coût de 41 000 000 $ par année pour le gouvernement. Pour atteindre son plein potentiel de développement, le Québec a besoin de ses jeunes, de tous ses jeunes, comme nous l'a rappelé ardemment le député de Berthier. Le gouvernement est donc préoccupé par la situation de certains jeunes aux prises avec des situations dramatiques qui les entraînent parfois jusqu'à la toxicomanie, voire même au suicide. Le message déchirant du film de la cinéaste Anne-Claire Poirier Tu as crié «Let me go» illustre bien l'urgence de fournir les efforts requis pour aider les jeunes à surmonter ce genre de détresse. Certains, découragés, disent que la vie ne vaut rien. La vérité, c'est que rien ne vaut la vie et aucun jeune au Québec ne doit perdre l'espoir fondamental. C'est pourquoi j'annonce l'octroi d'un budget additionnel de 20 000 000 $ sur deux ans pour appuyer les efforts de mon collègue de la Santé et des Services sociaux auprès des jeunes et de leurs familles, principalement pour la prévention du suicide et la lutte contre la toxicomanie. Je rappelais précédemment que le gouvernement vient de mettre en œuvre une politique familiale résolument axée vers les besoins des familles du Québec, que met en place avec habileté et énergie ma collègue de l'Éducation. Pour notre gouvernement, la politique familiale est une priorité fondamentale. Chaque famille du Québec en bénéficie. Elles ont d'ailleurs répondu avec un tel enthousiasme aux nouveaux services de garde à 5 $ pour les enfants de quatre ans qu'il nous faut injecter de nouvelles sommes pour garantir l'application intégrale de la politique le 1er septembre prochain. Il me fait plaisir de consolider cette politique en ajoutant 25 000 000 $ pour des places à 5 $ pour nos enfants et petits-enfants de trois ans. L'investissement des entreprises constitue un des déterminants majeurs de la création d'emplois, de la compétitivité et du niveau de vie. La stratégie que je viens de déposer en fait, à juste titre, un axe prioritaire d'intervention. Voilà pourquoi le présent budget dote le Québec d'une série de nouveaux instruments pour accroître le niveau d'investissements. Les objectifs de ce plan sont ambitieux puisqu'ils visent la réalisation d'investissements privés totalisant près de 20 000 000 000 $ au cours des cinq prochaines années, dont 12 000 000 000 $ en collaboration avec les sociétés d'État et 7 000 000 000 $ avec la nouvelle société Investissement-Québec. À cela viendront s'ajouter divers autres investissements, notamment dans des projets du secteur public. Comme pièce majeure, le gouvernement mettra tout en œuvre pour maximiser les effets du levier stratégique que représentent les sociétés d'État à vocation économique. Grâce au partenariat avec le secteur privé, elles déclencheront 11 700 000 000 $ d'investissements privés au cours des cinq prochaines années. Sans affecter les niveaux de dépenses et de déficit, le gouvernement investira en moyenne 400 000 000 $ par année pendant les cinq prochaines années dans le capital-actions d'une Société générale de financement renouvelée, dotée d'une direction dynamique résolument tournée vers l'investissement et la création d'emplois. Trois principes d'intervention guideront l'action de cette nouvelle Société générale: les projets d'investissement doivent être réalisés sur une base économique et d'affaires; ses participations ne doivent jamais être majoritaires ni permanentes; et son action doit se concentrer sur le développement et l'accompagnement de nouveaux projets d'investissement. La SGF devra réaliser impérieusement son ambitieux plan stratégique. Ce dernier prévoit la concrétisation de 10 000 000 000 $ d'investissements sur une période de cinq ans, tous en partenariat avec le secteur privé, et la création de 75 000 emplois nouveaux partout au Québec. La Société générale de financement compte réaliser 125 projets dans des secteurs de l'activité économique tels que la technologie, le transport, la machinerie et l'activité récréotouristique. Par ailleurs, pour améliorer la cohésion et la synergie des interventions des sociétés d'État, SOQUEM, SOQUIA, SOQUIP et REXFOR seront regroupées avec la SGF dans un même consortium tout en gardant leur identité. Cela permettra à la SGF d'intervenir plus intensément dans les secteurs suivants: les métaux et les minéraux; la chimie, la pétrochimie et la plasturgie; les produits forestiers et l'agroalimentaire. Je tiens à remercier le groupe de travail présidé par l'adjoint parlementaire du premier ministre et député de Fabre et composé de ses collègues les députés de Bourget, de Crémazie, de La Peltrie, de Roberval et de Terrebonne pour nous avoir lancés résolument sur une piste aussi prometteuse. Mes remerciements vont aussi au ministre d'État des Ressources naturelles et au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation pour leur indispensable collaboration. J'entends, bien entendu, travailler étroitement avec eux afin que les orientations des ministères qu'ils dirigent soient dûment intégrées au plan stratégique et au plan d'affaires annuel de la Société générale de financement. L'implication des sociétés d'État concernées dans un grand groupe permettra d'accroître le potentiel de projets d'investissement. Grâce à cette réorganisation, elles seront mieux outillées pour jouer pleinement leur rôle de catalyseur et d'initiateur de projets structurants et créateurs d'emplois. Cette Société générale de financement renouvelée aura la taille voulue pour discuter avec les grands groupes transnationaux qui caractérisent l'économie globale. Elle sera bien placée pour lancer des projets conjoints et y participer par son savoir-faire et ses sources de financement. La SGF devra, par ailleurs, rester le puissant outil de développement régional qu'elle a toujours été et poursuivre sa collaboration avec les PME. Depuis leur création, les sociétés Innovatech, maintenant gérées par des gens très impliqués dans leur milieu, ont connu beaucoup de succès dans le domaine de l'innovation technologique et du capital de risque. C'est pourquoi nous voulons aujourd'hui bâtir sur cette réussite et assurer la pérennité des sociétés Innovatech. Elles seront donc transformées en sociétés à capital-actions. Ceci leur donnera une meilleure assise financière pour réaliser leurs projets. Elles disposeront de 250 000 000 $ de capital pour investir dans des projets créateurs d'emplois. Une telle mise de fonds devrait leur permettre de réaliser des projets d'investissement pouvant atteindre 1 300 000 000 $ d'ici cinq ans. Par ailleurs, j'annonce aujourd'hui la création d'une quatrième société Innovatech qui couvrira les régions ressources, c'est-à-dire le Bas-Saint-Laurent, la Gaspésie et les Îles-de-la-Madeleine, le Saguenay–Lac-Saint-Jean, l'Abitibi-Témiscamingue, la Côte-Nord et le Nord-du-Québec. Il est important que ces régions disposent des instruments adéquats pour participer pleinement au virage technologique. La Société Innovatech Régions ressources sera donc dotée d'un capital de 50 000 000 $, ce qui lui permettra de participer à des projets totalisant 250 000 000 $ dans ces régions. Compte tenu de la nécessité de centraliser les fonctions de direction, son siège social sera situé à Québec, dans notre capitale nationale. Nos partenaires régionaux nous ont indiqué que le mandat de la Société de développement de la Baie James doit être modifié afin de mieux refléter les nouvelles réalités de cette région et de contribuer au rapprochement entre les communautés. Nous les avons écoutés. J'annonce donc que la Société de développement de la Baie James pourra dorénavant agir comme partenaire dans des projets de développement économique. Le gouvernement injectera les fonds requis pour qu'elle participe au capital-actions d'entreprises qui pourraient réaliser 40 000 000 $ d'investissements privés. Il ne peut être question de sociétés d'État, évidemment, M. le Président, sans mentionner la plus grande, Hydro-Québec. Celle-ci aura deux importants défis à relever dans les années à venir. Premièrement, le grand verglas du mois de janvier a mis en lumière certains besoins d'amélioration. Hydro-Québec devra donc effectuer les investissements nécessaires pour accroître la fiabilité de son réseau. Deuxièmement, Hydro-Québec s'est donné comme objectif de devenir une des entreprises les plus performantes dans son secteur en Amérique du Nord. Les stratégies de croissance et de rentabilité inscrites à son plan stratégique se traduiront par une amélioration sensible de sa situation financière au cours des prochaines années. On s'attend donc de sa part à un taux de rendement qui attendra 11,8 % d'ici cinq ans, une rentabilité nettement meilleure que par les années passées mais comparable aux entreprises d'utilité publique du même genre sur notre continent. Cet accroissement sensible de sa rentabilité future se traduira par le versement de dividendes au gouvernement. Une partie des dividendes versés par Hydro-Québec servira à financer la totalité de la participation de près de 2 400 000 000 $ du gouvernement dans les sociétés d'État dont je viens de parler. Ainsi, les dividendes d'Hydro-Québec seront, au même titre que ses activités, au service du développement économique du Québec. D'ailleurs, Hydro-Québec vient précisément de verser à son actionnaire un dividende de 357 000 000 $ pour 1997, le premier depuis 1989. Bon an mal an, des investissements totalisant quelque 300 000 000 000 $US sont réalisés à travers le monde par les firmes multinationales et transnationales. Or, la concurrence est très vive entre les juridictions pour attirer ces investissements. Le Québec offre de nombreux avantages. Mais le seul fait d'avoir des avantages n'est pas suffisant. Il faut les promouvoir plus vigoureusement et mettre en place une structure d'accueil qui simplifie la tâche des entreprises et déclenche des décisions d'implantation. J'annonce donc la mise en place d'Investissement-Québec. Cette société d'État aura comme seule et unique mission de susciter davantage d'investissements au Québec de la part des entreprises locales et étrangères. Elle sera formée par le regroupement des ressources existantes – je le souligne – du ministère de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie et de la Société, également existante, de développement industriel du Québec, la SDI. Il n'y aura donc pas création d'un organisme additionnel. La société SDI telle que nous la connaissons déjà sera intégrée au sein de la nouvelle société d'État. Investissement-Québec agira comme guichet unique des investisseurs auprès du gouvernement du Québec en matière d'accueil et de soutien au financement des projets d'investissement. J'annonce que cet organisme aura accès à une enveloppe globale de 500 000 000 $ au cours des cinq prochaines années. Pareille enveloppe permettra de susciter 5 000 000 000 $ d'investissements privés. De plus, Investissement-Québec constituera une filiale spécifiquement vouée au financement des PME et des coopératives, comme le faisait d'ailleurs la SDI. Cette filiale aura pour objectif d'appuyer pour 1 300 000 000 $ de projets d'investissement au cours des cinq prochaines années par les PME et les coopératives. Investissement-Québec aura le mandat de présenter aux investisseurs, dans les délais les plus courts possible, une offre globale de la part du gouvernement. Ainsi, les investisseurs auront rapidement accès à toutes les formes d'aide existantes au Québec, sans compter les crédits d'impôt disponibles. Cette société assumera, de plus, une tâche de prospection des investissements locaux et étrangers, qu'il faut continuer à susciter en grand nombre au Québec. Elle exécutera évidemment ses mandats en étroite collaboration avec tous les ministères sectoriels du gouvernement, avec nos délégations générales, bureaux et antennes diverses à l'extérieur du Québec. Leur solide expérience et leur efficacité continueront d'être mises à profit dans toutes les phases du développement des projets. Il importe, de plus, d'accroître les moyens dont dispose le Québec pour relever la capacité d'adaptation de la main-d’œuvre en marge des projets d'investissement. Au cours des cinq prochaines années, une somme de 40 000 000 $ par année sera donc consacrée par Emploi-Québec à des fins de formation de la main-d’œuvre dans le cadre de projets d'investissement. Cela permettra de susciter des projets pour 800 000 000 $. Les demandes d'aide financière seront soumises à l'approbation de la Commission des partenaires du marché du travail qui décidera de la contribution d'Emploi-Québec en raison de l'impact de l'investissement projeté sur l'emploi. Pour compléter ce bloc d'investissements stimulés par l'aide gouvernementale, j'annonce, à la suggestion de mon collègue le ministre d'État des Ressources naturelles, deux mesures dans le secteur des mines et de l'énergie. Premièrement, nous injecterons 6 000 000 $ à chacune des trois prochaines années, soit 18 000 000 $ au total, dans le Programme de financement d'études et de travaux visant la mise en valeur de gisements miniers, ce qui devrait se traduire par des investissements d'au moins 200 000 000 $. Deuxièmement, j'annonce l'octroi de 8 000 000 $, au cours des deux prochaines années, pour favoriser l'expansion du réseau de distribution de gaz naturel. Des investissements de 50 000 000 $ en résulteront. D'autres projets d'investissement méritent également d'être soutenus par l'État. Il reste encore, comme on le sait, à cet égard, un certain nombre de municipalités mal desservies en matière d'aqueduc, d'égout et d'assainissement des eaux. Afin d'assurer la santé des populations concernées en particulier, j'annonce donc aujourd'hui la mise sur pied d'un nouveau programme d'aide aux municipalités, conçu par mon collègue des Affaires municipales, doté d'une enveloppe de 180 000 000 $. Ce programme d'une durée de cinq ans s'adressera aux municipalités de moins de 5 000 habitants. Il accordera évidemment, ce programme, en toute logique, la priorité à celles qui n'ont aucune infrastructure d'aqueduc et d'égout et à celles qui ont des difficultés d'approvisionnement d'eau potable. Depuis 1995, les partenaires du Sommet sur la forêt privée œuvrent de concert pour améliorer la mise en valeur des forêts privées et, par le fait même, le développement économique de leur communauté rurale. C'est dans cette perspective que le présent budget bonifie de 5 000 000 $ par année le Programme d'aide à la mise en valeur des forêts privées pour le porter annuellement à 34 500 000 $ pour les cinq prochaines années. Au début du mois de mars, lors de la Conférence sur l'agriculture et l'agroalimentaire tenue dans la formidable technopole agroalimentaire de Saint-Hyacinthe, les participants ont convenu de créer 15 000 emplois, de doubler les exportations et de réaliser des investissements de 7 500 000 000 $ d'ici 2005. Le présent budget donne suite à plusieurs des engagements du gouvernement et de mon collègue de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation à cette Conférence. J'annonce donc aujourd'hui la bonification du Programme d'aide à l'investissement en agroenvironnement, dont l'enveloppe sera portée de 319 000 000 $ à 400 000 000 $; une somme de 4 000 000 $ pour un fonds de développement des exportations de produits agricoles et agroalimentaires; une contribution de 2 000 000 $ pour soutenir le financement conjoint de projets de recherche et de développement dans ce secteur; une somme de 750 000 $ destinée à favoriser le développement et la transformation des produits du terroir; et, finalement, la création d'un institut de recherche et développement en agroenvironnement à Saint-Hyacinthe qui travaillera de concert avec toutes les universités intéressées. Je salue ici en particulier l'Union des producteurs agricoles qui a adopté le principe d'une contribution à cet institut et dont les modalités seront annoncées plus tard. Qu'on me permette ici une petite parenthèse, petite en termes macroéconomiques mais importante pour les entreprises et personnes visées. Pour la troisième année consécutive, et sans prétendre encore à faire du Québec une puissance vinicole, l'État fera un geste de plus en faveur des gens courageux et talentueux qui cultivent la vigne chez nous et en tirent des produits de plus en plus intéressants, ce qui n'était pas d'une parfaite évidence au départ. J'annonce donc que le droit et la taxe spécifiques applicables sur les premiers 1 500 hl de boissons alcooliques vendus au Québec par un producteur artisanal sont abolis à compter de minuit ce soir. À la suite de consultations entreprises par le ministre responsable de la région de Québec et ministre de la Santé et des Services sociaux, les divers partenaires socioéconomiques de la région de la capitale nationale ont convenu que la région devait diminuer sa dépendance économique à l'endroit des activités gouvernementales. Le gouvernement désire l'aider non seulement à consolider des acquis, mais aussi à développer plus fortement le secteur manufacturier, le tertiaire moteur et la haute technologie, les industries culturelles ainsi que le tourisme. J'annonce donc la création d'un fonds de diversification de l'économie de la capitale nationale dans lequel nous injecterons 20 000 000 $. L'Institut national d'optique, que l'on appelle INO, constitue un pôle important et un joyau de la haute technologie de la région de Québec et rayonne partout à travers le monde. Ses activités vont croître au cours des prochaines années. Il me fait donc plaisir d'annoncer que le gouvernement contribuera pour 2 500 000 $ aux travaux d'agrandissement de ce centre de recherche. Par ailleurs, par ce budget, le gouvernement bonifie la subvention qu'il verse à l'Institut en y ajoutant 3 000 000 $ au cours des trois prochaines années. L'Institut national d'optique peut et doit être l'initiateur d'une véritable révolution économique dans notre capitale nationale. Le gouvernement lui fait pleine confiance à cet effet. On trouvera plus de détails sur les mesures annoncées aujourd'hui dans les documents qui sont partie intégrante du présent discours, à savoir Renseignements supplémentaires sur les mesures du budget et Accroître les investissements privés . J'en profite, M. le Président, pour déposer l'ensemble des autres documents qui accompagnent le discours sur le budget. Le secteur financier revêt pour l'économie du Québec une importance doublement stratégique: d'une part, il procure aujourd'hui de l'emploi à 170 000 personnes; d'autre part, il joue un rôle déterminant dans la canalisation de l'épargne vers les agents économiques, particuliers, entreprises et gouvernements. Certaines recherches menées récemment de manière approfondie, dans l'Action nationale notamment, nous ont alertés au fait qu'une partie importante de nos épargnes est gérée à l'extérieur du Québec. Le député de Crémazie a également beaucoup aidé notre analyse par son travail et son expérience dans ce domaine. Ces diverses réflexions ont entraîné des changements d'attitude et provoqué une prise de conscience chez certains décideurs financiers qui ont déjà commencé à rapatrier ici la gestion de capitaux présentement faite ailleurs sans raison évidente. Conscient des défis qui confrontent le monde financier du Québec, le gouvernement est à pied d'œuvre depuis plusieurs mois afin de mettre en place des mesures concrètes pour le développement de ce secteur. À la session de l'automne dernier, j'ai inscrit au feuilleton de l'Assemblée nationale trois projets de loi concernant le secteur financier. Le ministère des Finances a mené plusieurs actions incitatives et de recherche auprès des milieux concernés. Une de ces recherches démontre en particulier l'excellence des gestionnaires québécois de portefeuille et donc l'incongruité de certaines décisions de faire gérer les épargnes à l'extérieur. Avec ce budget, nous voulons donner un élan nouveau à l'action que nous avons déjà entreprise. Nous devons gérer au Québec une plus grande partie de nos épargnes et une plus grande partie de l'épargne des autres, soit dit en passant, tout en respectant cependant notre idéal de libre circulation des capitaux et de libre choix des épargnants et des consommateurs. Tout d'abord, le gouvernement désire appuyer le démarrage de fonds communs de placement dont la gestion et l'administration seront effectuées au Québec. Une aide fiscale particulière sera donc accordée aux sociétés qui mettront sur pied de nouveaux fonds. De plus, ces fonds seront exonérés de l'impôt sur les profits pendant cinq ans. Le gouvernement souhaite également soutenir l'apprentissage par les jeunes des compétences requises par l'industrie québécoise de la gestion de portefeuille. C'est pourquoi j'annonce aujourd'hui que les entreprises concernées auront désormais droit à un nouveau crédit d'impôt remboursable égal à 40 % des salaires versés à de jeunes diplômés. Tous les jeunes diplômés en ce domaine y sont admissibles. Le secteur financier est particulièrement important pour l'économie de Montréal et de sa région. Ainsi, au début des années quatre-vingt, le gouvernement et le milieu des affaires de Montréal se sont donné les moyens d'accentuer la vocation internationale financière de Montréal. Des allégements fiscaux importants furent consentis à ce qu'on appelle les centres financiers internationaux, les CFI. Ces derniers réalisent diverses activités à caractère international qui se dérouleraient ailleurs qu'au Québec si on tentait de les taxer autant que les autres activités économiques. Le gouvernement fédéral, on s'en souvient, n'a pas coopéré et n'a donné d'allégement qu'à une gamme très restreinte d'activités. Une cinquantaine de CFI, malgré tout, et quelque 400 emplois ont été créés à Montréal depuis 10 ans à la faveur de ce programme. Nous pouvons faire mieux et vraiment exploiter tous les avantages de Montréal dans ce créneau. C'est pourquoi nous revenons à la charge avec une offensive supplémentaire. J'annonce aujourd'hui une révision majeure du programme des centres financiers internationaux. Tout d'abord, pour faciliter la promotion de ce dispositif fiscal, nous allons regrouper dans une loi distincte les dispositions actuellement dispersées dans la Loi sur les impôts. Nous élargirons de manière importante la gamme d'activités admissibles à ce programme. Nous voulons tout d'abord attirer à Montréal un plus grand nombre d'activités de support administratif, ce que l'on appelle, dans l'espéranto des temps modernes, le «back office». J'annonce donc que les activités de support administratif portant sur les transactions internationales seront désormais admissibles aux avantages fiscaux des centres financiers internationaux, tout comme la promotion, l'administration et la gestion de certains fonds communs de placement. Certaines activités de gestion de trésorerie et de montage financier seront également admissibles au programme, de même que le crédit-bail, l'affacturage, les lettres de crédit pour l'import-export et les services fiduciaires. De plus, j'annonce quatre bonifications pour les centres financiers internationaux: une aide fiscale sera accordée pendant la période d'apprentissage de jeunes employés; elle correspondra à 40 % du salaire de ces employés pendant trois ans; les avantages accordés aux CFI seront garantis pour une période minimale de 10 ans, c'est-à-dire jusqu'en 2008; l'exemption fiscale consentie aux spécialistes venant travailler à Montréal est portée de deux à quatre ans; enfin, le temps de travail devant être consacré par un employé aux activités d'un CFI est réduit de 90 % à 75 %. L'ensemble de ces mesures s'appliqueront à compter de minuit ce soir. Par ailleurs, Montréal possède des ressources universitaires de haut niveau dans les domaines complémentaires à la finance moderne, telles la mathématique, la recherche opérationnelle, l'informatique et la statistique. De ce fait, Montréal peut devenir un des lieux d'excellence en Amérique du Nord pour la formation et la recherche en finance moderne; notre secteur financier ne pourra qu'en bénéficier. En conséquence, le gouvernement donne aujourd'hui à l'Université du Québec à Montréal le mandat de créer un institut international de formation et de recherche en finance mathématique et en intermédiation financière. Des crédits annuels de 1 100 000 $ seront octroyés aux activités de cet institut. L'UQAM réalisera son mandat en collaboration avec les autres institutions universitaires et organismes ayant des expertises reconnues dans le domaine. Au cœur de notre identité collective, la culture est beaucoup plus qu'une industrie. N'est-ce pas Fernand Dumont, celui qui a sculpté la nôtre pendant toute sa carrière, qui la décrivait, et je cite, comme «tout un réseau par où on se reconnaît spontanément dans le monde comme dans sa maison». Mais, avec ses 70 000 travailleurs et travailleuses au Québec, dont pas moins de 20 000 créateurs et artistes, la culture est aussi une industrie. Les produits de cette industrie deviennent ainsi des témoins de notre identité en même temps qu'ils contribuent à la façonner. On comprend alors la ministre de la Culture et des Communications de refuser qu'une industrie si déterminante soit laissée aux seules forces du marché. Par ce budget, le gouvernement national du Québec raffermit son soutien essentiel à la culture québécoise. Elle sera soutenue autant comme industrie créatrice d'emplois que comme expression de l'âme québécoise et miroir de notre société. La ministre vient de rendre public un projet de politique gouvernementale de la lecture. D'ores et déjà, il apparaît que nous aurons à faciliter l'acquisition d'un plus grand nombre de livres par les bibliothèques publiques et les bibliothèques scolaires. Le gouvernement devra aussi s'engager dans de multiples activités de promotion et de sensibilisation. C'est pourquoi j'annonce aujourd'hui l'octroi de 25 000 000 $ de crédits à cette fin, répartis sur les trois prochaines années. La ministre prépare aussi une politique québécoise de l'inforoute. Non seulement faut-il que les Québécoises et les Québécois puissent tirer tous les bénéfices qui découleront de ce développement extrêmement prometteur, mais il faut aussi bâtir ici un tronçon de l'autoroute qui nous ressemble. J'annonce à cette fin des crédits additionnels de 4 000 000 $ par année au cours des prochaines années, auxquels s'ajouteront 2 000 000 $ pour des projets acceptés à l'intérieur du Fonds de développement de la Métropole. La Société de développement des entreprises culturelles, qu'on appelle la SODEC, joue un rôle déterminant pour promouvoir et soutenir les entreprises culturelles du Québec. Elle est active dans le financement de l'industrie en complémentarité avec les diverses institutions financières, notamment avec le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec. Il faut que la SODEC puisse jouer son rôle de façon encore plus souple, plus efficace et plus adaptée aux besoins des industries culturelles. En conséquence, elle sera dotée de nouveaux instruments d'action et elle disposera d'une avance de 20 000 000 $ pour développer ces nouveaux outils financiers. À cette fin, le gouvernement autorisera la SODEC à créer une filiale dont l'actionnariat sera ouvert au secteur privé. Déjà, des institutions financières se sont montrées intéressées à investir. Ces mesures permettront aux entreprises culturelles du Québec d'avoir accès à des outils de commercialisation semblables à ceux disponibles dans les principaux pays exportateurs de produits culturels. L'industrie du cinéma et de la télévision joue aujourd'hui un rôle déterminant dans la production culturelle de nos sociétés. Nous voulons que le Québec participe pleinement à ce mouvement. C'est pourquoi j'annonce la mise en place d'un crédit d'impôt pour favoriser le tournage de productions étrangères au Québec. Ce crédit sera disponible aux producteurs indépendants comme aux télédiffuseurs. De plus, j'annonce une bonification du crédit d'impôt québécois pour la production cinématographique et télévisuelle à l'égard des effets spéciaux et de l'animation informatique, tout comme la reconduction pour une année supplémentaire de ce crédit pour les émissions de variété et les magazines. Par ailleurs, dans d'autres juridictions, dont l'Ontario, les télédiffuseurs ont droit à ce crédit d'impôt, à certaines conditions. Un comité de travail sous l'égide de la ministre de la Culture et des Communications se penchera sur cette question et fera rapport avant la fin de juin. Comme on le sait, notre gouvernement s'est donné comme objectif d'amener 2 000 nouvelles PME à exporter d'ici l'an 2000. Je compte bien que plusieurs entreprises culturelles seront de ce nombre. Il y a cependant lieu, pour ce faire, de les appuyer financièrement, soit dans des études de marché, dans l'élaboration de stratégies de commercialisation, dans la prospection de marchés extérieurs, soit, encore, dans la réalisation de missions commerciales. L'an dernier, un budget de 2 000 000 $ a servi à cette fin. Ce budget sera reconduit pour les deux prochaines années. Nous voulons aussi faciliter l'enrichissement des collections de nombreux musées privés au Québec. Le traitement fiscal des dons de bienfaisance sera donc amélioré pour ce faire. Un donateur pourra désormais déduire ses dons à cette fin jusqu'à 75 % de son revenu. Enfin, la santé financière d'un certain nombre d'organismes culturels me préoccupe vivement. Nous ne pouvons pas nous permettre de voir des organismes comme le Théâtre du Trident, l'Orchestre symphonique de Québec ou les Grands Ballets canadiens crouler sous le poids de l'endettement. Afin de les aider à redresser leur situation financière, j'annonce que 3 000 000 $ en provenance de Loto-Québec seront destinés prioritairement à ces trois organismes. Le présent budget prévoit enfin des investissements supplémentaires de 30 000 000 $ dans les bibliothèques publiques, les équipements culturels et la restauration du patrimoine religieux. Voilà, M. le Président, les orientations budgétaires, économiques et sociales que le gouvernement propose à cette Assemblée et à la population du Québec. Elles nous rapprochent méthodiquement, étape par étape, du déficit zéro prévu pour l'an prochain, tel qu'il en fut décidé conjointement et solidairement au Sommet de Québec. De plus, ces orientations s'inscrivent fidèlement dans la foulée des efforts déployés depuis le Sommet de Montréal pour atteindre notre objectif de création d'emplois d'ici la fin de 1999. Avec la stratégie de développement économique Objectif emploi dévoilée aujourd'hui, nous sommes appelés à nous donner des objectifs pour mieux vivre et organiser l'après-déficit zéro, en saluant le nouveau millénaire. Une chose, cependant, est certaine: nos efforts doivent mettre fin au fameux paradoxe québécois voulant que le Québec dispose de tous les outils d'un décollage économique phénoménal sans réussir à ramener son taux de chômage à un niveau acceptable. Un taux de chômage de près de deux points de pourcentage au-dessus de la moyenne canadienne de façon persistante, bon an mal an, depuis que nous avons des statistiques, soit depuis le début des années cinquante, cela est inconcevable et ne peut plus durer. Qu'on songe à notre main-d’œuvre extrêmement qualifiée, à notre dotation en ressources naturelles, à notre puissante agriculture, au capital disponible en abondance pour fins d'investissement, à notre secteur privé et à nos entrepreneurs très dynamiques, que l'on songe à nos syndicats bien rompus aux réalités aussi bien sociales qu'économiques, à nos sociétés d'État maintenant bien orientées vers le rendement et le développement, à nos secteurs associatif et coopératif modernes et à notre économie largement orientée vers la haute technologie et l'exportation. Quand on regarde tout cela, on se rend compte que rien ne devrait nous empêcher de faire le sort qu'il mérite à cet embêtant paradoxe, et dans les meilleurs délais. Nous allons tout faire pour y arriver, avec les moyens non négligeables d'un gouvernement national qui, pour l'instant, est encore incomplet. Mais, bientôt, quand notre peuple le voudra, nous aurons les outils plus solides, et plus puissants, et plus universels du pays souverain que nous méritons. En attendant, nous cheminons vers notre destin avec un espoir ardent. L'an dernier, en terminant le discours du budget, j'avais cité ce beau vers de Gaston Miron qui résumait bien l'objet de nos labeurs: «Je n'ai jamais voyagé vers autre pays que toi, mon pays.» Aujourd'hui, devant l'abondance des projets et des chantiers que nous proposons, je puiserai plutôt une magnifique phrase dans l'œuvre grande et puissante de Fernand Dumont, décédé le printemps dernier, et qui écrivait: «Seul un pays peut être à la mesure de nos projets.» M. le Président, je vous remercie. Je propose donc, M. le Président: «Que l'Assemblée approuve la politique budgétaire du gouvernement.»