Province Législature Session Type de discours Date du discours Locuteur Fonction du locuteur Parti politique Québec 35e 2e Discours sur le budget 9 mai 1996 M. Bernard Landry Vice-Premier ministre, ministre d’État de l’Économie et des Finances, ministre des Finances, ministre du Revenu, ministre de l’Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie. PQ M. Landry : M. le Président, le 29 janvier dernier, dans son discours d'assermentation, notre premier ministre établissait les priorités essentielles de son gouvernement dans les termes suivants: «Dans l'année qui s'ouvre, ce gouvernement va se concentrer sur un certain nombre de tâches capitales et va inviter les Québécoises et les Québécois à forger de nouveaux consensus. Premier dossier: la relance de l'emploi et l'assainissement des finances publiques.» Le premier ministre m'a confié la tâche de coordonner la poursuite de ce double objectif crucial. Car redressement économique et redressement financier vont évidemment de pair. Le désordre des finances publiques, au Canada comme au Québec, entrave lourdement la marche de l'économie. Par ailleurs, c'est par le retour de la prospérité que passe nécessairement la reconstruction de la capacité de notre État de s'acquitter de ses tâches essentielles dont, au premier chef, le maintien des grandes solidarités sociales. En effet, se dire social-démocrate sans avoir les moyens matériels de son discours peut vite tourner au concept creux et à l'incantation. Le présent budget constitue une feuille de route exigeante vers nos espoirs sociaux et économiques les plus légitimes. Ce n'est pas un document inspiré par la facilité. Je veux cependant souligner deux facteurs d'encouragement très précieux: les résultats de l'exercice 1995-1996 et le formidable consensus sur l'élimination du déficit exprimé à la conférence de Québec. D'abord, en 1995-1996, pour la première fois depuis au moins 25 ans, les dépenses de programmes du gouvernement du Québec ont baissé. Alors que depuis plusieurs années le tocsin avait été entendu partout au Canada et que la plupart des provinces réduisaient leurs dépenses à bon rythme dès 1993, le Québec continuait à voguer vers les récifs, ses dirigeants restant, dirait-on, aveugles à toutes les balises et sourds à toutes les alarmes. Pour reprendre enfin une course plus sécuritaire, il a fallu que l'un des très grands ministres des Finances de notre histoire, M. Jacques Parizeau, devienne premier ministre et que les députés de Taillon et de Labelle, qui se sont succédé à la présidence du Conseil du trésor, tiennent le cap avec vigilance et fermeté. Ils ont réussi la première étape d'un rétablissement beaucoup trop longtemps différé. Autre aspect positif: l'objectif de réduction du déficit annoncé l'an dernier a été atteint. Partant du sommet historique de 5 700 000 000 $ où nos prédécesseurs nous avaient hissés, nous sommes déjà redescendus à 3 900 000 000 $. Il y a un an jour pour jour, le député de Crémazie nous a fixé cet objectif ambitieux. Ce qu'il avait promis est aujourd'hui réalité. Cette contribution est particulièrement précieuse quand on sait que les agences de cotation de crédit ont par le passé décoté le Québec surtout pour ne pas avoir respecté ses engagements en matière de déficit. Depuis le début des années quatre-vingt-dix, nos prédécesseurs, année après année, ont miné la confiance des investisseurs envers le Québec. Ces décotes ont des conséquences graves: elles affectent tout autant l'ensemble de l'économie que le gouvernement, car les cotes du gouvernement servent de référence pour beaucoup d'autres emprunteurs québécois. Avec l'aide experte des gestionnaires des Finances et du Conseil du trésor, nous avons donc réussi à rompre le cercle vicieux des promesses non tenues qui mènent à l'alourdissement du fardeau financier. Le cercle vicieux enfin rompu, les partenaires socioéconomiques réunis à la conférence de Québec ont donné au présent budget son second grand encouragement: ils ont choisi le cercle vertueux de l'élimination du déficit menant à la santé financière et économique. C'est là le passage obligé vers la prospérité durable autant que vers l'équité entre les générations, toutes deux compromises par notre situation financière. En même temps, une volonté tout aussi forte de s'attaquer rigoureusement au fléau du chômage et à son cortège de misères s'est fait jour de tous les horizons représentés à la grande table de concertation. C'est tout le Québec, en fait, qui, au cours des prochains mois, va s'engager dans un vigoureux effort de réflexion et d'action pour reprendre en main son avenir et redonner l'espoir aux centaines de milliers de Québécoises et de Québécois qui commençaient à en manquer. Le présent budget s'inscrit donc dans cette grande démarche collective. Il modifie profondément notre approche et nos façons d'agir. Au chapitre des finances, tous maintenant en conviennent, nous devons éliminer le déficit selon un calendrier précis qui nous mènera à zéro pour l'an 2000. Une loi viendra encadrer étroitement ce plan d'élimination du déficit et obligera, par la suite, le gouvernement à maintenir son budget en équilibre. Ce calendrier sera particulièrement exigeant cette année et l'an prochain. C'est ainsi que, pour atteindre notre objectif de déficit en 1996-1997, il aura fallu un effort budgétaire de plus de 3 000 000 000 $. L'an prochain, encore, nous devrons fournir un effort d'une ampleur comparable. Mais dès 1998-1999, nous commencerons à récolter les fruits de notre détermination. Nous aurons pris notre élan. À partir de là, l'effort à fournir sera moitié moindre. Et, quand nous serons au bout de nos peines, nous aurons redonné à notre État la pleine capacité de stimuler l'économie, de protéger les citoyens, de corriger les injustices. D'ici là, tout ce qui peut être fait pour ne pas alourdir le fardeau des plus démunis le sera. C'est dans cet esprit qu'ont été réalisées les compressions de dépenses où porte, cette année, l'essentiel de notre effort. Le plan budgétaire pour cette année réduit les dépenses de programmes de 4$ pour chaque dollar de mesures augmentant les revenus. Le taux de la taxe de vente ne sera pas relevé, bien qu'il y fut songé, un temps. En fait, ce budget n'augmente aucun taux d'impôt ni de taxe. J'annoncerai aujourd'hui des resserrements dans les avantages fiscaux des entreprises et des personnes, mais rien dans ces mesures n'affectera, sinon marginalement dans quelques cas, les contribuables moins fortunés, ceux qui gagnent moins de 26 000 $ de revenu net par an. De plus, nous percevrons mieux l'argent qui nous est dû, sans aucune indulgence pour ceux qui tentent de frauder le fisc. Au moment où un nombre effarant de Québécois et de Québécoises sont victimes du chômage et de la pauvreté, la solidarité est plus essentielle que jamais. Les sociétés d'État et les grandes entreprises seront aussi appelées à contribuer à l'effort collectif de redressement des finances publiques. Au chapitre de la gestion de l'économie, ce budget propose aussi une nouvelle approche. Tout le monde sait qu'il serait vain, dans les circonstances présentes, de tenter une relance par des dépenses publiques massives. On ne peut pas dépenser l'argent qu'on n'a pas. Il faudrait soit l'emprunter, et ainsi alourdir le déficit, soit augmenter les impôts et les taxes. À coup sûr, ce serait faire plus de mal que de bien et contribuer à étouffer une économie qui s'essouffle. Nous allons donc mieux cibler les priorités d'action et mieux utiliser les moyens dont nous disposons. À cet égard, ce budget s'adresse plus particulièrement aux besoins des jeunes, des petites et moyennes entreprises et des exportateurs. Les jeunes portent notre avenir; il faut qu'ils aient les moyens de démarrer leurs projets, de se tailler une place solide dans l'économie et de faire valoir leurs compétences. Les petites et moyennes entreprises sont les principales créatrices d'emplois; il faut encourager leur dynamisme. Les exportateurs sont le pilier de notre croissance depuis trois ans; il faut qu'ils se multiplient. Pour les soutenir tous convenablement sans débourser trop, nous utiliserons surtout l'aval de l'État et la garantie de prêts. La coopération, omniprésente avec les secteurs privés et associatifs, décuplera nos actions. Ce budget ouvre aussi une voie prometteuse au développement de l'économie sociale, au bénéfice des groupes communautaires et des travailleurs impliqués. La formidable solidarité exprimée à la conférence de Québec ne sera pas le moindre de nos atouts. Ainsi, nous poursuivrons la pratique et le raffinement du modèle québécois de gestion des affaires publiques et de développement économique. Cette concertation, inaugurée à Pointe-au-Pic par René Lévesque, en 1977, a été malencontreusement mise en sommeil, sauf pour quelques initiatives méritoires du député démissionnaire d'Outremont. Elle connaît maintenant une seconde jeunesse sous l'impulsion du premier ministre. Bien sûr, les interventions étatiques lourdes qui pouvaient se justifier à l'époque de la Révolution tranquille ne sont plus de mise, et nos partenaires le savent. Pour autant, nous ne sacrifierons pas à la mode néolibérale qui fait des ravages chez tant de nos voisins: notre gouvernement croit encore à l'action collective dans le développement économique et social. Nul ne conteste les vertus de l'économie de marché et de la libre entreprise comme instruments éprouvés de création de richesse et de quête du progrès. Toutefois, s'en remettre entièrement à cette implacable main invisible du marché, décrite par Adam Smith il y a deux siècles, est aussi pernicieux qu'ont pu l'être les idéologies de planification centrale autoritaire qui n'ont laissé que ruines dans leur sillage. Ni dirigiste ni démissionnaire, l'État moderne doit tracer la voie et coordonner le développement dans le respect de toutes les libertés, mais en se portant garant d'une solidarité qui est aussi l'apanage des sociétés évoluées. Nous avons donc commencé à assainir les finances publiques et nous allons continuer. Cette œuvre de salut public relève de la plus élémentaire justice envers les jeunes générations. Par rapport à sa population, le Québec est aujourd'hui la plus endettée des provinces canadiennes. Le 31 mars 1995, chacune des Québécoises et chacun des Québécois se retrouvait avec une dette de 10 200 $, empruntée en son nom par le gouvernement du Québec. Or, près de la moitié de cette dette a servi à payer des dépenses courantes – l'épicerie, comme on dit – et non des investissements durables dont pourraient profiter nos descendants sous forme d'un patrimoine d'équipements collectifs transmissibles. Nous avons consommé; nos enfants paieront pour nous. Une telle vision des choses n'est pas acceptable dans une société fondée sur l'éthique et la solidarité. Il faudra, en toute honnêteté et dès aujourd'hui, ne pas oublier ces réalités quand se présenteront de façon concrète les sacrifices nécessaires à la correction de la situation. Nos concitoyennes et concitoyens sont de plus en plus nombreux à se demander où va l'argent de leurs impôts et taxes. Comment s'étonner de leur frustration: 16 % de ce qu'ils paient à Québec et 36 % à Ottawa ne servent qu'à payer des intérêts sur l'immense dette accumulée par les gouvernements! Tout cela se traduit par d'autant moins de services ou par une fiscalité excessive. À cette frustration de payeurs fatigués s'ajoute celle de voir que le poids de l'endettement du secteur public, résultat des déficits accumulés au cours des années, entrave dramatiquement la création d'emplois. En effet, le financement de la dette entraîne pour l'économie des conséquences tragiques: plus le gouvernement s'endette, moins il reste d'épargne disponible pour les projets d'investissement ou de consommation, générateurs d'emplois; l'endettement génère un accroissement des impôts et taxes, ce qui augmente les prix de nos produits, rend nos entreprises moins concurrentielles et réduit donc leur capacité de créer des emplois; pour ce qui est des charges fiscales imposées plus directement aux entreprises, elles viennent diminuer la rentabilité de leurs investissements. L'intérêt des entreprises à investir s'en trouve affaibli, avec pour conséquence un niveau moins élevé d'emplois. En outre, plus le fardeau fiscal au Québec sera élevé, moins les entreprises étrangères viendront y investir et y créer des emplois. On connaît le vieux dicton: trop d'impôts tue l'impôt. On voit ici que trop d'impôts tue l'emploi. Poursuivre dans la voie de l'accumulation des déficits, véritables impôts et taxes différés, ne peut qu'accentuer, dans l'avenir, les problèmes que je viens d'évoquer. De plus, nous ne devons pas attendre que survienne la prochaine récession. Les économies fluctuent; de temps à autre, elles régressent et la croissance passe sous zéro. Il faut que notre rétablissement soit réussi avant que la croissance ne s'arrête. Nous courons en avant d'un orage, il ne faut pas qu'il nous rattrape. À court terme, notre effort de redressement engendrera forcément des difficultés d'ajustement. Mais, si nous faisons bien dès maintenant ce que nous avons à faire, nous encaisserons en temps voulu les bénéfices de notre détermination sous forme d'un plus grand pouvoir d'achat, d'un niveau de vie plus élevé, de meilleures possibilités d'épargne en vue d'une sécurité plus grande aujourd'hui comme demain. Déjà, après seulement un an et demi d'efforts, nous commençons à récolter une partie des fruits de notre action. Nos prêteurs ont pris acte de notre nouvelle façon de gouverner et de notre détermination à réduire le déficit. Les écarts de taux d'intérêt entre les titres du Québec et ceux des autres provinces ont commencé à se réduire. Nous faisons déjà des économies sensibles sur nos emprunts. Pour être plus sûrs de persévérer dans cette voie nouvelle, nous allons nous donner un dispositif de sécurité, comme l'ont suggéré nos partenaires socioéconomiques. Je déposerai donc sous peu un projet de loi sur l'élimination du déficit et l'équilibre budgétaire, pour être plus sûr, donc, de persévérer dans cette voie. Cette loi nous permettra, dès cette année, d'encadrer le calendrier d'élimination du déficit et, par la suite, elle empêchera les gouvernements de déséquilibrer à nouveau les finances publiques. La loi fixera tout d'abord le rythme d'élimination du déficit. De 3 275 000 000 $ cette année, le déficit sera ramené à 2 200 000 000 $ en 1997-1998, puis à 1 200 000 000 $ en 1998-1999. Et, l'année suivante, lorsque se profileront les trois zéros du troisième millénaire, notre déficit sera précisément rendu à zéro. Ensuite, la loi imposera au gouvernement l'obligation de maintenir son budget en équilibre. La séquence de notre marche vers cet objectif est difficile à tenir, mais facile à mémoriser: 3,2, 2,2, 1,2, et, finalement, zéro. À moins de circonstances exceptionnelles, comme une détérioration importante des conditions économiques ou des coupures massives dans les transferts fédéraux, le gouvernement ne pourra s'écarter des objectifs fixés. La loi encadrera de façon rigoureuse la possibilité pour le gouvernement d'invoquer de telles circonstances. Elle l'obligera à poser des gestes significatifs afin d'éviter la fuite en avant, comme ce fut si souvent le cas dans le passé. Tout écart par rapport aux objectifs devra être résorbé. Il sera donc possible au gouvernement d'adapter la règle du déficit zéro à l'évolution de la conjoncture. En ce sens, nous mettrons vraiment et intégralement en pratique la doctrine de John Maynard Keynes, qui consiste, on l'a oublié trop souvent, à emprunter pour augmenter la dépense publique et, partant, la fameuse demande globale en période de mauvaise conjoncture, mais à rembourser les dettes contractées pour ce faire quand le beau temps est revenu. Lord Keynes a eu de bien mauvais disciples, qui, de diverses manières, ont perverti sa pensée. Nous ne serons pas du nombre. Dans l'immédiat, et tel que convenu à la conférence de Québec, il nous faut cette année ramener le déficit à 3 275 000 000 $. Compte tenu des perspectives économiques, cela requiert un effort considérable. Dans l'ensemble, les analystes du secteur privé s'attendent à ce que la situation économique s'améliore graduellement au cours de cette année et l'an prochain. Les deux principaux facteurs à l'origine du ralentissement observé au Québec et au Canada en 1995 ont en effet évolué de manière favorable récemment. D'une part, les taux d'intérêt à court terme ont reculé de trois points de pourcentage au Canada depuis un an. D'autre part, le redressement de l'économie américaine tend à se confirmer et se combine à un taux de change favorable. De plus, je l'ai dit, notre gouvernement a choisi de ne pas augmenter le taux de la TVQ, ce qui aurait pu miner la confiance des consommateurs. Néanmoins, un certain nombre de facteurs, comme l'endettement élevé des ménages, les surplus dans le marché de l'habitation et les mesures de redressement budgétaire des gouvernements, viendront limiter la croissance économique au cours des deux prochaines années. Le présent budget est donc basé sur une hypothèse de croissance économique de 1 % en 1996 au Québec. Cette hypothèse est très conservatrice par rapport à la prévision des experts du secteur privé, qui est plutôt de 1,4 %. Nous ne voulons pas qu'une mauvaise surprise vienne, en cours d'année, nous empêcher d'atteindre notre objectif exigeant de réduction du déficit. Pour tenir, cette année, notre objectif de déficit, il a fallu faire des choix difficiles. Mes collègues et moi-même avons répondu à l'appel du premier ministre et nous avons osé poser les gestes nécessaires. L'essentiel de l'effort requis découle des réductions de dépenses de 2 200 000 000 $ annoncées lors du dépôt des crédits en mars dernier. En outre, nous mettrons en place un fonds spécial pour le financement des travaux routiers, qui permettra de capitaliser les investissements requis et d'étaler les dépenses en fonction de la durée de vie utile des travaux réalisés. Cela permettra de prendre de meilleures décisions et d'accroître l'efficacité de la gestion gouvernementale. Ce nouveau mécanisme nous permettra de faire plus de travaux sur le terrain, même s'il aura pour effet de réduire le montant des dépenses budgétaires de 246 000 000 $ cette année. De plus, les initiatives additionnelles que j'annonce aujourd'hui n'augmenteront pas le niveau global des dépenses, parce qu'elles seront financées par des réaménagements budgétaires à l'intérieur des enveloppes existantes. Le présent budget porte donc à 2 500 000 000 $ l'effort réalisé du côté des dépenses de programmes. On ne déclenche pas un tel mouvement sans demander à tout le monde d'y participer à la mesure de ses moyens. Victor Hugo disait: «On peut avoir des raisons de se plaindre et n'avoir pas raison de se plaindre.» C'est précisément parce que chacun fera sa part de l'effort collectif que personne n'aura véritablement raison de se plaindre. Je donnerai comme exemple la transformation du réseau de la santé si consciencieusement et courageusement menée par notre collègue de la Santé et des Services sociaux, qui a d'ailleurs reçu de son prédécesseur un appui aussi lucide qu'inattendu. L'actuel député de Charlesbourg a réussi à mener une réforme difficile en gardant la confiance de la population, qui a compris que ce virage était non seulement nécessaire, mais effectué de façon équitable. C'est pourquoi, même si certains avaient de compréhensibles raisons de se plaindre, le changement fut globalement bien accepté. Cette réforme serait encore mieux perçue si les usagers avaient une meilleure idée du coût des services de santé qu'ils reçoivent. L'illusion de leur gratuité ne favorise pas toujours une utilisation optimale des services de santé. C'est pourquoi le ministre de la Santé et des Services sociaux préparera d'ici la fin de l'année un plan d'action qui visera à fournir les informations appropriées pour sensibiliser les citoyens aux coûts des programmes publics de santé assumés par la collectivité. Depuis plusieurs années, les résultats financiers des sociétés d'État se retrouvent dans le budget du gouvernement, comme l'exigent les règles comptables modernes. Ainsi, une détérioration de leurs résultats engendre automatiquement une baisse des revenus de l'État. On ne peut donc songer à redresser les finances publiques sans se préoccuper du niveau de rentabilité des entreprises publiques à vocation industrielle et commerciale. Pour les besoins du budget que je dépose aujourd'hui, des sociétés d'État contribueront pour 151 000 000 $ de plus à l'effort collectif de redressement des finances publiques. Hydro-Québec, la plus importante de nos sociétés d'État, est aussi celle dont les profits ont le plus baissé récemment, et il est clair qu'un sérieux redressement s'impose. Le député de Joliette et ministre d'État des Ressources naturelles a déjà vigoureusement amorcé le travail pour ramener ce grand navire amiral sur une course et un cap conformes à son prestigieux passé et aux intérêts du Québec tout entier. Cela nécessitera un effort majeur de ses dirigeants, de ses cadres et de tous ses employés. Parlons maintenant d'une situation aussi peu sympathique que trop répandue: l'évasion frauduleuse des impôts et des taxes et le retrait égoïste des solidarités communes qu'ils servent à financer. Les dépenses de l'État du Québec sont essentiellement consacrées à la santé, à l'éducation et à l'aide sociale. Percevoir des ressources à ces fins est une tâche noble. Au contraire, frauder le fisc ne peut être qu'une action éminemment antisociale. Nous serons donc sans indulgence pour ceux qui tentent d'échapper à leurs obligations fiscales. L'an dernier, nous avons mis en marche un ensemble de programmes spéciaux de vérification et de perception des revenus qui se sont avérés très efficaces. Ils seront non seulement reconduits, mais intensifiés, avec un objectif de revenus supplémentaires de 313 000 000 $. À cette fin, je propose qu'un montant additionnel de 40 000 000 $ soit affecté en 1996-1997 à des programmes de vérification et de perception plus performants. Le ministère du Revenu procédera notamment à des croisements de fichiers avec d'autres ministères ou organismes pour valider les informations qu'il a en sa possession et identifier les personnes qui ne produisent pas de déclaration de revenus. Je salue, à ce propos, le sens des responsabilités des parlementaires membres de la commission du budget et de l'administration, qui ont approuvé notre démarche en adoptant à l'unanimité une recommandation en ce sens. En effet, comme le Vérificateur général l'a indiqué récemment, il y a place à améliorer l'utilisation des informations disponibles. Il serait, par exemple, légitime de demander des comptes à un individu qui fournit une adresse au Québec pour obtenir sa carte d'assurance-maladie mais se déclare non-résident quand il s'agit de remplir une déclaration de revenus. Même chose pour celui qui immatricule une Rolls-Royce et deux Mercedes tout en déclarant chaque année 7 000 $ de revenus. Cependant, dans cette opération, nous aurons à concilier l'impératif de protéger la vie privée des individus avec celui de protéger les citoyens honnêtes qui en sont réduits à payer plus de taxes parce que d'autres ne paient pas les leurs. Sous le contrôle vigilant de la Commission d'accès à l'information, nous procéderons avec rigueur et dans le respect des citoyens, qui ont le droit de savoir à quoi peuvent être utilisées les informations qu'ils transmettent au gouvernement. Une des critiques importantes à l'endroit du régime fiscal concerne les avantages fiscaux qui permettent à un certain nombre de contribuables fortunés de réduire sensiblement leur fardeau fiscal et, parfois même, de l'amener légalement à zéro. De l'avis général, le niveau des impôts et taxes a atteint au Québec la limite du tolérable. Les opinions sont beaucoup plus partagées quand il s'agit d'identifier les groupes qui ne feraient pas suffisamment leur part et ceux qui contribueraient au-delà de ce qui est juste et équitable. Elles sont partagées aussi concernant d'autres caractéristiques du régime fiscal, comme, par exemple, son efficacité et sa capacité de soutenir la création d'emplois. Voilà pourquoi, au moment de la conférence de Québec du mois de mars, nous avons mis en route une démarche particulière pour mieux approfondir ces questions: une commission sur la fiscalité et le financement des services publics. La CSN nous le demandait depuis longtemps, ainsi que les autres centrales syndicales et nombre de citoyens. Dans un premier temps, le gouvernement publiera donc une série de documents sur ces sujets. Le projet de loi sur l'élimination du déficit sera aussi à l'étude et on examinera les implications d'un éventuel fonds de remboursement de la dette. Le maximum d'information ayant ainsi été mis sur la place publique, une commission nationale itinérante recueillera les opinions dans tout le Québec et animera cette réflexion essentielle à de judicieuses réformes fiscales. Le sommet de l'automne prochain devrait être le lieu pour dégager les consensus nécessaires à l'action décisive qui viendrait lors du prochain budget. En attendant, nous ne sommes pas libérés de notre obligation de gouverner et nous devons quand même apporter les correctifs immédiats que requièrent tant nos impératifs budgétaires que le souci constant de parfaire l'équité. Du côté des entreprises, le crédit remboursable pour pertes permet au gouvernement de fournir de la liquidité aux entreprises qui font des pertes dans une année donnée. Ce mécanisme est d'une utilité douteuse pour les grandes entreprises, qui peuvent mieux que les petites obtenir des institutions financières les liquidités nécessaires pour traverser une mauvaise année. J'annonce donc qu'à compter d'aujourd'hui le crédit d'impôt remboursable pour pertes sera limité aux seules petites entreprises. Les finances publiques y gagneront 20 000 000 $ par année. Deux autres dispositions fiscales permettent aux professionnels et aux entreprises de réduire, parfois de façon abusive, leur impôt sur le revenu, ce sont la déduction pour frais de représentation et la déduction pour les dépenses reliées à l'utilisation d'une résidence personnelle. Aucune de ces dispositions n'étant accessible aux salariés, la simple équité nous oblige à nous montrer très restrictifs quand nous les accordons, ce que nous ferons. L'annexe sur les mesures fiscales et budgétaires, qui fait partie intégrante du présent discours, donne les détails techniques de ces mesures. Quant au régime de la taxe sur le capital, il n'est pas tout à fait étanche non plus. Par exemple, les caisses d'épargne et de crédit et les fonds de travailleurs ont été historiquement exemptés de la taxe sur le capital parce qu'ils poursuivaient des objectifs sociaux que l'État encourage. Pendant ce temps, les taux de la taxe sur le capital étaient augmentés pour les autres entreprises, notamment les banques, dont nous avons accru la contribution annuelle de 60 000 000 $ l'an dernier. Le capital constitue un outil de production et, en toute équité concurrentielle, il devrait être taxé pour toutes les institutions financières. À compter d'aujourd'hui, les caisses d'épargne et de crédit et les fonds de travailleurs deviendront assujettis à la taxe sur le capital. Quel que soit notre degré de sympathie pour les uns et pour les autres, tous, sans exception, sont conviés à l'effort collectif. Nous résoudrons aussi le problème d'équité que pose la taxe sur le capital des compagnies d'assurance de personnes, dont le taux n'a pas bougé depuis près d'un demi-siècle, alors qu'il augmentait pour les autres institutions financières. Une mesure compensatoire leur sera appliquée et rapportera 20 000 000 $ par année au trésor public. De plus, ce budget introduit plusieurs resserrements dans les avantages fiscaux des particuliers. Toutefois, je le souligne, il ne touche pas, sauf marginalement, les contribuables dont le revenu net est inférieur à 26 000 $ par an. La catégorie la plus importante d'avantages fiscaux est celle des crédits pour personnes à charge, principalement le conjoint et les enfants. Ce budget ne touche à aucun des crédits pour personnes à charge ni à aucun des avantages spécifiques en faveur des familles. L'appui du gouvernement aux familles québécoises, et particulièrement à celles à faibles revenus, est donc réaffirmé dans ce budget. J'insisterai d'ailleurs pour que la Commission sur la fiscalité accorde une attention particulière au rôle de la fiscalité comme instrument de la politique familiale et comme partie intégrante de la politique de sécurité du revenu au Québec. À cet égard, la situation du financement des services de garde nous préoccupe au plus haut point. Nous avons au Québec un généreux crédit d'impôt remboursable pour frais de garde d'enfants. Dans les mois à venir, comme l'a indiqué ma collègue ministre de l'Éducation et ministre responsable des services de garde, nous proposerons un réaménagement des modalités de ce crédit d'impôt de façon à assurer une aide adéquate aux parents à plus faibles revenus qui ont recours aux services de garde et à dégager une marge de manœuvre à l'État pour financer plus adéquatement ces services. J'en profite pour souligner qu'à compter du 1er mai prochain nous procéderons à la défiscalisation des pensions alimentaires pour les enfants. Ainsi, pour tout jugement rendu et pour tout accord conclu après cette date, un parent ne paiera plus d'impôt sur une pension alimentaire reçue pour un enfant. En revanche, cette pension ne sera plus déductible dans le calcul du revenu de celui qui la verse. Je confirme, de plus, notre intention de recycler au bénéfice des familles du Québec les revenus résultant de cette mesure. Nous mettrons aussi en place un modèle de calcul des pensions alimentaires à payer qui sera adapté aux besoins spécifiques de la population du Québec. Plusieurs avantages fiscaux visent, à des fins d'équité, à tenir compte de certaines situations particulières. Par exemple, le crédit d'impôt pour personnes vivant seules vient alléger leur charge fiscale parce qu'elles doivent normalement assumer des dépenses plus élevées que celles qui partagent leur logement. Ce crédit sera donc intégralement maintenu pour les contribuables les moins fortunés. Par contre, à partir d'un certain niveau de revenus, ce genre d'avantages fiscaux devient difficilement justifiable. Dans le même ordre d'idées, depuis deux ans, le gouvernement fédéral module le crédit d'impôt en raison d'âge en fonction du revenu des contribuables auxquels il accorde cet avantage fiscal. Nous en ferons autant. La justice sociale, ce n'est pas de favoriser tout le monde passé un certain âge, mais de venir en aide aux plus démunis. Il nous faut aussi considérer l'équité de traitement entre les revenus d'emploi et les revenus de retraite. La situation est particulièrement injuste dans le cas des personnes qui touchent une double rémunération: une pension et un salaire, par exemple. De plus, il n'y a aucune raison que des contribuables plus fortunés bénéficient d'avantages fiscaux conçus pour soutenir les personnes âgées les plus démunies. C'est pourquoi j'annonce que le crédit d'impôt pour personne vivant seule, le crédit d'impôt en raison d'âge et le crédit d'impôt pour revenus de retraite cesseront progressivement d'être accordés aux contribuables à partir d'un revenu net de 26 000 $ par an. Ces nouvelles dispositions entreront en vigueur à plein taux à compter de l'année d'imposition 1997. Étant donné que l'année 1996 est déjà commencée, ces resserrements ne s'appliqueront, cette année, qu'à demi-taux. La déduction pour cotisations syndicales et professionnelles constitue, elle aussi, un avantage fiscal important. Malheureusement, puisqu'il s'agit d'une déduction, pour un même dollar de cotisation, elle rapporte plus aux contribuables à revenus plus élevés qu'aux contribuables à faibles revenus. Ce budget corrigera cette situation en transformant la déduction en crédit d'impôt à compter de l'an prochain. Les fonds de capital de risque de travailleurs sont maintenant bien connus du public. En raison même de leur succès, ces fonds n'ont plus besoin du même soutien gouvernemental qu'à l'époque de leur lancement. C'est pourquoi j'annonce que, comme l'a fait Ottawa, nous ramenons le taux du crédit d'impôt pour ces fonds de 20 % à 15 %. De plus, le montant maximum d'actions donnant droit au crédit sera réduit de 5 000 $ à 3 500 $ par année, bien que les modalités de ce resserrement soient plus souples que celles adoptées par le gouvernement fédéral. Cela dit, la franchise m'oblige à souligner qu'il y a un domaine où nous ne réduisons pas les avantages fiscaux, au contraire. C'est celui de la culture. Et ma collègue la députée de Chambly n'a eu aucun mal à nous convaincre d'agir ainsi. Si nous assainissons les finances publiques, c'est pour que notre société soit plus forte et dispose de moyens plus puissants pour l'avenir. Nous n'aurions rien gagné si nous le faisions en affaiblissant notre culture, en affaiblissant l'âme même de notre collectivité. Une société matériellement riche et culturellement pauvre est globalement pauvre. Ce n'est pas l'idéal québécois. Voilà pourquoi j'annonce aujourd'hui un nouveau crédit d'impôt pour le bénéfice de la production de titres multimédias. Ce crédit, qui s'ajoute au crédit d'impôt pour les productions cinématographiques, sera fonction des dépenses de main-d’œuvre. De plus, le nouveau crédit d'impôt comportera une prime à l'utilisation du français et une prime à la performance basée sur les recettes d'exploitation. Enracinement et ouverture vers l'extérieur, telle est l'originalité de cet instrument. J'annonce aussi que les abonnements à des concerts, à des opéras et à des spectacles de danse et de théâtre seront non seulement épargnés du resserrement que j'ai indiqué précédemment en matière de frais de représentation, mais profiteront du retour de la pleine déductibilité dont les avaient privés nos prédécesseurs. Quant au cas spécial de l'Orchestre symphonique de Montréal, qui porte magnifiquement les couleurs du Québec dans le monde mais qui, malheureusement, éprouve quelques difficultés financières, j'ai demandé à Loto-Québec de faire en sorte, par une commandite accrue, que le maestro Dutoit puisse continuer à se concentrer totalement sur sa partition. De plus, notre gouvernement se doit à tout prix de protéger la culture et la langue française dans le domaine des technologies de l'information. Il faut que les Québécoises et les Québécois aient accès, sur l'autoroute de l'information, à des services d'utilisation courante et à une masse critique de produits disponibles en français. Le Fonds de l'autoroute de l'information, sur lequel je reviendrai tout à l'heure, demeurera l'instrument privilégié pour favoriser la création de contenus et de services électroniques permettant notamment à la population québécoise de travailler, de se divertir, de s'instruire et d'avoir accès à des services culturels de source québécoise en français. Le milieu culturel a également pris l'initiative d'un fonds d'investissement de la culture et des communications. Le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec et la Société de développement des entreprises culturelles se sont unis pour assurer son capital de départ. Une somme de 5 000 000 $ sera accordée à la SODEC pour financer cet engagement. Reste à appuyer les dépenses de fonctionnement du fonds, que le gouvernement devrait prendre à sa charge. J'annonce donc l'octroi d'une somme de 1 500 000 $ à cette fin pour les cinq prochaines années. Par ailleurs, toute culture existe et s'incarne à travers une langue qui la transmet, l'exprime et l'enrichit. Majoritaire au Québec, la langue française se retrouve très minoritaire sur un continent anglophone et hispanophone. C'est pourquoi notre gouvernement s'est engagé à définir, au terme de la consultation en cours, un éventail de mesures visant à faire avancer le français partout: dans l'éducation, l'économie, au travail, dans la rue, dans les commerces, sur nos ordinateurs et, en particulier, évidemment, dans la métropole. Cette action tous azimuts nécessite des moyens nouveaux. C'est pourquoi une somme additionnelle de 5 000 000 $ sera consacrée à la mise en œuvre des mesures retenues, qui accroissent les moyens requis pour la défense et l'illustration de la langue française. Pour en revenir à la fiscalité, un resserrement majeur du présent budget concerne l'impôt minimum. Les avantages fiscaux ont été mis en place par les gouvernements pour atteindre certains objectifs économiques et sociaux. Mais, quand un contribuable à revenus élevés réussit, en les utilisant au maximum, à ne payer aucun impôt, il y a manifestement un problème de justice sociale. On reproche parfois au Québec de ne pas prélever d'impôt minimum sur les profits des entreprises, comme le fait, par exemple, l'Ontario. Ceux qui nous adressent cette critique oublient qu'il existe déjà au Québec deux impôts minimums pour les entreprises: la taxe sur le capital et la cotisation au Fonds des services de santé, calculée sur les salaires. Dans les deux cas, les taux du Québec sont déjà le double des taux ontariens. Créer au Québec un troisième type d'impôt minimum sur les entreprises serait contraire à nos intérêts économiques. Du côté de l'impôt sur le revenu des particuliers, il existe aussi un impôt minimum. Après analyse, cependant, on constate qu'il joue mal le rôle qu'il devrait jouer: à certains égards, il manque de sévérité, tandis qu'il pénalise parfois des contribuables qui ne devraient pas l'être. Le mécanisme actuel peut entraîner des situations extrêmement pénibles pour certains travailleurs mis prématurément à la retraite ou licenciés. Ce budget vient corriger ce problème en excluant du calcul de l'impôt minimum les allocations de retraite versées en de telles circonstances lorsqu'elles sont transférées dans un REER. Par ailleurs, ce budget vient donner beaucoup plus de rigueur à l'impôt minimum. Présentement, un particulier peut déduire des avantages fiscaux jusqu'à concurrence de 40 000 $ dans une année donnée, ce qui est beaucoup trop. J'annonce donc qu'aucun particulier ne pourra désormais en déduire plus de 25 000 $. De cette façon, un individu à revenus élevés qui aurait cotisé le maximum à un REER ne pourra placer plus de 11 500 $ dans d'autres abris fiscaux sans être frappé par l'impôt minimum. Les diverses restrictions apportées aujourd'hui aux avantages fiscaux ne produiront leur plein impact qu'à partir de l'an prochain afin d'éviter, bien entendu, toute forme de rétroactivité. Or, dès cette année, nous devons réduire le déficit. C'est pourquoi je demanderai aux grandes entreprises d'assumer momentanément une plus grande partie du fardeau de l'assainissement des finances publiques. Je dis bien «momentanément», car nous sommes conscients de la nécessité d'assurer aux entreprises un environnement fiscal compétitif. On sait que les grandes entreprises devaient avoir droit au plein remboursement de la TVQ payée sur leurs intrants à compter du 30 novembre prochain. La date d'entrée en vigueur de cette réforme nécessaire sera décalée de quatre mois, c'est-à-dire jusqu'au 31 mars 1997. L'effort particulier de solidarité qui est demandé à ces acteurs essentiels de notre économie entraînera des revenus de 150 000 000 $. Dans un secteur plus particulier, les entreprises du Québec contribueront aussi à l'effort de redressement. La forêt constitue l'une de nos ressources naturelles les plus importantes. L'État se doit d'en obtenir la juste rente lorsqu'il s'en départit. L'augmentation des redevances forestières du 1er avril dernier, basée sur la valeur marchande du bois sur pied provenant de la forêt privée, générera des revenus additionnels de 55 000 000 $ en 1996-1997. Les décisions que j'annonce aujourd'hui nous engagent fermement sur la voie du redressement des finances publiques. Les équilibres financiers qui découlent de ce budget en témoignent éloquemment. Je le répète, nous avons réduit le déficit du tiers en une seule année, alors que le gouvernement fédéral aura mis trois ans pour en faire autant. Et nous avons atteint, l'an dernier, l'objectif de dépenses de programmes de 36 198 000 000 $, une première diminution depuis au moins un quart de siècle. Et je dépose, M. le Président, le tableau suivant qui présente les résultats préliminaires des opérations financières du gouvernement pour 1995-1996. C'est avec la même détermination que nous devons attaquer la prochaine étape qui nous conduira, une année à la fois, au déficit zéro en 1999-2000. Pour ce faire, nous ramènerons d'abord le déficit à 3 275 000 000 $ en 1996-1997. Réduire le déficit de 700 000 000 $ représente un défi de taille lorsque les revenus du gouvernement diminuent, comme c'est le cas cette année, en raison de la baisse des transferts fédéraux de 1 500 000 000 $ et que l'on ne veut augmenter ni les impôts ni les taxes. Mais les conséquences néfastes des décisions fédérales sur les finances publiques du Québec ne se limitent pas aux coupures dans les transferts aux provinces. Par exemple, les réformes successives appliquées au programme fédéral d'assurance-chômage, en rendant plus difficile l'accès aux prestations tout en réduisant leur durée et leur générosité, ont poussé un nombre important de Québécoises et de Québécois vers l'aide sociale, ce qui nous coûte très cher. Comme l'écrit le journaliste Miville Tremblay dans son livre «Le pays en otage», «les Québécois, quelle que soit leur allégeance référendaire, ont en commun l'intérêt d'avoir des finances publiques saines, mais le partage des juridictions dans le régime actuel rend l'exercice plus compliqué et plus frustrant». Fin de la citation. En même temps, les sommes économisées par le gouvernement fédéral lui servent souvent à financer de nouvelles intrusions dans nos champs de compétence exclusive. C'est un comble. Avec la dette qu'il a, le gouvernement central devrait au moins se limiter à se mêler de ses affaires! Ainsi, il est aberrant de constater que le gouvernement fédéral, après avoir effectué l'an dernier des coupures qui totaliseront 7 000 000 000 $ d'ici 1997-1998 dans les transferts aux provinces, proposait encore récemment de dépenser dans la recherche en santé, dans les écoles, dans les bibliothèques, dans le domaine des valeurs mobilières, et j'en passe, autant de domaines de compétence exclusive des provinces. Il est clair désormais que notre effort d'assainissement des finances publiques devra se poursuivre sous la menace constante de nouvelles coupures dans les transferts fédéraux et de nouvelles décisions fédérales susceptibles de rendre encore plus ardue l'atteinte de nos objectifs. C'est pour mettre fin à cette situation intenable que le Québec a proposé un nouveau partage des ressources fiscales avec le gouvernement fédéral. Le Québec a demandé à Ottawa de se retirer du financement des programmes sociaux et de lui transférer, en contrepartie, des points d'impôt sur le revenu des particuliers. En plus de protéger le Québec contre de nouvelles coupures fédérales, cela nous permettait de disposer d'un financement prévisible dont l'évolution suivrait celle de l'économie. Le gouvernement fédéral serait forcé de chercher dans ses propres activités, plutôt que dans la réduction des transferts aux provinces, les moyens d'assainir ses finances. Il ne s'agit pas d'échapper à nos responsabilités, mais de les assumer de façon rationnelle. Qu'Ottawa cesse ses empiètements, reste dans ses champs de compétence et nous laisse nos impôts et le soin de régler nos affaires nous-mêmes. On sait que le gouvernement fédéral a catégoriquement refusé une telle demande, pourtant fondée sur la Constitution et le bon sens. La députée de Taillon, qui a fait cette requête quand elle était ministre des Finances, a subi la même rebuffade que moi-même. Nous pouvons toujours nous consoler l'un et l'autre en songeant que Daniel Johnson père, avec son fameux «100-100-100», s'était vu opposer par Ottawa la même fin de non-recevoir. Nous devrons donc continuer à vivre – pour un temps limité, je l'espère – face au mur d'incompréhension, exposés au risque de nouvelles formes de désengagement fédéral. Malgré les coupures dans les transferts fédéraux et notre hypothèse de croissance économique prudente, nous maintenons donc le cap sur la réduction du déficit. Nous nous sommes engagés à ramener, cette année, le déficit à 3 200 000 000 $ et nous avons pris les moyens pour y parvenir sans augmenter la TVQ. L'effet combiné de l'effort annoncé lors du dépôt des crédits et des mesures du présent budget aboutit à des réductions de dépenses de 2 500 000 000 $. Du côté des sociétés d'État, les efforts pour comprimer les charges d'exploitation et améliorer les bénéfices rapporteront des revenus additionnels de 151 000 000 $. L'effort renouvelé de perception des revenus dus au gouvernement générera 313 000 000 $. Les mesures de tarification amèneront des revenus supplémentaires de 55 000 000 $. Enfin, les autres décisions du budget affectant les revenus, dont le resserrement des avantages fiscaux et l'effort de solidarité demandé aux grandes entreprises, rapporteront 132 000 000 $. Pris globalement, c'est-à-dire en tenant compte des mesures du budget et de celles annoncées lors du dépôt des crédits, l'effort budgétaire totalise 3 200 000 000 $. C'est donc dire que, pour chaque dollar de mesures augmentant les revenus, les dépenses de programmes ont été réduites de 4 $. Il est important de souligner que, même si nous avons posé des gestes vigoureux pour réduire les dépenses, le gouvernement n'a pas sombré dans l'immobilisme. Nous avons injecté de l'argent neuf dans des secteurs stratégiques pour le développement économique et social du Québec. Le nécessaire assainissement des finances publiques ne nous condamne pas à l'inaction. Je dépose ici, M. le Président, ces tableaux qui représentent les prévisions des équilibres financiers du gouvernement pour 1996-1997. À terme, notre but est de réduire progressivement le déficit à zéro, je l'ai dit, en 1999-2000, conformément au large consensus intervenu lors de la conférence de Québec. Pour y parvenir, il nous reste une année cruciale à traverser, 1997-1998. Tel qu'annoncé dans le budget de l'an dernier, les dépenses de programmes seront alors réduites de 1 200 000 000 $, un effort à peu près comparable à celui de cette année. Cependant, même avec cet effort, il restera un écart de quelque 300 000 000 $ à résorber pour atteindre notre objectif de déficit de 2 200 000 000 $. Cela sera possible du côté des revenus, même si les augmentations d'impôts ou de taxes sont exclues. L'intensification des efforts de perception des revenus qui échappent actuellement au gouvernement sera certainement à l'ordre du jour. On travaillera encore à améliorer la rentabilité des sociétés d'État. En outre, un resserrement additionnel des avantages fiscaux pourrait découler des travaux de la Commission sur la fiscalité, qui déposera son rapport à l'automne. Le sommet d'octobre prochain, dois-je le rappeler, permettra de prendre acte du résultat des réflexions amorcées dans les secteurs clés comme l'éducation, la sécurité du revenu et l'habitation sociale. Ce «sommet de la décision» constituera une occasion privilégiée pour la société québécoise de forger les consensus nécessaires sur les moyens à mettre en œuvre pour concrétiser le calendrier d'élimination du déficit déjà convenu à la conférence de Québec. Dès 1998-1999, nous commencerons à récolter les fruits de nos efforts. La période de décroissance des dépenses sera terminée et nous pourrons atteindre notre objectif de déficit zéro en 1999-2000 en maintenant le niveau des dépenses de programmes. Abordons maintenant le second volet du défi qui s'impose au Québec aujourd'hui, celui de la création d'emplois et de l'atteinte de son potentiel économique, que je crois beaucoup plus élevé que ne le montre l'ensemble de nos résultats actuels. J'ai la profonde conviction qu'aller au bout de nos extraordinaires capacités économiques constitue la vraie solution à long terme pour créer un Québec riche et solidaire. Le Québec peut s'enorgueillir d'avoir été un des rouages importants de l'intégration économique nord-américaine. Notre choix d'ouverture des frontières, tous partis confondus, d'ailleurs, est largement validé aujourd'hui. Les exportations québécoises ont augmenté de 20 % par an au cours des trois dernières années. Elles ont littéralement traîné notre économie vers l'avant. L'année 1995 est une année record: nous avons vendu à l'étranger pour près de 50 000 000 000 $. Malgré cette performance – le Mexique, c'est pour l'an prochain – nous savons, hélas, que nous sommes loin de créer assez et suffisamment d'emplois. Nous faisons face au même dilemme que tous les pays industrialisés: nous misons sur la hausse de notre savoir-faire plutôt que sur la baisse des salaires. Comme le constate le secrétaire américain au Travail, Robert Reich, «la mondialisation est en train de créer, dans nos démocraties industrielles, une sorte de sous-classe de gens démoralisés et appauvris». Le même constat tragique s'est dégagé du dernier Forum de Davos et à la rencontre du G 7 à Lille, le mois dernier. Le défi qui se pose donc ici comme dans tout le monde industrialisé, c'est de permettre à chacun de profiter des bénéfices de la mondialisation en minimisant les inconvénients de ces bouleversements qui échappent à notre contrôle. Ce passage délicat exige une dose élevée de solidarité entre les citoyens et de concertation économique pour laquelle, nous l'avons vu, le Québec a pris une avance certaine sur la plupart des autres pays concurrents. Tout au long de la route qui a mené de Pointe-au-Pic à Québec, le modèle québécois s'est affirmé et raffermi. L'État ne cherche pas à tout faire lui-même. Il définit une vision globale et s'efforce de coordonner l'action des entreprises, des travailleurs et des agents communautaires afin de provoquer les synergies créatrices et les solidarités nécessaires. En matière de concertation, les sociétés d'État du Québec doivent donner l'exemple. Leur chiffre d'affaires consolidé totalise maintenant 12 000 000 000 $, ce qui représente un formidable instrument de développement économique au service de notre collectivité. Une de leurs fonctions majeures consiste à lancer des projets d'investissement en partenariat avec le secteur privé. Notre gouvernement entend s'assurer que cela demeure une priorité. Jusqu'à ce jour, par ailleurs, nos sociétés d'État ont agi plutôt indépendamment les unes des autres. Ce faisant, elles se sont privées de la pleine synergie qui aurait pu résulter de la mise en commun de leurs efforts. C'est une omission que nous devons corriger. J'ai donc formé récemment un regroupement permanent des dirigeants des sociétés d'État afin d'assurer la cohésion de leurs actions, aussi bien entre elles qu'avec les orientations économiques du gouvernement, de stimuler le potentiel de synergie de leurs interventions et de les doter, si nécessaire, de services communs à des fins d'efficacité et d'économies d'échelle pour mieux affronter la mondialisation. Nous allons amener le secteur public, industriel et commercial à travailler un peu à la manière de ces grands «keiretsu» japonais: agir de concert tout en conservant la liberté d'action de chaque entreprise. Contrairement à l'entreprise privée qui doit, parfois sous peine de faillite, être rentable d'un trimestre à l'autre, l'État, lui, dispose de plus de temps et de plus de perspective sur les événements. C'est d'ailleurs ce qu'évoque brillamment le titre de l'ouvrage de Philippe Delmas «Le maître des horloges». L'État étant assuré de durer dans le temps, il est de son essence comme de son devoir d'assurer les liens entre les individus, d'assurer le bien commun, pour les gens d'aujourd'hui comme pour ceux de demain. Notre entreprise de concertation est encore imparfaite. Le présent budget contribue, à sa manière, à la compléter et à la concrétiser. On sait que l'État ne peut plus et ne doit pas chercher à relancer l'économie à coup de millions générateurs d'emprunts ou de taxes néfastes. Il faut repenser complètement notre régime d'aide aux entreprises. Il faut redéployer nos moyens d'intervention et cibler beaucoup plus finement nos actions. Voilà pourquoi l'ensemble des mesures d'appui au développement économique que je m'apprête à annoncer utilisent davantage la dose homéopathique que l'injection massive et cherchent le maximum d'impact pour un minimum de dépenses. Notre gouvernement va donc consacrer à des actions économiques stratégiques 42 000 000 $ de dépenses directes. Dans plusieurs cas, les formules de garanties de prêts que nous financerons produiront un effet de levier majeur sur l'activité économique. Notre objectif premier consiste à donner les encouragements absolument nécessaires pour: favoriser les jeunes, leur esprit d'entreprise et leur insertion sur le marché du travail; encourager les petites et moyennes entreprises créatrices d'emplois; appuyer les entreprises sur les marchés d'exportation et la prospection d'investissements étrangers; soutenir le développement des régions; stimuler l'économie locale. Les résultats ultimes viendront beaucoup plus du dynamisme des entreprises, de leur capacité à innover et de leur excellence que de toutes les mesures que je pourrais annoncer aujourd'hui. Mais, dans les créneaux que je viens de mentionner, l'appui collectif s'avère quand même indispensable. C'est aussi le cas pour assurer à nos entreprises, comme à l'ensemble de la population, un accès à l'autoroute de l'information qui accroisse leur capacité de se développer et de faire face à la concurrence, dans la foulée des initiatives prises par le gouvernement au cours des dernières années. Pour réaliser ces objectifs, notre gouvernement poursuivra, sous la direction de notre collègue de la Culture et des Communications, les activités du Fonds de l'autoroute de l'information. J'annonce que le Fonds disposera de 20 000 000 $ additionnels pour chacune des trois années prochaines. Cette aide servira à soutenir des projets innovateurs susceptibles de développer des entreprises et de créer des emplois dans le domaine des technologies de l'information. Elle contribuera à améliorer la compétitivité des entreprises, particulièrement des PME en région, le ministère de l'Industrie et du Commerce participant à l'émergence de ces projets prometteurs. L'entrée des jeunes sur le marché du travail présente parfois d'énormes difficultés. Nous avons voulu, dans ce budget, leur accorder une attention particulière, par notre orientation générale tout d'abord, qui est de réduire l'endettement collectif qu'ils auront à assumer, mais aussi par des mesures dont ils seront les premiers bénéficiaires. Notre gouvernement compte énormément sur le développement des capacités d'entrepreneurship des Québécois et des Québécoises pour stimuler la création d'emplois. Nous savons que ce talent est particulièrement répandu chez les jeunes. À preuve, les moins de 35 ans ont créé près de la moitié des quelque 10 000 nouvelles entreprises mises en marche avec l'aide du plan Paillé, lancé par le député de Prévost. Rappelons que ces nouvelles entreprises auront contribué d'ici trois ans à la création de 52 000 emplois; 10 000 entreprises, 52 000 emplois, voilà un succès phénoménal! Cet élan doit être poursuivi et encouragé. Je propose donc aujourd'hui d'aller plus loin pour soutenir l'entrepreneurship au Québec et en particulier celui des jeunes. C'est ainsi que le budget annuel du programme Jeunes promoteurs sera augmenté de 2 500 000 $ au cours des trois prochaines années. En outre, le plafond de 100 000 $, qui limite présentement le coût des projets admissibles, sera éliminé. De plus, j'annonce qu'à compter d'aujourd'hui toutes les nouvelles petites et moyennes entreprises bénéficieront d'un congé fiscal de trois ans en matière de cotisation au Fonds des services de santé. Désormais, donc, aucun impôt ne sera exigé d'une nouvelle petite entreprise pendant ses trois premières années d'existence. Par ailleurs, tous les intervenants en démarrage d'entreprises sont unanimes à reconnaître les défis que doivent relever les entreprises nouvellement créées. Elles ont besoin d'un soutien technique et financier pour traverser leur première phase de croissance. D'une part, j'annonce l'octroi de ressources additionnelles de 2 500 000 $ annuellement pour trois ans aux services d'aide aux jeunes entrepreneurs, les SAJE, que nous avons créés en 1985 et qui ont connu un très grand succès. Avec ce budget, ils pourront assurer le suivi adéquat d'un plus grand nombre d'entreprises dans toutes les régions du Québec. D'autre part, une enveloppe de garanties de prêts de 20 000 000 $ sera consacrée par la SDI à des entreprises particulièrement montantes et dynamiques ayant déjà bénéficié de notre plan de démarrage d'entreprises et ayant atteint les objectifs de leur plan d'affaires initial. Nous leur viendrons ainsi en aide à une étape de leur croissance où le financement est souvent difficile à obtenir. Cela s'appelle reconnaître l'excellence. Je désire en outre simplifier la vie aux personnes qui souhaitent démarrer une entreprise. C'est pourquoi j'ai demandé à la Fondation québécoise de l'entrepreneurship et à son président, M. Paul-Arthur Fortin, de procéder, avec notre aide, à la création d'un groupe de vigie de la réglementation relative au démarrage des entreprises. Notre gouvernement entend de plus poursuivre ses efforts pour faciliter l'intégration des jeunes au marché du travail. Rappelons que le Québec s'est doté d'un crédit d'impôt pour les stages en entreprise dont le mérite est d'établir des ponts entre l'école et l'emploi. J'annonce qu'il sera élargi pour couvrir les stagiaires inscrits au secondaire dans des cheminements particuliers de formation qui visent l'insertion sociale et professionnelle des jeunes. Enfin, nous bonifierons le Programme de soutien à l'emploi stratégique, le fameux PSES, qui facilite l'insertion dans les entreprises de personnel scientifique et technologique, en grande partie des jeunes diplômés. C'est un programme qui a fait ses preuves mais qui devait prendre fin. Il sera prolongé, et les crédits nécessaires seront accordés pour créer 600 emplois additionnels en 1996-1997. L'État, on le sait, se doit de créer un environnement favorable au développement des PME, parce qu'elles sont les plus grandes créatrices d'emplois. La réglementation impose aujourd'hui des exigences énormes aux PME, sous forme de permis à obtenir, de paperasse à remplir, de délais d'autorisation et de contrôles à subir. Ce fardeau nuit à la compétitivité des petites et moyennes entreprises et décourage l'entrepreneurship et la création d'emplois. Notre gouvernement est fermement déterminé à supprimer les entraves injustifiées et à réduire au minimum les irritants administratifs, sans sacrifier cependant les grands objectifs d'équité, de santé, de sécurité et de protection des travailleurs, des consommateurs ou de l'environnement. J'annonce donc, à cet effet, notre engagement à éliminer d'ici deux ans un demi-million de permis et autorisations. Ainsi, la Régie du bâtiment éliminera environ 100 000 permis accordés annuellement pour des travaux en électricité. De son côté, la Régie des alcools, des courses et des jeux réduira de 32 000 à 24 000 le nombre de ses permis émis aux restaurants, épiceries, dépanneurs et bars. Dans le cadre de cette opération majeure d'allégement réglementaire et administratif, notre gouvernement fusionnera certains permis et instaurera des guichets uniques de perception des droits dans les ministères ou organismes concernés. C'est ainsi que le ministère des Transports, avec la collaboration de la Commission des transports du Québec et de la Société de l'assurance automobile du Québec, mettra en place un guichet unique qui facilitera la vie aux transporteurs. Par ailleurs, les délais actuels pour obtenir un certificat d'autorisation en vertu de la Loi sur la qualité de l'environnement retardent les projets d'implantation, d'expansion ou de modernisation de nombreuses entreprises. Mon collègue le ministre de l'Environnement et de la Faune a pris les dispositions nécessaires pour remédier à la situation. Dorénavant, la plupart des certificats d'autorisation seront délivrés dans un délai maximal de 90 jours suivant le dépôt de la demande, sauf pour les projets nécessitant une expertise technique particulière et ceux assujettis à la procédure d'examen et d'évaluation des impacts sur l'environnement. De plus, notre gouvernement a entrepris un effort particulier pour simplifier l'aide aux entreprises: il s'agit d'éviter le cumul d'aide et les situations de chevauchement entre les programmes. Les entreprises ne se perdront plus dans des dédales administratifs. Soulignons, par exemple, qu'avec cette réforme le nombre de programmes d'aide passe de 125 l'an dernier à 36 cette année. Les choix budgétaires ont été difficiles, mais je suis heureux de dire qu'ils ont permis de préserver tout le soutien nécessaire aux petites et moyennes entreprises. La Société de développement industriel sera réformée dans le même esprit. J'annonce aujourd'hui que le nombre de programmes de la SDI passera de huit à deux, l'un pour les entreprises, l'autre pour les coopératives. La Société s'occupera en priorité des PME en croissance et de la création de nouvelles entreprises. Désormais, ses interventions se feront principalement sous forme de garanties de prêts plutôt que de prêts participatifs. Ainsi, l'intervention gouvernementale en faveur des PME sera basée sur un partage de risque avec les institutions financières. Ces dernières, grâce à leur réseau de succursales, rapprocheront donc la SDI des entreprises dans toutes les régions du Québec. Le gouvernement du Québec procède actuellement à la révision de sa politique en science et en technologie, ce qui n'avait pas été fait depuis 1982, c'est-à-dire depuis la publication du «Virage technologique». Les orientations de la nouvelle politique seront dévoilées en juin prochain, après consultation du Conseil de la science et de la technologie. Toutefois, parce que certains volets du crédit d'impôt pour la recherche et le développement viennent à échéance le 31 décembre 1996, je me dois d'informer immédiatement les milieux industriels et scientifiques des règles qui s'appliqueront. Je confirme donc dès maintenant que le crédit d'impôt pour la recherche et le développement demeurera la pierre angulaire de notre stratégie d'intervention en matière de science et de technologie. J'annonce qu'à compter d'aujourd'hui le crédit d'impôt pour la recherche et le développement deviendra permanent, qu'il sera pleinement remboursable et qu'il sera bonifié à l'intention des entreprises de taille moyenne. En effet, pour les entreprises qui effectuent la recherche et le développement à l'interne, le taux de 40 % n'est présentement octroyé qu'à celles dont l'actif est inférieur à 25 000 000 $. Les autres ont droit à 20 %. À l'avenir, les entreprises de taille moyenne bénéficieront de taux de crédit d'impôt qui s'échelonneront de 20 % à 40 % lorsque leur actif s'établira entre 50 000 000 $ et 25 000 000 $. Ces mesures permettront notamment d'appuyer les efforts de la Société générale de financement pour implanter ici une industrie de fabrication de semi-conducteurs ainsi que des industries connexes du domaine de la microélectronique. Les vignerons québécois ont prouvé que l'on pouvait, par de courageux efforts et de judicieuses techniques, produire ici du vin, et qu'il pouvait être justifié d'appeler autrefois l'île d'Orléans l'île de Bacchus. Sans avoir la prétention de faire du Québec une puissance vinicole, ce budget apporte des modifications qui visent à leur donner un meilleur accès aux marchés de consommation. Ainsi, les consommateurs pourront déguster sur place les produits des producteurs artisans et des microbrasseurs sans que ces derniers soient obligés d'obtenir un permis de restaurant. Les producteurs artisans pourront également vendre leurs produits aux établissements accrédités de leur région touristique et lors d'événements régionaux à caractère agroalimentaire sans devoir subir la majoration appliquée par la Société des alcools. Il ne manquerait plus, après l'aide que nous apportons aujourd'hui au vin, que le gouvernement fédéral, en une grossière atteinte au bon goût, nous coupe le fromage... ...et vienne faire disparaître plus d'artisans fromagers que nous n'allons créer d'artisans vignerons. Ce budget apporte aussi un soutien particulier aux exportateurs. Notre économie, nous le savons, est résolument tournée vers l'extérieur. C'est ainsi que les exportations internationales de marchandises sont passées de 17 % du PIB à 28 % au cours des cinq dernières années. Actuellement, 3 000 PME manufacturières québécoises exportent. C'est peu par rapport à des économies de taille comparable comme la Suède ou la Finlande. Notre gouvernement s'est donc donné comme objectif d'amener 2 000 nouvelles PME à exporter d'ici l'an 2000. Nous entendons cibler en priorité les PME, mais sans oublier, on le verra, les besoins spécifiques des autres entreprises, même des grandes, d'autant plus que leurs succès rejaillissent sur les PME sous-traitantes qui exportent par leur intermédiaire. J'annonce tout d'abord qu'avec la collaboration de la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce je procéderai à une reconfiguration des services offerts aux exportateurs. À la base, il s'agit de pousser au maximum le travail de sensibilisation pour intéresser plus d'entreprises à l'exportation. Ce travail s'appuiera sur les bureaux régionaux du ministère et sur les commissaires à l'exportation en région, donc le plus près possible de ceux que nous voulons rejoindre. De plus, nous mettrons en place un système informatisé de gestion de l'information nécessaire aux exportateurs. À ce niveau, le gouvernement créera une porte d'entrée unique pour toutes les entreprises désirant avoir accès à son expertise et à ses services en commerce international. À l'étranger, on sait qu'à notre grand regret nous avons dû fermer 13 des représentations du Québec. Nous utiliserons désormais des moyens plus modestes, mais aussi plus novateurs: formation d'un réseau de personnes-contacts à l'étranger chargées sur base contractuelle de représenter nos intérêts, participation accrue à des missions et à des expositions à l'étranger, partage de locaux et de moyens avec le gouvernement fédéral et l'entreprise privée. C'est ainsi que nous avons négocié une entente de collaboration avec la Banque Nationale du Canada pour les postes d'Atlanta, de Boston, de Chicago, de Los Angeles et de Milan et une autre avec la Caisse de dépôt et placement du Québec pour le Viêt-nam. Le député de Richelieu et ministre des Relations internationales nous aidera à poursuivre dans cette voie, pour maintenir la présence québécoise à l'étranger sur de nouvelles bases, mais au même niveau d'intensité qu'auparavant. En ce qui concerne notre entente avec la Banque Nationale, les bureaux que je viens d'énumérer seront ouverts demain matin pour faire affaire avec la clientèle. Pour accroître les exportations, la présence de personnel qualifié constitue un préalable pour sensibiliser et préparer les entreprises ayant peu d'expérience dans ce domaine. Nous encourageons donc les entreprises à recruter des experts en marketing international en ajoutant un volet au programme PSES. Nous favoriserons l'embauche de commissaires à l'exportation dans les associations sectorielles et dans les régions qui en expriment le besoin, pour ajouter aux sept postes que nous avons créés depuis 15 mois. Nous organiserons des stages au Bureau de promotion des exportations pour les diplômés en commerce international. Un autre volet majeur de notre politique concerne le financement. Tous les pays exportateurs sérieux appuient leurs entreprises avec des organismes de financement. Nous devons nous assurer que nos entreprises seront aussi bien, voire mieux placées que n'importe quel concurrent dans le monde. J'annonce donc la création, au sein de la Société de développement industriel, d'une entité spécialisée, vouée spécifiquement au financement des exportations, qui agira en complémentarité avec les organismes fédéraux déjà à l'œuvre dans ce domaine. Cette entité pourra garantir annuellement 50 000 000 $ de prêts, ce qui permettra de soutenir pour 1 000 000 000 $ d'exportations sur trois ans et de créer ou maintenir des milliers d'emplois. Les mesures que j'annonce aujourd'hui pour favoriser les exportations nécessiteront des crédits additionnels de 18 000 000 $ en 1996-1997 et de 23 000 000 $ en 1997-1998. Par ailleurs, partout dans le monde les pays appuient leur industrie aéronautique, généralement en facilitant l'obtention d'un financement avantageux aux acheteurs des appareils qu'elle fabrique. Nous devons donner à l'industrie aéronautique québécoise, dont l'importance est stratégique pour le développement économique de Montréal en particulier, les moyens de lutter à armes égales. J'annonce donc la mise en place prochaine d'un montage financier, établi en partenariat avec le secteur privé, qui facilitera la vente d'appareils construits au Québec et le maintien de nombreux emplois de grande qualité. Sans incidence budgétaire à court terme et à moyen terme, l'instrument financier que nous avons développé permettra à une entreprise bien de chez nous de vendre jusqu'à 75 appareils, d'une valeur totale de 1 800 000 000 $. Nous faisons des avions depuis longtemps, mais des bateaux depuis toujours. Cependant, on ne le sait que trop, l'industrie de la construction navale du Québec peut de moins en moins compter sur le gouvernement fédéral. C'est pourquoi le présent budget vient mettre en place une véritable politique maritime qui permettra au Québec de tirer son épingle du jeu sur les marchés internationaux. J'annonce tout d'abord l'instauration d'un nouveau crédit d'impôt pour la construction de navires dans les chantiers maritimes du Québec. De plus, je confie à la SDI le soin d'administrer un programme de soutien financier pour l'acquisition de navires construits au Québec, qui s'inspire de celui appliqué avec succès par les États-Unis. Ces navires donneront aussi droit à un congé de taxe sur le capital s'ils sont utilisés pour le commerce international. Enfin, j'annonce la mise en place d'un congé fiscal pour les marins québécois qui travaillent sur un navire affecté au marché international. Il ne sera pas dit que le Québec a oublié qu'il est le pays du «fleuve aux grandes eaux». Par ailleurs, attirer ici des entreprises transnationales constitue très souvent une excellente façon de créer des emplois: non seulement des emplois directs, mais aussi une foule d'emplois indirects grâce à l'impact de leur technologie, leur dynamisme et leurs achats dans nos PME. Une des faiblesses du Québec dans la prospection des investissements est la multiplicité des répondants, dont beaucoup ne peuvent réagir en temps utile faute de réels pouvoirs de décision. Un investisseur éventuel doit se débrouiller tout seul à travers le dédale des ministères et organismes susceptibles de lui fournir de l'aide ou exiger de lui un permis, un droit ou une redevance. Pour y remédier, j'annonce la création d'une équipe de choc qui prospectera des investissements étrangers, sous la responsabilité du ministère de l'Industrie et du Commerce, et qui pourra prendre des engagements au nom du gouvernement. Nous lui fournirons les instruments de travail les plus modernes. Les informations nécessaires seront disponibles sur support électronique et évidemment sur le réseau Internet, pour nos représentants comme pour leurs interlocuteurs. Tout bon vendeur qui va voir un client sait que, pour conclure la vente, il doit avoir tous ses dépliants dans sa valise. Nos émissaires à l'étranger auront dans la leur toute l'information nécessaire pour vendre aux investisseurs le potentiel et les attraits du Québec. Nous aurons alors complété la valise diplomatique par une valise économique. On sait que la qualité des infrastructures de transport constitue un élément stratégique pour toute économie ouverte vers l'extérieur. À ce titre, il est essentiel de disposer d'un réseau routier adéquat et sécuritaire. Après concertation avec notre collègue des Transports, une enveloppe additionnelle de 75 000 000 $ par rapport à ce qui était prévu dans le livre des crédits sera ajoutée au budget du nouveau fonds spécial de conservation et d'amélioration du réseau routier. On doublera ainsi le nombre de kilomètres de route faisant l'objet de travaux. La création du fonds spécial et les travaux routiers supplémentaires annoncés aujourd'hui constituent donc une première étape vers l'élaboration d'un plan d'investissement visant à doter le Québec d'un réseau routier de la qualité requise pour favoriser le commerce et les déplacements. L'agriculture constitue une industrie d'importance majeure dans plusieurs régions du Québec. C'est pourquoi le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation mettra en place un programme de garantie de prêt aux coopératives de producteurs de bovins de boucherie. Cette mesure augmentera l'autonomie et la diversification des entreprises agricoles tout en favorisant le développement régional. L'industrie minière est, elle aussi, stratégique pour plusieurs régions du Québec. C'est pourquoi j'annonce la prolongation pour deux ans du régime des actions accréditives, qui vise à faciliter son financement. De plus, je suis heureux d'annoncer que, dorénavant, l'aide fiscale accordée à l'exploration pétrolière et gazière sera bonifiée pour l'amener au même niveau que l'aide à l'industrie minière, la déduction passant de 125 % à 175 %. Certaines régions du Québec font face à d'importantes difficultés. Dans ces milieux économiquement faibles, un coup de pouce bien adapté à certaines initiatives peut créer un impact significatif. J'annonce donc que le ministre responsable du Développement des régions disposera de 15 000 000 $ additionnels sur trois ans pour appuyer des projets créateurs d'emplois dans les villes, municipalités et quartiers défavorisés du Québec. D'autres régions s'en tirent par ailleurs très bien. Un certain nombre de localités, misant sur leurs ressources et leurs compétences, ont réussi à enclencher et à soutenir un processus de développement dynamique qui les amène parfois même au plein emploi. Il existe certainement des facteurs communs pour expliquer leur succès. À ma demande, M. Jacques Proulx, président de Solidarité rurale, a accepté de mettre en place un groupe de travail qui identifiera ces facteurs de succès et proposera des moyens concrets d'en faire bénéficier le plus grand nombre possible de communautés locales et de dépister les projets en gestation. Cette opération appelée «Villages prospères» vise à rendre contagieuse la réussite des communautés locales qui ont éliminé le chômage. La région la plus importante pour le développement économique du Québec est celle de Montréal. La table de travail particulière sur Montréal, issue de la conférence de Québec, servira, en ce sens, le Québec tout entier. Le ministre d'État à la Métropole, dont la nomination fut si positivement saluée, est parfaitement placé pour appuyer ces travaux. C'est pourquoi nous proposons un projet de loi par lequel le ministre agira comme catalyseur et rassembleur dans toutes les actions concernant la métropole. Il disposera des moyens d'assurer la cohérence des actions gouvernementales et le pouvoir d'élaborer des orientations politiques favorables à son épanouissement. On se souviendra que le concept d'une place financière internationale à Montréal est né en 1982 d'une concertation entre le monde des affaires et le gouvernement du Québec pour relancer le rôle de Montréal comme pôle financier. Les centres financiers internationaux permettent d'effectuer des transactions financières à caractère international en bénéficiant de certains privilèges fiscaux. On peut maintenant se féliciter du fait que les 38 CFI accrédités actuellement emploient 400 personnes. Mais il faut donner un second souffle à ce concept pour canaliser vers Montréal le plus d'activités financières possible et pour que s'y développent diverses expertises dans le domaine financier. C'est pourquoi je déposerai prochainement un projet de loi relatif aux centres financiers internationaux. Non seulement nous allons élargir et mieux cibler les activités qui peuvent être porteuses d'avenir pour le développement de Montréal, mais nous allons préciser les règles d'application aux centres financiers internationaux et mieux encadrer leur fonctionnement. Cet exercice sera également l'occasion de réaménager la fiscalité qui les régit pour qu'elle encourage plus fortement le développement et le maintien d'activités financières à caractère international à Montréal. Ce projet ne produira cependant les dividendes escomptés que si, contrairement à ce qui s'est passé il y a 10 ans, le gouvernement fédéral accorde cette fois-ci toute sa collaboration au niveau de la fiscalité et de la réglementation des institutions financières. Comme je l'ai souligné précédemment, c'est tout le Québec qui, au cours des prochains mois, doit s'engager dans un effort confiant et optimiste de lutte au chômage. Le chantier sur l'économie et l'emploi, inauguré lors de la conférence de Québec, ainsi que les trois tables de travail formées à cette occasion constituent des manifestations concrètes de notre volonté commune de créer des emplois. Nous savons gré à MM. Béland, Bérard et Coutu et à Mme Neamtan d'avoir accepté de servir la nation en assumant leurs présidences respectives. Ce budget vient ouvrir une voie que nous croyons prometteuse pour l'une de ces tables en particulier. Notre société subit des transformations profondes qui créent de nombreux besoins en matière de services à domicile tels que l'entretien ménager, la garde d'enfants ou de parents âgés et les tâches généralement associées au maintien à domicile. Mais les mécanismes traditionnels de l'économie de marché sont mal adaptés à la création des emplois permettant de répondre à ces nouveaux besoins. Actuellement, ils sont comblés tantôt par le bénévolat, tantôt par des emplois précaires, tantôt par du travail au noir. Les participants à la conférence de Québec ont reconnu l'importance de corriger les faiblesses et de capitaliser sur les forces de ce secteur en gestation, l'économie sociale, en créant un table de concertation sur la question. Notre gouvernement entend soutenir ces travaux en proposant un moyen concret pour faciliter la création d'emplois dans ce secteur: le chèque emploi service, qui est à la fois un mode de paiement très simplifié pour l'employeur et un instrument de couverture sociale pour l'employé. Nous croyons que beaucoup de contribuables qui emploient au noir un jardinier ou une gardienne, par exemple, ne tiennent pas à frauder le fisc mais veulent surtout éviter les tracasseries administratives liées au statut d'employeur. Le chèque emploi service, tel qu'il fonctionne avec succès en France, est aussi simple à utiliser qu'un chèque en deux volets: l'employeur paie son employé avec la première partie du chèque, établie au montant de son salaire net; il remplit la deuxième partie du chèque en inscrivant simplement le nom, le numéro d'assurance sociale et la rémunération de l'employé et l'envoie à un centre de traitement qui joue pour lui le rôle d'un service de paie. C'est cette institution qui honore le chèque émis au salarié, calcule et verse au gouvernement les charges sociales, s'assurant ainsi que le travailleur bénéficie de la protection sociale qui en découle en matière d'accidents de travail, de chômage et de retraite. J'annonce, avec la collaboration d'institutions financières qui ont déjà accepté de participer au projet, que nous avons l'intention de mettre en place un mécanisme de ce type. Dans un premier temps, nous souhaitons le mettre dès cet automne à la disposition des personnes qui reçoivent du gouvernement une allocation de maintien à domicile. Ce chèque emploi service pourrait devenir rapidement un instrument majeur au service du développement de l'économie sociale, pour le plus grand bénéfice des groupes communautaires, des travailleurs impliqués et de ceux qui les emploient. L'allégement des exigences administratives facilitera la création d'emplois. En même temps, nous cesserons toute complicité, même indirecte, avec l'embauche de personnel au noir, évitant ainsi de rendre l'économie sociale antisociale. Voilà une piste, donc, pour les travaux de Mme Neamtan et de son groupe. Le grand chantier de l'économie et de l'emploi lancé à la conférence de Québec en explorera beaucoup d'autres qui lui sont suggérées de toutes parts. La Commission sur la fiscalité contribuera à réunir les conditions favorables à la création d'emplois, au partage du travail, et à libérer autant que possible les énergies créatrices des entreprises. Ce foisonnement d'idées et de réflexions débouchera au sommet de l'automne sur un plan d'action qui enclenchera une série de réformes et de réajustements pour faire reculer le chômage partout au Québec. Pour nous, souverainistes, l'assainissement des finances publiques, ce n'est pas une fin en soi, c'est un passage obligé pour continuer sur la voie du progrès collectif. Nous sommes en politique parce que nous aimons notre patrie, nous souhaitons la faire entrer dans le concert des nations et nous voulons que tous ses enfants puissent se réaliser dans la dignité. La création et le partage de l'emploi sont une condition de cette dignité. La préservation des solidarités sociales en est une autre. Nous allons faire le grand ménage dans les finances publiques pour que l'argent disponible serve à investir dans l'emploi et non à financer le déficit; pour que l'impôt ne s'alourdisse pas au point de tuer l'emploi; pour que la menace des décotes et des compressions budgétaires à répétition cesse d'assombrir notre avenir et celui de nos enfants. Éliminer le déficit ne nous obligera pas à démanteler nos solidarités essentielles, au contraire. Passer en revue toute la fiscalité, par exemple, doit être une occasion de faire progresser l'équité et la justice sociale. Nous avons devant nous deux années budgétaires pénibles à traverser. Elles testeront le modèle québécois. Le Québec tout entier peut en sortir gagnant, plus dynamique, plus performant, plus solidaire et mieux préparé encore à assumer sa pleine souveraineté. Je propose donc que l'Assemblée nationale approuve la politique budgétaire du gouvernement. Merci, M. le Président.