Province Législature Session Type de discours Date du discours Locuteur Fonction du locuteur Parti politique Québec 35e 1re Discours sur le budget 9 mai 1995 M. Jean Campeau Ministre des Finances et ministre du Revenu PQ M. Campeau : Merci, M. le Président. Lorsque les Québécoises et les Québécois ont élu une nouvelle équipe de gouvernement, le 12 septembre dernier, ils ont voulu qu'un souffle nouveau anime la gestion de leurs affaires. Ils s'attendent à ce que notre équipe fasse preuve de réalisme et de rigueur, qu'elle ne manque pas d'imagination et surtout qu'elle respecte la parole donnée. En campagne électorale, nous avions pris l'engagement d'éliminer dans deux ans le déficit des opérations courantes, c'est-à-dire de cesser d'emprunter pour payer les dépenses d'épicerie. Nous avions pris l'engagement de le faire sans augmenter les impôts des particuliers, qui sont déjà élevés. Ces engagements, nous les avons pris sur la base de prévisions qui nous indiquaient que le déficit de l'an dernier serait de 4 400 000 000 $. À notre arrivée au pouvoir, nous avons découvert qu'il se dirigeait vers 6 100 000 000 $. Mais nous avons décidé de maintenir nos engagements. Pour y arriver, nous allons réduire cette année, pour la première fois depuis 25 ans, les dépenses de programmes de l'État. Nous réaliserons un effort supplémentaire de réduction de 500 000 000 $ l'an prochain et, l'année suivante, d'un autre 500 000 000 $. Dans deux ans, nous dépenserons 5 000 000 000 $ de moins que si nous n'avions pas pris ces mesures. En plus, nous allons nous assurer de la perception intégrale de tous nos revenus. Nous allons intensifier nos efforts et poursuivre notre lutte acharnée contre le travail au noir, contre la contrebande, contre les jeux illégaux. Enfin, pour réduire rapidement le déficit, nous devons aussi, mais cela pour une courte période seulement, demander un effort particulier aux grandes entreprises. Avec les mesures de ce budget, nous aurions normalement réduit le déficit à 800 000 000 $ en 1997-1998. Nous aurions non seulement atteint l'objectif d'éliminer le déficit des opérations courantes, mais, mieux encore, nous aurions dégagé un important surplus. Toutefois, il nous faut maintenant faire face aux impacts négatifs du dernier budget fédéral, qui atteignent près de 2 500 000 000 $ en 1997-1998. Malgré cela, nous allons quand même tenir notre engagement de cesser d'emprunter pour des dépenses courantes. Dans le cadre du système fédéral actuel, nous n'aurions d'autre choix, pour combler cet écart et atteindre notre objectif, que de remettre en question des pans complets de services à la population. Mais, pour ne pas affecter des éléments essentiels de nos programmes, une hausse des taxes et des impôts des particuliers apparaît incontournable. Le choix que nous proposons plutôt aux Québécoises et aux Québécois est de faire la souveraineté du Québec, M. le Président, de faire cette souveraineté pour bénéficier des multiples avantages qui y sont associés, entre autres d'avoir enfin le plein contrôle de leurs impôts et taxes. Dans ce contexte, je suis fier de présenter aujourd'hui le budget le plus rigoureux de l'histoire contemporaine du Québec. D'un seul coup, nous réduisons d'un tiers le déficit record dont nous avons hérité. Nous le faisons tout en relançant l'emploi et les régions, tout en réduisant la paperasse gouvernementale et sans augmenter les impôts des particuliers. Je soumets donc un budget qui a des dents, mais un budget qui a aussi du cœur. Nous allons assainir les finances publiques tout en poursuivant une politique économique qui relève le défi de l'emploi et une politique sociale active, car nous savons que les Québécois ne peuvent plus tolérer les taux de chômage que nous connaissons encore. Nous savons qu'ils ne veulent plus d'un Québec cassé en deux: riches d'un bord et pauvres de l'autre. Nous savons également que les Québécois ne veulent plus de promesses brisées, de prévisions budgétaires non rencontrées ou d'impôts rétroactifs. Ils ne veulent plus d'un gouvernement qui regarde l'économie à travers des lunettes roses ou qui sacrifie le bien commun sur l'autel d'intérêts particuliers. Ils veulent la vérité dans les chiffres et la responsabilité dans les choix. Or, chacun sait qu'il y a bien des façons d'escamoter ses responsabilités. Il est possible d'oublier les régions, d'ignorer les jeunes et de ne rien faire pour améliorer la qualification des gens et leur intégration au marché du travail. Nous ne le ferons pas, M. le Président. Il est possible d'augmenter les dépenses même quand notre situation d'endettement exige de les réduire. Le gouvernement précédent l'a fait; nous, nous ne le ferons pas. Il est possible de se décharger d'une partie de son déficit en le pelletant dans la cour d'un autre palier du gouvernement. Le gouvernement fédéral l'a fait en nous refilant une partie de ses factures, le précédent gouvernement du Québec l'a fait en refilant ses factures aux municipalités; nous, nous ne le ferons pas. Nous pensons plutôt qu'il est de notre devoir d'agir résolument sur plusieurs fronts à la fois. C'est pourquoi ce budget vient changer la réalité québécoise sur quatre plans: la relance de l'emploi, l'équité fiscale, la simplification administrative et la réduction du déficit. Je veux, par conséquent, vous annoncer que, premièrement, en matière d'emploi, ce budget: favorise le développement de la petite et de la moyenne entreprise; relance l'investissement régional et sectoriel pour la création d'emplois nouveaux; incite les entreprises à jouer pleinement leur rôle en matière de formation de la main-d’œuvre; investit dans la science et la technologie, et accentue nos efforts de construction d'un pont solide entre les jeunes et le marché de l'emploi. Deuxièmement, en matière d'équité fiscale, ce budget fait en sorte que tous paient leur dû à l'État, et ce budget s'attaque à plusieurs abris fiscaux. Troisièmement, en ce qui concerne la simplification administrative, ce budget soulage les entreprises, par exemple en leur faisant remplir 1 400 000 formulaires de moins par année pour l'administration des taxes de vente au Québec. Et, quatrièmement, sur la question du déficit, ce budget, M. le Président, honore chacun de nos engagements. Dans deux ans, comme promis, le Québec n'empruntera plus pour payer l'épicerie. Fini le déficit des opérations courantes. Après avoir limité le déficit de l'an dernier à 5 700 000 000 $, nous le réduisons du tiers d'un seul coup cette année. Passer de 6 100 000 000 $ à 3 975 000 000 $ à notre premier budget, M. le Président, c'est un bon début. Enfin, comme promis, les particuliers québécois qui font déjà leur part ne seront pas victimes d'une nouvelle hausse d'impôt, ni active ni rétroactive. Laissez-moi vous expliquer maintenant comment nous allons, concrètement, mettre en œuvre ce programme. Au-delà de la gestion de l'État, des batailles de juridictions, du jeu des équilibres financiers, au-delà des chiffres, M. le Président, il y a les personnes, les femmes et les hommes qui, chaque jour, dans tous les milieux, construisent le Québec par leur travail. Il y a les femmes et les hommes, par centaines de milliers, qui veulent participer aussi à cet effort collectif, mais qui sont sans emploi, sans espoir. C'est pour les gens que nous sommes ici, M. le Président. C'est parce que nous ne pouvons tolérer les drames humains provoqués par le chômage. Nous ne pouvons tolérer le désespoir de beaucoup de jeunes qui pensent ne jamais avoir les moyens de fonder une famille, d'acheter une maison ou un appartement. Pour notre génération, c'était pratiquement une certitude de pouvoir le faire; pour la leur, c'est, trop souvent, un mirage. Nous ne pouvons tolérer non plus la déception de beaucoup de travailleurs plus âgés qui perdent leur revenu et voient se briser leurs projets de retraite. Ma collègue, la ministre d'État à la Concertation et ministre de l'Emploi, est à définir la stratégie de plein-emploi que le gouvernement entend réaliser de concert avec ses partenaires. Il ne fait aucun doute que l'atteinte du plein-emploi sera facilitée lorsque le Québec disposera de tous ses pouvoirs économiques. Entre-temps, notre gouvernement entend utiliser tous les instruments dont il dispose pour inscrire dès à présent le Québec sur une trajectoire qui permette à tous ceux qui cherchent à décrocher un emploi d'en trouver un. D'ailleurs, nous avons déjà commencé à remettre le Québec au travail. Les choses se sont mises à bouger. Les ministres et les délégués régionaux ont affiché une énergie et une détermination remarquables. Partout où nous disposons des leviers nécessaires, nous agissons pour accélérer la création d'emplois. Le ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie a mis sur pied le Plan de démarrage d'entreprises, reposant sur des garanties du gouvernement pour des prêts consentis par les institutions financières. Ce Plan a permis de créer au Québec, en cinq mois, 4 600 entreprises qui vont procurer 25 000 emplois nouveaux aux Québécois, avec des investissements de 425 000 000 $. Ces chiffres pourraient doubler d'ici la fin de l'année. À cela, M. le Président, s'ajoute l'investissement public de 500 000 000 $ du ministère des Affaires municipales pour l'assainissement des eaux du Québec. S'ajoutent aussi des dépenses et des investissements de 964 000 000 $ d'ici deux ans pour le transport dans la région de Montréal. Et c'est sans compter le retour des investissements non résidentiels du secteur privé. À ce chapitre, les intentions d'investissement sont en hausse de 9,6 % par rapport à l'an dernier, ce qui est extrêmement encourageant. Je ne citerai que trois exemples de taille, dont deux concernant des investissements du secteur minier dans le Nord du Québec. Notre gouvernement est très fier d'avoir réuni les conditions nécessaires pour la réalisation de ces investissements totalisant deux tiers de milliard de dollars: ceux du projet Raglan de Falconbridge et ceux de Troilus. Ils créeront 4 650 emplois dans la phase de construction et 1 165 emplois permanents. Le ministre des Ressources naturelles et moi-même avons aussi négocié une entente entre le gouvernement et Donohue Matane pour la réouverture de l'usine de pâte de Matane. Cela permettra d'ajouter 265 emplois dans une région durement touchée par le chômage. Bientôt, une troisième société vouée au financement et à la diffusion de la technologie, la Société Innovatech du sud, sera en opération. Le fait est, M. le Président, que, depuis notre arrivée au pouvoir en septembre dernier, la création d'emplois a connu un élan remarquable. Les Québécois sont les premiers à en bénéficier. Mais on conviendra tous qu'il faut faire davantage. L'automne dernier, nous avons déplafonné les montants que les contribuables pouvaient souscrire au Fonds de solidarité des travailleurs du Québec, pour redonner ses moyens à ce remarquable instrument de création d'emplois. Quand nous avons retiré ce plafond que nos prédécesseurs avaient imposé, c'était à la condition que le Fonds réinvestisse en région une partie des sommes recueillies. Les Québécois ayant répondu avec enthousiasme à cette mesure, le Fonds dispose maintenant des liquidités suffisantes. Je suis heureux d'annoncer aujourd'hui que, grâce aux efforts conjugués du gouvernement québécois et du Fonds de solidarité des travailleurs du Québec, une somme de 100 000 000 $ sera disponible, au cours de la prochaine année, pour la création d'emplois dans les régions du Québec. Le gouvernement du Québec et le Fonds de solidarité s'associent pour créer 16 fonds régionaux de capital de risque. Les conseils d'administration de ces fonds seront formés majoritairement de représentants régionaux. Ils auront les ressources et les pleins pouvoirs pour choisir et autoriser les investissements les plus créateurs d'emplois dans leurs régions respectives. Dès l'ouverture de leurs locaux, ils disposeront chacun d'une somme de départ de 6 000 000 $. Nous entendons aussi accélérer l'investissement dans deux secteurs clés de notre économie, qui connaissent en ce moment une relance dont il faut profiter au maximum et qui sont créateurs d'emplois dans les régions: la forêt et les mines. Une somme de 97 500 000 $ sera injectée d'ici trois ans dans un plan de mise en valeur de la forêt. Dès cette année, 27 500 000 $ seront investis, en partenariat avec les milieux régionaux et l'industrie forestière, sous la responsabilité de mon collègue le ministre des Ressources naturelles. Cette initiative générera environ 7 400 emplois pendant ces trois années dans les régions du Québec. On trouvera plus de détails sur ce plan dans l'annexe sur les mesures fiscales et budgétaires qui fait partie intégrante du présent discours. Pour ce qui est des ressources minérales, nous aiderons les petites entreprises à mettre en exploitation les gisements qu'elles découvrent. Nous les aiderons, par conséquent, à créer des emplois en leur donnant accès à un nouveau crédit d'impôt dont les modalités sont en voie d'élaboration. En plus de ces mesures majeures, j'annonce aujourd'hui une série d'actions ponctuelles et multiformes qui permettront de donner de l'élan à plusieurs secteurs d'activité. D'abord, dans le but de soutenir les différentes formes d'activités des organismes communautaires qui jouent un rôle irremplaçable dans notre société, le présent budget vient confirmer l'octroi d'une somme égale à 5 % des profits des casinos d'État pour le financement du Secrétariat à l'action communautaire dont la création a récemment été annoncée par le premier ministre. Le Secrétariat aura notamment comme mission de faciliter l'accès des organismes communautaires aux ressources gouvernementales. Le montant prévu à ce titre pour cette année est de 9 000 000 $. Quatorze autres initiatives visent à redonner du tonus à l'économie, donc à la création d'emplois. Ainsi, la Confédération des syndicats nationaux, la CSN, s'apprête à mettre sur pied un fonds de travailleurs dont l'objectif est de créer des emplois et d'investir dans les PME québécoises. Ce budget prévoit un crédit d'impôt égal à 20 % des sommes placées par les contribuables dans ce fonds. Le gouvernement fédéral devrait normalement accorder le même avantage. En matière de centres d'appels, il est clair que le précédent gouvernement avait pris un retard important par rapport à celui du Nouveau-Brunswick. Mon collègue de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie a déjà entrepris, avec le milieu industriel québécois, un plan d'action pour mettre en valeur les nombreux avantages concurrentiels du Québec, notamment en matière de main-d’œuvre, en matière de localisation et en matière d'équipements. En plus, dès minuit ce soir, les achats de services de téléphone 1-800 donneront droit à un plein remboursement de la TVQ payée à leur égard. Nous favorisons l'industrie de la construction résidentielle, en bonifiant le programme Premier toit. En échange de l'engagement de l'industrie à construire une nouvelle unité pour remplacer chaque unité d'inventaire vendue dans le cadre de ce programme, j'annonce que toutes les maisons neuves respectant les autres critères du programme y seront dorénavant admissibles. Nous appuyons les entreprises québécoises de camionnage, présentement désavantagées par rapport aux transporteurs américains. Nous procédons à une refonte des charges à payer pour circuler sur le territoire québécois. De plus, dans le but de faciliter le transport interprovincial, nous invitons les provinces canadiennes à agir de la même façon. Après avoir allégé le fardeau administratif de l'industrie du camionnage avec l'adhésion récente à l'Accord international sur la perception des taxes sur les carburants, nous lui permettons de prendre une plus grande part des marchés. Nous travaillons présentement à l'expansion du réseau gazier en direction des Maritimes, via Rivière-du-Loup, et, ultérieurement, des réserves de l'île de Sable au large de la Nouvelle-Écosse. Il s'agit d'un investissement dépassant les 200 000 000 $, qui permettrait de faire du Québec une plaque tournante de ce réseau pour le nord-est du continent. Nous soutenons l'industrie agricole en injectant sur deux ans 10 000 000 $ de plus pour accélérer la résolution des problèmes de pollution par les fumiers. Dans le but de tenir compte de l'évolution du coût des investissements en agriculture, nous portons à 400 000 $ l'exemption actuelle de 300 000 $ de la taxe sur le capital pour les fermes. Nous venons en aide à une industrie en développement, celle des microbrasseries, en réduisant la taxe appliquée sur leurs produits. Nous accroissons le rayonnement des sociétés de placement dans l'entreprise québécoise: leur plafond d'investissement sera porté de 2 500 000 $ à 5 000 000 $. Pour les artistes, ce budget accorde une exemption annuelle, à l'impôt sur le revenu, de 15 000 $ sur les droits d'auteur. Il ne s'agit pas cependant d'alléger le fardeau de ceux qui ont des droits d'auteur substantiels. C'est pourquoi cette exemption devient nulle, par un mécanisme de réduction progressive, pour ceux qui ont des droits d'auteur de 30 000 $ ou plus par année. De plus, nous stimulerons l'activité dans le secteur culturel en y réinjectant les économies découlant de l'intégration à la réglementation fiscale de certaines dispositions du budget fédéral s'appliquant aux productions cinématographiques et télévisuelles. À cette fin, le gouvernement entend élargir le crédit d'impôt québécois en vue d'inclure la création et la production de contenus multimédias et la production d'émissions de type variétés et magazines. Nous dégageons des fonds de 13 000 000 $ sur trois ans pour créer à Québec une commission de la capitale nationale dont le mandat sera de promouvoir et soutenir le rôle de la capitale. Nous venons en aide, M. le Président, aussi, aux petites municipalités qui ont de sérieux problèmes d'eau potable ou de disposition des eaux usées. À cette fin, 13 000 000 $ sur trois ans sont alloués au programme d'aide aux infrastructures d'aqueduc et d'égout. Nous injectons 2 000 000 $ cette année et 5 000 000 $ par année, par la suite, dans des travaux de restauration du patrimoine religieux. C'est un domaine où il faut agir rapidement pour éviter que cette partie de l'héritage culturel du Québec se détériore à jamais. Enfin, nous remplaçons le mécanisme inefficace de réduction de la taxe sur les carburants pour venir véritablement en aide aux résidents de plusieurs régions du Québec. Le gouvernement accorde présentement des rabais de taxe sur les carburants qui, malheureusement, M. le Président, ne profitent pas aux résidents de ces régions. Ils servent plutôt aux compagnies pétrolières qui, dans bien des cas, encaissent le rabais sans réduire le prix du carburant. Ce mécanisme inefficace sera éliminé le 1er juillet prochain. Les compagnies pétrolières auront le temps de corriger leurs politiques de prix pour prévenir l'augmentation des prix à la pompe. En contrepartie, ce budget donnera un avantage réel aux résidents de ces régions. J'annonce donc une baisse de 50 $ des droits d'immatriculation pour les résidents de la plupart des comtés de l'Abitibi-Témiscamingue, du nord de l'Outaouais, du Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie, du Saguenay–Lac-Saint-Jean, de la Côte-Nord et du Nord-du-Québec. Par ailleurs, M. le Président, j'annonce une baisse de 25 $ de ces droits dans des régions un peu plus rapprochées des grands centres, à savoir le comté de Rimouski et certaines parties des comtés de Labelle, Laviolette, Pontiac et Gatineau. Ces réductions prendront effet le 1er novembre prochain, le temps de modifier les systèmes informatiques de la Société de l'assurance automobile du Québec. De plus, nous surveillerons étroitement l'évolution des marges de profit des compagnies pétrolières dans toutes les régions. Et, si, M. le Président, elles profitent des mesures annoncées dans ce budget pour augmenter leurs prix, de façon à maintenir les marges bénéficiaires qu'elles se sont appropriées à même les rabais de taxe consentis par le gouvernement, nous agirons pour mettre fin aux pratiques commerciales que nous jugerons déraisonnables. Je me suis penché aussi sur la question de la capitalisation du Mouvement Desjardins, un sujet auquel je suis sensible. À ce jour, les discussions que nous avons eues n'ont pas permis de trouver l'instrument de capital permanent auquel nous pourrions accorder un incitatif, afin de solidifier davantage l'assise de capitalisation du Mouvement. D'un autre côté, les institutions du Mouvement Desjardins ne sont pas assujetties à la taxe sur le capital comme les autres institutions financières. Actuellement, nous examinons ces deux questions et nous ferons part de nos décisions en temps opportun. L'ampleur du désastre dont nous avons hérité en matière de formation professionnelle n'a d'égale que la détermination qui nous anime de vouloir y remédier de façon décisive et durable. Depuis septembre, il ne s'est guère passé une semaine sans qu'un membre du gouvernement fasse avancer ce grand chantier. Il s'agit de faire en sorte que les entreprises et les institutions d'enseignement, les travailleurs et les étudiants, mettent en commun leurs ressources pour multiplier les efforts de formation professionnelle au Québec. Nous savons que le problème de la formation professionnelle commence avec celui du décrochage au secondaire. Trop de jeunes se retrouvent trop tôt dans la vie active sans le minimum de formation qui leur permettrait d'exercer un emploi à la mesure de leurs capacités et de leurs intérêts. C'est pourquoi le ministre de l'Éducation vient d'annoncer plusieurs initiatives pour revaloriser la formation professionnelle et pour y intéresser un plus grand nombre de jeunes. Une première caractéristique de ces mesures est de diversifier les formations offertes et les cheminements qui permettent de les obtenir. Une nouvelle filière est, par exemple, ouverte à l'intention des jeunes qui se préparent à l'exercice d'un métier dit non spécialisé. De nouveaux programmes intégrés secondaire-collégial sont lancés, et il sera possible d'accéder plus rapidement aux programmes qui conduisent à un diplôme d'études professionnelles. Ainsi, après le secondaire III, il sera possible de profiter immédiatement de toute une gamme de nouvelles opportunités d'apprentissage. Il s'agit de maximiser nos chances de raccrocher ceux qui ont de la difficulté avec des études plus théoriques. Les nouveaux Carrefours jeunesse-emploi, dont le premier ministre a annoncé la création tout récemment, pourront, entre autres choses, faire valoir ces nouvelles opportunités auprès des jeunes et favoriser ce raccrochage combien nécessaire. La seconde caractéristique de ces mesures est de mieux intégrer l'école à l'entreprise. C'est ainsi qu'un protocole type de partenariat sera mis à la disposition des écoles et des entreprises pour accentuer les possibilités de stage et d'apprentissage en entreprise. Certaines des mesures proposées par le ministre de l'Éducation seront disponibles dès la rentrée de septembre prochain, les autres le seront un an plus tard. Pour accroître nos chances de succès, les entreprises sont invitées à favoriser la formation des stagiaires et des apprentis notamment par le prêt d'équipement et de personnel. De cette façon, nos jeunes auront accès aux équipements de pointe de la technologie qu'on retrouve dans les entreprises. C'est en outre pendant toute la carrière des travailleurs que la formation professionnelle doit être accessible. Là aussi, les entreprises sont invitées à collaborer avec nous. Nous voulons que dorénavant un maximum d'entreprises du Québec investissent au moins 1 % de leur masse salariale pour la formation de la main-d’œuvre. Il s'agit, pour les entreprises qui ne le font pas déjà – et certaines en font d'ailleurs plus encore – d'une prise de responsabilité collective envers notre économie. Seules les entreprises qui ne réussiront pas à investir 1 % de leur masse salariale dans la formation de leurs employés devront verser une contribution pour la différence. Les sommes ainsi versées, que nous souhaitons être limitées au minimum, seront gérées par nos partenaires économiques et investies dans des activités de formation des travailleurs partout au Québec. De plus, les entreprises auront la possibilité de contribuer à des organismes qui mettront en œuvre des plans de formation de la main-d’œuvre. Je rappelle que cette mesure, annoncée il y a quelques jours par ma collègue la ministre d'État à la Concertation et ministre de l'Emploi, s'appliquera à compter du 1er janvier prochain. Toutefois, la volonté de notre gouvernement est de procéder à une mise en œuvre graduelle. C'est pourquoi nous proposons une formule d'entrée en vigueur progressive basée sur la masse salariale des entreprises. Celles dont la masse salariale est inférieure à 1 000 000 $ seront exemptées de la mesure au cours de la première année, tandis que le seuil sera ramené à 500 000 $ la deuxième année. À maturité, c'est-à-dire à compter de la troisième année, seules les entreprises dont la masse salariale est supérieure à 250 000 $ seront assujetties à l'obligation de la formation. Pour donner toutes ses chances de succès à cette nouvelle politique, j'annonce aujourd'hui des modifications à la politique fiscale en matière de formation de la main-d’œuvre. Pour inciter les entreprises qui ne seront pas assujetties à la règle du 1 % à investir quand même dans la formation de leurs employés, nous maintiendrons pour elles le crédit d'impôt à la formation de la main-d’œuvre. Ce crédit est de 40 %, de sorte qu'elles devront tout de même contribuer pour une part substantielle de la valeur de leurs initiatives de formation. Quant au crédit à l'égard des stagiaires et des apprentis, non seulement il reste en vigueur pour les entreprises de toute taille, mais, M. le Président, il est bonifié. Les entreprises non incorporées pourront désormais profiter de ce crédit pour lequel la durée minimum des stages sera réduite, tandis qu'un plus grand nombre d'étudiants et d'élèves y seront admissibles à l'avenir, à savoir les étudiants universitaires de premier cycle et les élèves de la nouvelle filière de formation professionnelle annoncée par le ministre de l'Éducation. Cet ensemble d'initiatives, visant à doter le Québec d'une véritable politique de la formation et du perfectionnement, illustre à quel point le gouvernement fédéral n'a aucune raison de continuer à occuper ce champ de juridiction. C'est pourquoi je demande au gouvernement fédéral de compenser les entreprises du Québec pour les services de formation qu'elles vont se donner elles-mêmes. Je lui demande de réduire les cotisations à l'assurance-chômage pour les entreprises québécoises. Ces cotisations sont, de toute façon, trop élevées, étant donné que la caisse du régime d'assurance-chômage affiche maintenant des surplus et que le gouvernement fédéral détourne une partie des cotisations pour s'ingérer dans des programmes qui, en fait, sont de notre responsabilité. Ce serait un premier pas avant le retrait complet du gouvernement fédéral du champ de la main-d’œuvre et de la formation professionnelle, une demande que tout le Québec lui adresse depuis, hélas, trop longtemps. Nous sommes donc occupés, vous le constatez, M. le Président, à changer le présent. Mais il faut en même temps garder un pas dans l'avenir. Pour créer les emplois de demain, nous devons investir dans nos ressources humaines et nous devons investir aussi dans la science et la technologie. Les sociétés Innovatech constituent un instrument bien adapté au contexte québécois. L'orientation de base de notre gouvernement est de développer cet instrument, d'utiliser les nouveaux modes d'intervention qui seront mis au point par la SDI, ainsi que le Fonds de l'autoroute de l'information, et de capitaliser sur les crédits fiscaux pour la recherche et le développent. Pour compléter cette boîte à outils, il nous manque cependant certains instruments ponctuels, plus particulièrement lorsqu'il s'agit de remplacer le soutien à l'industrie que le gouvernement fédéral vient d'abandonner et lorsqu'il s'agit d'aider à la diffusion de la technologie dans la petite et la moyenne entreprise. J'annonce, par conséquent, la création du Fonds de priorités gouvernementales en science et technologie et la mise sur pied d'un nouveau programme pour accroître le transfert et la diffusion de la technologie dans les PME. Le ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie annoncera les modalités d'application de ces initiatives. Elles profiteront en particulier aux jeunes entrepreneurs qui dirigent une partie importante des PME qui sont à l'avant-garde du développement technologique. Ainsi, dès cette année, le soutien du gouvernement aux entreprises en matière d'innovation et d'adaptation aux nouvelles réalités technologiques se trouve accru d'une vingtaine de millions de dollars par rapport à l'an dernier. J'ajoute, M. le Président, que Nouveler, une filiale d'Hydro-Québec, investira 35 000 000 $ sur trois ans en capital de risque dans des entreprises œuvrant dans le créneau des technologies de l'énergie. Les efforts consacrés par Hydro-Québec au développement d'un nouveau concept de système de propulsion pour voiture électrique, qui repose sur le principe du moteur-roue, seront aussi poursuivis. Comme tous mes concitoyens, je suis très préoccupé par l'avenir de nos jeunes. Plusieurs mesures déjà annoncées, plus particulièrement la bonification du crédit d'impôt à l'égard des stagiaires et des apprentis, ont pour but de les aider dans la recherche d'un emploi ou dans la création de leur propre emploi. Je désire porter une attention toute spéciale à ceux qui n'arrivent pas à trouver leur place sur le marché du travail. Nous devons les aider, M. le Président. Un chiffre mesure l'ampleur de ce problème: le taux de chômage chez les jeunes atteint près de 18 %. Notre gouvernement entend participer activement au vaste chantier qui vient d'être lancé par le Forum pour l'emploi dans le but de réduire le chômage chez les jeunes. C'est ainsi que, dans le cadre de l'opération Action emploi jeunesse, la ministre de la Sécurité du revenu a mis sur pied le programme Impact Jeunesse à l'intention des prestataires de la sécurité du revenu. Ce programme permettra à 2 000 jeunes d'intégrer le marché du travail de manière durable. Mais nous devons faire encore plus. La multiplicité et la complexité des programmes d'insertion au travail, au palier fédéral comme au palier provincial, mettent le jeune qui cherche un emploi en présence d'un véritable labyrinthe. Ce qui devrait encourager la recherche d'un travail devient souvent décourageant. Or, pour aider ces jeunes, plusieurs organismes communautaires issus du milieu ont prouvé leur efficacité. Ils y arrivent, M. le Président, avec peu de ressources financières, mais avec des succès remarquables. Ils ont l'avantage de l'enthousiasme et de l'esprit d'innovation, sans souffrir de la rigidité où s'enlise trop souvent l'État. Des budgets seront donc accordés pour permettre l'expansion à travers tout le Québec d'un réseau d'organismes communautaires qui offriront des services d'accueil, d'information, d'évaluation et de référence à nos jeunes. Le Carrefour jeunesse-emploi de l'Outaouais servira de modèle à ces organismes. Ces derniers bénéficieront d'une partie des ressources du Secrétariat à l'action communautaire pour la première année, puis d'enveloppes spécifiques de 10 000 000 $ et de 25 000 000 $, respectivement, les deux années suivantes. Par ailleurs, de façon à répondre plus adéquatement aux attentes et aux aspirations légitimes des jeunes, le premier ministre proposera, dans les prochaines semaines, un plan d'action-jeunesse qui sera la première étape d'une nouvelle série de mesures en faveur des jeunes. Pour en assurer la mise en œuvre, les crédits du Secrétariat à la jeunesse seront augmentés de 3 000 000 $ dès cette année et de 4 000 000 $ annuellement par la suite. Ce plan sera composé de deux volets. Le premier volet consistera en un réexamen et une révision fondamentale de tous les programmes existants à l'intention des jeunes. Le Secrétariat à la jeunesse a déjà dressé une liste de quelque 120 mesures et programmes différents s'adressant aux jeunes. À partir du suivi et de l'évaluation des résultats, nous reverrons la pertinence de chacun et la cohérence de l'ensemble avec le souci d'en assurer l'efficacité et l'accessibilité. Le second bloc d'interventions du plan d'action-jeunesse consistera à mettre en chantier des projets proposés par les jeunes, pour les jeunes. Ces projets appuieront certaines valeurs qu'ils privilégient, à savoir le travail et la formation professionnelle, l'ouverture sur le monde, la protection de l'environnement et l'«entrepreneurship». Ainsi, le Secrétariat à la jeunesse et les ministères concernés travaillent à la mise sur pied de projets comme: un réseau de communication électronique qui permettrait aux organismes communautaires pour les jeunes de se doter, en utilisant Internet, d'un réseau informatique; un projet récupération-recyclage qui chercherait à créer, à l'échelle du Québec, un réseau d'entreprises de jeunes vouées à la collecte et au recyclage; des stages de coopération dans les pays en voie de développement et une route verte qui viserait à relier, par une piste cyclable, un grand nombre de municipalités sur une période de cinq à 10 ans. Ce budget vise aussi à faciliter l'intégration au marché du travail des personnes handicapées. Nos actions doivent contribuer à accroître leur autonomie. Les contrats d'intégration au travail ont jusqu'à présent donné des résultats probants, mais le budget qui leur est consacré est nettement insuffisant. Conformément à l'engagement pris durant la dernière campagne électorale, le gouvernement en doublera le budget par rapport à l'an dernier. J'annonce donc l'ajout de crédits de 3 000 000 $ à cette fin. De plus, nous nous sommes fixé comme objectif d'éliminer le délai d'attente au Programme d'aide matérielle pour les personnes handicapées. Le ministre de la Santé et des Services sociaux a déjà entrepris de réallouer des crédits pour la réalisation de cet objectif. Des crédits additionnels de 2 000 000 $ seront ajoutés à ce programme en 1995-1996, pour l'aider à aller plus vite encore. Félix-Antoine Savard, témoin d'un volet important de notre histoire, disait: «J'ai beaucoup mieux à faire que de m'inquiéter de l'avenir. J'ai à le préparer.» Ce budget vise, lui aussi, à préparer l'avenir. Dans l'opposition, notre formation politique avait, à juste titre, fortement critiqué l'attitude de laisser-faire du gouvernement de l'époque, l'abandon de ses responsabilités, son inaction devant les fâcheuses conséquences de la dernière récession. Pourtant, il existe des façons productives d'atténuer les effets néfastes des récessions sur le chômage. Il faut toutefois faire plus que gérer la planification triennale régulière des investissements du gouvernement et des réseaux. Lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, M. le Président, il n'existait aucune planification permettant de faire démarrer rapidement des projets additionnels. Il n'en sera jamais plus ainsi, du moins tant que les Québécoises et les Québécois nous accorderont leur confiance. Notre gouvernement entend donc constituer rapidement une banque de projets d'investissements, en plus des programmes triennaux réguliers, des projets prêts à démarrer avec un minimum de délai lorsque la situation économique l'exigera. Avec mes collègues, la présidente du Conseil du trésor et le ministre des Affaires municipales et ministre d'État au Développement des régions, je ferai connaître la démarche que nous proposerons à nos partenaires gouvernementaux pour doter le Québec de cette banque de projets, avec la collaboration, bien sûr, des délégués régionaux. Avant de se permettre d'envisager une augmentation des impôts et taxes des citoyens, un gouvernement doit d'abord s'assurer que chaque contribuable s'acquitte de ses obligations fiscales. Le gouvernement précédent avait tellement laissé se propager la contrebande et le travail au noir que beaucoup trop de gens ont conclu qu'il était désormais possible de contourner impunément les lois fiscales. Il faut rétablir, M. le Président, la confiance dans l'État. Tout d'abord, le gouvernement doit prendre ses responsabilités. Il doit montrer qu'il fait tout ce qui est raisonnable pour percevoir ce qui est dû à la collectivité. Les mesures de contrôle et de surveillance ne visent pas uniquement l'application stricte des lois fiscales, elles visent aussi à ce que les contribuables reprennent confiance dans l'État par une équité retrouvée dans le traitement que leur réserve le régime fiscal. Nous nous sommes attaqués à ce problème dès notre arrivée au pouvoir. C'est ainsi que nous avons redonné au ministère du Revenu les ressources de vérification que lui avait coupées l'ancien gouvernement. Ce budget accentue aujourd'hui l'effort en ce sens: des crédits additionnels de 20 000 000 $ cette année et de 24 000 000 $ par la suite sont accordés à ce ministère. Nous avons aussi activé le plan d'action pour enrayer le commerce illégal des boissons alcooliques. Ce plan mise sur l'action concertée des corps policiers, des organismes gouvernementaux et de la Société des alcools du Québec. L'opération donne déjà des résultats remarquables, et, M. le Président, je peux assurer la population que le gouvernement est déterminé à enrayer ce fléau. Elle continuera de voir, dans les médias écrits ou électroniques, les résultats d'actions policières contre les établissements qui ne respectent pas les lois sur la vente d'alcool. Du côté des jeux de loterie vidéo, la Sûreté du Québec a saisi 4 800 appareils illégaux et l'implantation du réseau légal suit son cours. D'ores et déjà, les corps policiers accentuent leurs activités pour vérifier l'immatriculation des jeux et des appareils d'amusement. Les équipements des contrevenants seront saisis, et ceux-ci s'exposent à des amendes qui peuvent atteindre 70 000 $ et, en plus, à se voir retirer leur permis d'alcool. Grâce au soutien et à la collaboration efficace et concertée de tous les organismes concernés, nous avons pu démontrer que nous sommes et que nous demeurerons intraitables quant à ces activités illégales. Nous nous étions fixé des objectifs ambitieux en décembre dernier; nous les avons dépassés. Des revenus additionnels de 155 000 000 $ ont déjà découlé de ces opérations. Notre gouvernement livre la marchandise, et nous poursuivrons tous ces efforts au cours de l'année 1995-1996. Des revenus additionnels de 521 000 000 $ en sont attendus. Le travail au noir est un fléau dans l'industrie de la construction. À la suite d'une vérification récente, on peut malheureusement affirmer qu'un travailleur sur quatre – bien oui, M. le Président, un travailleur sur quatre – sur les chantiers officiels ne serait pas déclaré à la Commission de la construction du Québec. Un entrepreneur sur trois serait en cause. Nous ne tolérerons pas ces activités illégales. Deux mille poursuites pénales sont sur le point d'être intentées. Supprimer ce fléau ne sera cependant pas facile, mais nous nous y attaquons avec détermination. Un premier pas a consisté à accroître les inspections sur les chantiers. Au cours de l'année qui vient, nous poursuivrons notre démarche. La Commission de la construction du Québec pourra suspendre les travaux sur les chantiers où s'exerce du travail au noir. En cas de récidive, la Régie du bâtiment suspendra les permis des entreprises concernées. Les entreprises délinquantes ne recevront plus de contrat ni du gouvernement ni de ses sociétés d'État. Les activités de surveillance et d'inspection seront encore accrues et améliorées, et les poursuites judiciaires seront intensifiées, le cas échéant. Enfin, le ministère du Revenu exigera des reçus officiels de tous ceux qui réclament des déductions fiscales pour des travaux de construction ou de rénovation d'immeubles. Avant de terminer sur ce volet, j'aimerais réaffirmer que rien au monde, aucune mesure quelle qu'elle soit ne saurait remplacer la décision de chaque citoyen ou chaque citoyenne d'assumer sa juste part pour le financement de services publics de qualité. Aussi, l'autre façon de gouverner consiste à ne pas avoir peur de faire appel à la responsabilité individuelle et à la solidarité collective dans un domaine aussi important pour le bien commun. Rétablir la confiance dans l'État, c'est aussi rendre le régime fiscal plus équitable en s'attaquant plus particulièrement aux abris fiscaux. Depuis quelques années, plusieurs crédits remboursables sont devenus tellement intéressants que certaines entreprises reçoivent des chèques importants de la part du gouvernement au lieu de payer de l'impôt. Il faut absolument mettre un terme à cette générosité excessive. Le caractère remboursable du crédit d'impôt au design, du crédit pour la recherche et développement et de celui pour les stages en milieu de travail sera limité. Cela représente une forme d'impôt minimum adaptée à la structure fiscale du Québec pour les entreprises. Ainsi, la partie de ces crédits qui excède leurs charges fiscales ne sera plus remboursable dans l'année en cours. Elle deviendra reportable à une autre année. Il faut toutefois tenir compte des problèmes de liquidité que connaissent souvent les petites entreprises. C'est pourquoi elles continueront d'avoir droit à la totalité de leurs crédits d'impôt remboursables. Quant au crédit d'impôt pour la capitalisation, il sera aboli. Notre gouvernement trouve inacceptable l'étendue des crédits d'impôt dont ont pu profiter les institutions financières. C'est pourquoi toutes les dépenses engagées par les institutions financières dans des technologies telles que les guichets automatiques ne seront plus admissibles au crédit d'impôt pour la recherche et développement. De plus, ce budget vient freiner l'érosion de la taxe sur le capital des institutions financières. Nous l'adaptons aux instruments financiers utilisés aujourd'hui, en même temps que nous éliminons les situations de double taxation. En corrigeant les anomalies de cette taxe, le gouvernement encaissera 30 000 000 $ par année qui échappaient à la fiscalité. On observe une évasion fiscale beaucoup trop répandue en matière de dons d'œuvres d'art à des organismes de bienfaisance. Certains donateurs exagèrent la valeur de leurs dons, afin de tirer injustement profit du crédit d'impôt qui leur est accordé. Dorénavant, les donateurs n'auront droit au crédit d'impôt que lorsque l'œuvre d'art donnée aura été vendue par l'organisme de charité. Ainsi, le ministère du Revenu connaîtra plus facilement la valeur réelle du don. Les fiducies familiales comportent aujourd'hui un privilège fiscal exagéré. Elles permettent, depuis 1972, à plusieurs contribuables très fortunés de différer indûment le paiement de leurs impôts. Comprenez-moi bien, M. le Président. Je ne blâme aucunement les individus ou les familles qui peuvent se prévaloir de ces mécanismes d'une façon tout à fait légale. Je reproche toutefois au législateur fédéral de ne pas avoir le courage de mettre fin plus rapidement à ce privilège trop généreux. Le gouvernement fédéral a décidé de maintenir ce privilège jusqu'en 1999. Nous aurions préféré, si nous avions pu le faire, l'abolir plus rapidement. Il serait malheureusement trop facile pour ces fiducies de s'établir dans d'autres provinces et d'échapper ainsi à leurs obligations fiscales au Québec. Les redevances hydrauliques exigées des producteurs privés d'électricité sont plus faibles au Québec qu'en Ontario et en Colombie-Britannique. Des ajustements sont devenus nécessaires. À partir de minuit ce soir, le taux de la redevance hydraulique passe de 1,81 $ à 2,31 $ par mégawattheure. Notre gouvernement s'est engagé à ce qu'il soit moins compliqué de faire des affaires au Québec. Les entreprises du Québec nous ont fait part des sérieux problèmes que leur occasionnent la taxe de vente du Québec, la TVQ, ainsi que la taxe fédérale sur les produits et services, la TPS. Je dois, M. le Président, leur donner raison. Le précédent gouvernement a voulu mettre sur pied un régime qui ressemblerait à la TPS. Il n'a malheureusement réussi qu'à créer un régime hybride à mi-chemin entre la TPS et l'ancienne taxe de vente. Ce qui aurait pu simplifier la vie aux entreprises s'est révélé être un véritable fouillis pour les entreprises qui ont eu à l'administrer. Nous voulons régler cette situation. Ce budget procède donc à une remise en ordre complète. Nous ferons de la TVQ une véritable taxe sur la valeur ajoutée qui sera plus facile à administrer et qui sera plus favorable à la croissance économique du Québec. Présentement, M. le Président, la TVQ s'applique lors de certaines étapes du processus de production des biens et services, mais elle saute certaines autres étapes. Dès le 1er août prochain, pour l'ensemble des biens et services, la taxe de vente du Québec s'appliquera à toutes les étapes du processus de production. Cette mesure ne modifiera pas le fardeau fiscal des entreprises. Elle réduira substantiellement les coûts d'administration de la TVQ pour les entreprises et pour le gouvernement. Dans plusieurs pays avec lesquels nous compétitionnons, les entreprises se voient rembourser les taxes qu'elles paient sur leurs achats. Cela permet de ne pas taxer à répétition un même bien et de ne pas taxer les exportations. Cela signifie que de telles taxes ne s'appliquent qu'à la consommation finale et non pas sur les biens qui servent à en fabriquer d'autres. Le régime mis en place par l'ancien gouvernement va à l'encontre de ce principe généralement reconnu. Le régime de la TVQ ne rembourse pas la taxe perçue sur certains achats des entreprises. Par exemple, la taxe payée sur le carburant ou sur les services de téléphone n'est pas remboursée. Cette particularité pénalise les entreprises qui utilisent davantage ces biens et ces services. Elle rend aussi beaucoup plus complexe le travail des entreprises, particulièrement les petites, comme mandataires du gouvernement. En plus de défavoriser nos exportations ainsi que les entreprises de transport et de télécommunication, ces modalités nuisent à l'économie des régions qui recourent nécessairement plus à ces services. Ce budget vient donc simplifier le régime de la TVQ à cet égard. J'ai donc le plaisir d'annoncer que, à compter du 1er août prochain, les PME auront droit au plein remboursement de la TVQ sur tous leurs achats. Ce sont, M. le Président, 90 % des entreprises québécoises qui y auront droit dès ce moment. J'annonce, de plus, que toutes les autres entreprises du Québec y auront aussi droit à compter du 30 novembre 1996. Cette réforme de la TVQ permet de simplifier profondément le régime. Ainsi, 18 000 petites entreprises de plus que maintenant ne seront plus tenues de percevoir et de remettre la TVQ; toutes celles dont les ventes sont de 30 000 $ ou moins par année seront désormais exemptées de cette obligation. Pour plus de 160 000 entreprises, nous réduisons le nombre de déclarations qu'elles doivent faire dans une année. Au total, M. le Président, c'est 1 400 000 formulaires de moins que les entreprises auront à produire par année et, en conséquence, le ministère du Revenu en aura 1 400 000 de moins à traiter. C'est ce que j'appelle faire bouger les choses au Québec. Maintenant, nous aurons, à toutes fins utiles, un seul régime de taxe de vente sur le territoire québécois – TPS et TVQ étant bien arrimées – un régime géré par le ministère du Revenu du Québec. On ne peut s'empêcher de penser qu'il serait tellement plus simple d'étendre aussi ce modèle et de n'avoir qu'un formulaire unique et un seul percepteur d'impôt pour l'impôt sur le revenu des particuliers. Je veux être tout à fait clair quant à l'impact financier de cette réforme sur les entreprises québécoises. Au cours des 18 prochains mois, nous demandons un effort particulier aux grandes entreprises pour contribuer à la réduction du déficit. Après cette période, cependant, leur fardeau fiscal ne sera pas augmenté par rapport à aujourd'hui, tandis qu'elles vont continuer de bénéficier des avantages énormes de la simplification du régime de taxe de vente. Le plein remboursement de la TVQ sur les achats des entreprises représente, à maturité, un avantage annuel de l'ordre de 500 000 000 $. Dans la conjoncture actuelle, M. le Président, le gouvernement n'a pas les moyens de leur accorder un bénéfice financier aussi important. Dans le but de compenser l'avantage ainsi accordé aux entreprises, j'annonce une augmentation de leurs charges fiscales de 455 000 000 $ sur une pleine année. Ainsi, à partir de minuit ce soir, la taxe sur le capital ainsi que la contribution au Fonds des services de santé seront portées respectivement à 0,64 % et à 4,26 %. L'augmentation des taux de la taxe sur le capital et de la contribution des employeurs au Fonds des services de santé devrait normalement être déductible à l'impôt fédéral sur le revenu des sociétés, comme c'est le cas pour l'ensemble des charges qu'ont à payer les entreprises, telles que la taxe de vente ou les impôts fonciers. À maturité, c'est-à-dire à compter du 30 novembre 1996, la réforme annoncée aujourd'hui laissera inchangé le fardeau fiscal des sociétés. Donc, aucune conséquence ne devrait en découler pour l'application de l'impôt fédéral des sociétés. Malheureusement, cette logique si simple risque de ne pas être comprise de la même façon à Ottawa. En effet, le gouvernement fédéral a indiqué à maintes reprises son intention de limiter la déductibilité des taxes provinciales sur le capital et sur la masse salariale. En d'autres mots, il tient à dicter aux provinces leurs choix fiscaux. En plus, il menace de représailles celles qui augmenteraient ces deux taxes en particulier. M. le Président, comme par hasard, ces deux taxes sont prélevées principalement par le Québec. Ottawa ne décourage pas les autres formes de taxes prélevées dans une plus grande proportion dans les autres provinces. En fait, le projet fédéral ne repose sur aucun principe défendable. S'il mettait sa politique à exécution, il faut comprendre que le gouvernement fédéral augmenterait sans motif les impôts des entreprises du Québec. Il devra porter l'odieux de cette manœuvre inéquitable. Accepter cette approche serait renier notre autonomie fiscale si chèrement gagnée par MM. Duplessis et Lesage. Nos entreprises pourront compter sur mon appui pour faire entendre raison au gouvernement fédéral. Un sérieux nettoyage s'impose aussi au plan des programmes de subvention aux entreprises. Il faut en réduire le coût aussi bien que le nombre et la complexité. Le ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie fera prochainement rapport sur cette question. D'ores et déjà, je peux indiquer que cette révision permettra en outre de réduire les dépenses de l'État de plusieurs dizaines de millions de dollars par année. Ce budget comporte plusieurs autres mesures pour réduire les obligations des entreprises en matière d'administration de la fiscalité. On les retrouve à l'annexe sur les mesures fiscales et budgétaires. J'annonce en particulier que les petits employeurs dont les déductions à la source sont de 1 200 $ ou moins par année pourront effectuer une seule remise par année plutôt que 12 comme c'est le cas présentement. J'annonce aussi la réduction des pénalités imposées aux mandataires lors des retards à effectuer les remises dues au gouvernement. Lorsque le retard n'est que de quelques jours, ces pénalités seront réduites de la moitié. Du côté des finances publiques, la réalité se présente durement. La dette du gouvernement représente plus de 10 000 $ par personne. À plus de 6 000 000 000 $, le déficit laissé par ceux qui nous ont précédés était carrément intolérable. Avec les écarts budgétaires qu'on a connus depuis quelques années, on peut comprendre que tous ne soient pas complètement rassurés. Les déficits et l'endettement compromettent notre avenir et encore davantage celui de nos enfants et celui de nos petits-enfants. Il faut régler le problème du déficit. Certaines provinces l'ont déjà fait ou sont en bonne voie de le faire. Nous devons cependant procéder à cette remise en ordre en préservant le cœur des acquis sociaux des dernières décennies et nous devons le faire en concertation avec nos partenaires. Ce virage majeur est bien amorcé. Il faut le poursuivre et même l'accentuer avec confiance et avec fermeté. Notre gouvernement s'est engagé à équilibrer les opérations courantes. La règle consiste à ne pas emprunter pour financer autre chose que des immobilisations, c'est-à-dire des biens dont la collectivité va pouvoir bénéficier pendant plusieurs années: des routes, par exemple. Il s'agit de ne plus emprunter pour payer l'épicerie. Le présent budget nous permet de franchir, en 1995-1996, une étape déterminante dans cette direction. En effet, nous allons réduire le déficit du tiers dès cette année. Nous devons toutefois faire beaucoup plus, et c'est l'intention de notre gouvernement d'agir en conséquence. Les mesures fiscales annoncées aujourd'hui apportent une contribution substantielle à la réduction du déficit. L'autre front sur lequel nous devons mener le combat, c'est celui des dépenses du gouvernement. Il s'agit d'assurer à la population les services qui lui sont essentiels en réduisant au minimum les coûts pour les fournir, sans en sacrifier la qualité. Je tiens ici à féliciter la présidente du Conseil du trésor pour son approche nouvelle, son approche plus efficace dans la gestion des dépenses. Cette approche est fondée sur un pacte renouvelé avec nos partenaires syndicaux et avec tous nos employés, premiers responsables de la qualité des services à la population. Je formule le souhait que ces efforts réels de partenariat se poursuivent et que nos employés et leurs représentants souscrivent à nos objectifs et stratégies de redressement des finances publiques. Je suis convaincu qu'ils sont conscients du fait qu'il y va de leur intérêt comme de celui de la collectivité qu'ils ont choisi de servir. Plus que jamais, l'atteinte de nos objectifs nécessitera une volonté ferme d'agir, une solidarité de tous les groupes de notre société et une responsabilisation de tous ceux et celles qui dispensent les services publics, qui en bénéficient ou qui contribuent à leur financement. Je dois aussi féliciter tous mes collègues. Grâce à leur discipline, nous avons respecté l'objectif que nous nous étions fixé de geler, pour 1995-1996, les dépenses de programmes à leur niveau de l'an dernier. De plus, le présent budget accroît les possibilités de meilleure gestion, en apportant certaines modifications à la comptabilisation des dépenses. Les changements concernent les pertes encourues sur les garanties de prêts, les frais de développement informatique ainsi que les intérêts sur les emprunts temporaires. Il s'agit de rendre nos méthodes plus conformes aux principes comptables généralement reconnus. Globalement, les dépenses de programmes pour 1995-1996 seront réduites de 71 000 000 $ par rapport à ce qui avait été annoncé lors du dépôt des crédits, en tenant compte des nouvelles initiatives annoncées aujourd'hui. Nous avons donc effectué un redressement majeur. Rappelons qu'au cours des cinq dernières années la croissance des dépenses de programmes s'est établie en moyenne à 4,4 %, M. le Président. Cela voulait dire près de 1 500 000 000 $ par année de croissance des dépenses de programmes. Cette année, non seulement les dépenses n'augmenteront pas, elles vont être réduites. Ainsi, pour la première fois depuis plus de 25 ans, le gouvernement du Québec diminuera, en dollars, ses dépenses de programmes. Cela a nécessité des choix difficiles par l'ensemble des ministères. Le gel des dépenses de programmes en 1995-1996 a requis un effort budgétaire de plus de 1 300 000 000 $, sans compter qu'aucune indexation n'a été prévue pour les salaires. Les crédits budgétaires déposés pour cette année et le nouveau mode de gestion sur lequel ils s'appuient constituent la première étape d'une transformation majeure de nos services publics. En effet, la nécessité d'assainir rapidement les finances publiques nous amène à nous fixer des objectifs de dépenses encore plus ambitieux pour les deux prochaines années. Nous allons, M. le Président, plus loin que le gel des dépenses. Nous réduisons les dépenses de programmes d'un montant additionnel de 500 000 000 $ l'an prochain et d'un autre 500 000 000 $ en 1997-1998. À partir de l'évaluation du coût de reconduction des programmes existants, l'effort budgétaire qui sera demandé à l'appareil gouvernemental sera de l'ordre de 2 000 000 000 $ pour chacun des deux prochains exercices financiers. Jamais effort d'une telle ampleur n'aura été réalisé jusqu'ici. L'approche de responsabilisation des ministères dans le choix des moyens pour le réaliser deviendra plus cruciale que jamais. Parmi les gestes posés pour réussir à geler les dépenses de programmes en 1995-1996, certains préparent la voie à l'atteinte des réductions que nous visons par la suite. Nous avons prévu des mécanismes qui permettront la réduction des dépenses et des effectifs au cours des prochaines années. À titre d'exemple, la réorientation de la vocation de certains hôpitaux, l'accroissement du ratio des chirurgies d'un jour vers la moyenne nord-américaine et, au besoin, la fermeture de lits, voire de certains établissements excédentaires, sont au centre d'une vaste réforme du système de santé qui ne portera ses pleins effets qu'au cours des prochaines années. Il en va de même de la diminution amorcée du taux d'encadrement beaucoup trop élevé dans les réseaux de la santé et de l'éducation. La réorientation de l'enseignement professionnel vers la formation en entreprise engendrera inévitablement des économies en matière d'éducation. D'autres actions, comme la révision des programmes de subvention aux entreprises, sont actuellement à l'étude et vont nous permettre d'atteindre nos objectifs. Les réductions d'effectifs qui découleront des moyens retenus pourraient, tant dans la fonction publique que dans les réseaux, dépasser le taux d'attrition normal. Mais, M. le Président, cela n'implique pas que nous remettions en cause le principe de la sécurité d'emploi. Le gouvernement entend plutôt mettre en place, en associant les partenaires syndicaux et patronaux à sa démarche, des mesures qui favoriseront le redéploiement des ressources humaines. Ainsi, pour assurer la mobilité des travailleurs au sein des secteurs public et parapublic, des banques de ressources seront mises sur pied, des programmes de perfectionnement et de recyclage de la main-d’œuvre seront offerts et des techniques de travail pourront être modifiées. Enfin, des mécanismes adaptés aux besoins des organisations et des secteurs, telles des primes de séparation et des formules de retraite anticipée, seront établis sous peu pour faciliter les départs volontaires. Par ailleurs, le gouvernement du Québec gère un portefeuille d'actifs très important, notamment par l'intermédiaire des sociétés d'État. Le gouvernement désire intensifier leur impact bénéfique sur le développement économique de l'ensemble des régions du Québec. Ce rôle stratégique qui consiste à initier des projets d'investissements rentables et créateurs d'emplois, réalisés en partenariat avec le secteur privé, doit dorénavant constituer la priorité pour elles. Comme actionnaire, notre gouvernement veillera à ce que les sociétés d'État disposent des fonds requis pour financer de tels projets d'investissements. À cette fin, étant donné les conditions favorables du marché, certains placements seront vendus. Toute disposition s'effectuera cependant sur une base d'affaires et au moment jugé le plus opportun. De plus, notre gouvernement s'assurera que les sociétés d'État appliquent la même discipline en matière de contrôle des dépenses que celle qui est exigée des ministères. Enfin, dans le but de mieux refléter les impacts des bénéfices des sociétés d'État sur les états financiers du gouvernement, les pratiques comptables en matière de consolidation des bénéfices ont été améliorées dès l'année financière 1994-1995. Réduire le déficit, c'est aussi préserver notre présence dans les champs d'imposition que nous partageons encore avec le gouvernement fédéral. Le gouvernement précédent et le gouvernement fédéral avaient laissé se développer la contrebande du tabac. C'était devenu un tel désordre social qu'ils se sont vus obligés d'abandonner en catastrophe ce champ fiscal. Dans ce mouvement de panique, M. le Président, mon prédécesseur avait accepté de réduire la taxe québécoise plus fortement que celle du gouvernement fédéral. Notre gouvernement se préoccupe davantage de la santé publique. J'annonce aujourd'hui une augmentation de la taxe de 0,72 $ pour une cartouche de 200 cigarettes, ce qui se traduira par une augmentation de revenus de l'ordre de 40 000 000 $ sur une pleine année. Ainsi, nous récupérons la portion de ce champ de taxation qui avait été abandonnée. Le 8 septembre dernier, j'ai fait le point sur la situation des finances publiques du Québec. J'ai alors dénoncé le caractère irresponsable et électoraliste du budget présenté l'an dernier. En plus d'accorder des cadeaux coûteux aux contribuables, qui n'ont, d'ailleurs, pas été dupes de cette manœuvre, ce budget avait surestimé les revenus et abandonné le contrôle des dépenses. J'ai aussi indiqué que la gestion de l'ancien gouvernement avait engendré un déficit de 6 100 000 000 $ au lieu des 4 400 000 000 $ annoncés dans le budget de mai 1994. Grâce aux mesures que nous avons immédiatement mises en place pour limiter l'ampleur des dégâts budgétaires et améliorer la situation par plus de 400 000 000 $, j'ai souligné que le déficit budgétaire se situerait à 5 716 000 000 $ en 1994-1995. Depuis ce temps, M. le Président, les taux d'intérêt ont continué à augmenter et le dollar canadien s'est encore déprécié par rapport aux principales monnaies. Cela illustre bien à quel point la dette mine la santé des finances publiques. C'est un véritable cancer. En seulement quatre mois, le service de la dette a augmenté de 319 000 000 $, pour la seule année 1994-1995, par rapport à ce qui avait été anticipé l'automne dernier. Heureusement, même si cela n'a pas été facile, mes collègues et moi-même avons tout mis en œuvre pour éliminer le dépassement aux dépenses de programmes dont nous avions hérité à notre arrivée au pouvoir. Et, M. le Président, nous sommes fiers d'avoir réussi. Finalement, compte tenu de l'évolution des revenus, le déficit s'établira à 5 715 000 000 $ en 1994-1995. Il sera donc au même niveau que ce qui était prévu en décembre dernier. Et, M. le Président, je dépose le tableau suivant qui représente les résultats préliminaires des opérations financières du gouvernement pour 1994-1995. La majorité des prévisionnistes s'attend à ce que la croissance économique demeure élevée en 1995, au Québec, comme au Canada et aux États-Unis. La moyenne des prévisions de croissance économique pour le Québec s'établit à 3,6 %. Après les écarts auxquels l'ancien gouvernement nous a habitués dans ses prévisions, j'ai cru nécessaire d'assurer la crédibilité du cadre financier de ce budget en adoptant une approche prudente. Mon budget est donc basé sur une croissance économique de 3,3 % au Québec cette année, un taux qui se compare aux prévisions les plus conservatrices effectuées par le secteur privé. Avec le budget d'aujourd'hui, le déficit s'établira donc à 3 975 000 000 $ en 1995-1996. Cela représente une diminution du tiers, soit de 1 740 000 000 $, par rapport à l'année dernière. Les besoins financiers nets seront de 2 900 000 000 $. Je dépose ici, M. le Président, ces tableaux qui représentent les prévisions des équilibres financiers du gouvernement pour 1995-1996. Par ailleurs, pour répondre en partie à ses besoins de financement, notre gouvernement reverra son processus de recours à l'épargne des Québécois. Actuellement, le principal moyen utilisé est notre émission d'obligations d'épargne du Québec, à tous les mois de juin. Or, ce véhicule financier ne contribue plus qu'à 3,5 % de notre financement. Notre objectif est d'accroître la part du financement gouvernemental recueillie auprès des Québécois et des Québécoises. C'est à eux que nous souhaitons verser les intérêts sur nos emprunts. Nous débuterons avec des nouveaux produits d'épargne dès septembre prochain, puis nous accroîtrons notre présence sur ce marché au début de 1996, juste au moment où les contribuables investissent dans les REER. Nous visons à offrir aux Québécois des produits diversifiés et plus modernes, avec des rendements compétitifs. En campagne électorale d'abord, puis lors de notre arrivée au pouvoir, nous nous sommes engagés à éliminer le déficit des opérations courantes dans deux ans. Si le budget fédéral n'était pas venu brouiller les cartes, nous aurions pu, avec les mesures du présent budget, réduire le déficit à 800 000 000 $ en 1997-1998. Nous aurions non seulement atteint l'objectif d'équilibrer les opérations courantes, mais, mieux encore, M. le Président, nous aurions eu un surplus de 1 000 000 000 $. Malheureusement, le dernier budget fédéral, avec ses coupures massives dans les paiements de transferts aux provinces, est venu tout bouleverser. Son impact direct et indirect implique, pour le Québec, un manque à gagner de 1 000 000 000 $ en 1996-1997 et de 2 400 000 000 $ en 1997-1998. Ce n'est certes pas la première série de coupures aux transferts fédéraux que le Québec doit absorber, comme le montrent les données présentées dans l'annexe sur l'évolution des transferts fédéraux, annexe dont j'invite chaque citoyen à prendre connaissance. On y apprend que l'ensemble des coupures, depuis 1982-1983, nous privent cette année de 2 100 000 000 $. En 1997-1998, elles nous priveront de 4 700 000 000 $. Cette fois, Ottawa s'est surpassé. Les nouvelles coupures du dernier budget fédéral causeront en deux ans, M. le Président, pratiquement autant de dommages que les coupures effectuées depuis le début des années quatre-vingt. Le budget fédéral accélère donc de façon dramatique les coupures dans les transferts. De plus, il déstabilise complètement la politique budgétaire du Québec. Comment pouvons-nous planifier adéquatement, comment nous donner un cadre financier stable si nous ne savons jamais ce qui nous attend du côté des transferts fédéraux? Dans le cadre fédéral actuel, il faudra, pour combler l'écart, soit procéder à des réductions additionnelles importantes des dépenses, soit modifier substantiellement les taxes et les impôts des Québécois. Car, malgré les dommages causés par le budget fédéral et en dépit de l'ampleur du dépassement hérité de nos prédécesseurs, je veux être tout à fait clair et ne laisser subsister aucun doute. Appuyés en cela par le premier ministre, nous allons éliminer le déficit des opérations courantes en 1997-1998. Aux mesures que je viens d'annoncer, il faudra donc en ajouter d'autres ayant pour effet d'améliorer la situation budgétaire de 500 000 000 $ en 1996-1997 et de 1 400 000 000 $ l'année suivante. Je dépose ici, M. le Président, le tableau suivant qui représente l'incidence du dernier budget fédéral sur l'évolution du déficit du gouvernement. Pour donner une idée de l'ordre de grandeur des sommes en cause, notons que 1 400 000 000 $, c'est plus que le budget de l'enseignement collégial. C'est plus que le budget de tous les centres d'accueil pour personnes âgées et de tous les centres hospitaliers de longue durée. C'est plus que le budget entier de construction et d'entretien des routes. Pour combler l'écart en totalité du côté des dépenses, des pans complets de services à la population et des acquis sociaux majeurs ne pourraient être épargnés. Devant de telles perspectives et afin de limiter les impacts négatifs sur les services aux citoyens, une augmentation des taxes et des impôts apparaît incontournable. Il faudrait sûrement augmenter la taxe de vente d'un point de pourcentage au cours de l'année 1996, la portant ainsi à 7,5 %. Bien sûr, nous aurons, à l'occasion du référendum de 1995, à nous prononcer sur l'avenir politique du Québec. Selon les résultats, nous ne disposerons pas des mêmes moyens d'action. Nous aurons en effet alors à choisir entre récupérer les 29 000 000 000 $ d'impôts et taxes versés à Ottawa par les Québécois – M. le Président, les 29 000 000 000 $ d'impôts et taxes versés à Ottawa chaque année par les Québécois – dont le rendement augmente, année après année, ou encore continuer à les verser là-bas tout en voyant les transferts fédéraux retournés au Québec continuer à fondre. J'en entends déjà qui disent: Oui, mais, si vous devenez un pays, vous n'aurez plus de transferts fédéraux. À ceux-là, je réponds: Bien, voyons s'il est tellement intéressant d'avoir des transferts fédéraux. Faisons l'exercice suivant. Examinons ce qui serait arrivé, en 1980, si le Québec avait dit au gouvernement fédéral: Gardez vos transferts de 3 900 000 000 $, gardez même la péréquation, mais réduisez vos impôts au Québec d'un montant équivalent; les Québécois verseront plutôt ce montant directement au gouvernement du Québec. Résultat: le gouvernement du Québec, M. le Président, aurait perçu, au cours des 14 dernières années, 8 000 000 000 $ de plus que ce qu'il a reçu en transferts du gouvernement fédéral. En fait, cette année, le déficit serait de 2 000 000 000 $ de moins qu'actuellement et, en 1996-1997, c'est la totalité du déficit qui serait éliminée. Et, si, M. le Président, on faisait le même exercice de récupération de points d'impôt en remplacement des transferts financiers fédéraux à compter de cette année, c'est une amélioration de nos revenus de 1 700 000 000 $ qu'on obtiendrait en 1996-1997 et de 3 700 000 000 $ en 1997-1998. Et tout cela, M. le Président, sans que le fardeau fiscal total des Québécois soit modifié. Comme le dit le premier ministre: Mieux vaut avoir des points d'impôt dont le rendement monte que des transferts fédéraux qui baissent! Lorsque nous serons souverains, nous aurons tous les leviers nécessaires pour agir et faire face adéquatement aux défis à relever. La récupération de tous nos impôts nous permettra d'aménager le régime fiscal en fonction de nos propres besoins. Nous disposerons en outre d'une marge de manœuvre beaucoup plus grande, du fait que le gouvernement fédéral ne viendra plus piger dans nos champs fiscaux et que nous n'aurons plus à gérer l'agencement de deux régimes d'imposition pour atteindre nos objectifs d'équité, d'efficacité, de compétitivité et de simplicité. D'ailleurs, pour préparer adéquatement ce qui devra être fait à cet égard, nous mettrons bientôt sur pied une commission d'étude sur le régime fiscal d'un Québec souverain. Mais, M. le Président, surtout, avec la souveraineté, nous pourrons compter, pour améliorer notre situation budgétaire, sur des économies importantes, tant par une efficacité accrue du système que par l'élimination du gaspillage qui découle de la présence de deux paliers de gouvernement pour faire la même chose. Est-il bien nécessaire d'avoir deux ministères du Revenu, alors qu'on pourrait n'avoir qu'une seule déclaration de revenus? Est-il bien nécessaire d'avoir deux ministères de la Santé, deux ministères de l'Agriculture, deux ministères des Transports, deux ministères de l'Industrie? Le Secrétariat de la commission Bélanger-Campeau avait évalué des économies possibles de 500 000 000 $ au seul titre de l'administration fiscale et des frais de déplacement des fonctionnaires. Plusieurs auteurs ont estimé l'ensemble des économies potentielles à des sommes beaucoup plus importantes, atteignant jusqu'à 3 000 000 000 $. Le ministre délégué à la Restructuration soumettra bientôt aux Québécois une série d'analyses qui permettront de bien cerner toutes les économies réalisables à ce niveau. Enfin, la souveraineté permettra au Québec de bénéficier davantage de ses actions structurantes et créatrices d'emplois. Chaque fois, M. le Président, que le gouvernement du Québec prend des mesures concrètes pour créer des emplois, le gouvernement fédéral vient taxer lourdement le développement qui en résulte. En fait, nous perdons, en revenus de transferts fédéraux, entre la moitié et les trois quarts des gains réalisés dans nos revenus autonomes. Cela veut dire que, lorsque le gouvernement du Québec s'acharne à favoriser son développement économique, il améliore d'abord et surtout la situation financière du gouvernement fédéral. Cette taxe sur le développement constitue un autre effet pervers du régime fédéral. Nous aurons l'occasion de discuter amplement de ces questions au cours des prochains mois. M. le Président, ce budget respecte les engagements pris par notre gouvernement. Il comporte des actions importantes pour relever le défi de l'emploi. Il reprend le contrôle du déficit en réduisant les dépenses et sans augmenter les impôts des particuliers. Il mise plutôt sur le prélèvement de tout ce qui est dû à l'État. De plus, il accroît l'équité du régime fiscal et il exige plus de certains, en particulier des grandes entreprises. Enfin, il simplifie les relations entre le gouvernement et les entreprises. Désormais, il sera plus facile de faire des affaires au Québec. Ce n'est qu'un début. La suite des choses dépendra du choix que nous ferons sous peu quant à notre avenir collectif. Nous avons l'option de poursuivre patiemment dans la même veine en demeurant bloqués dans cette voie sans issue que représente le système fédéral canadien. Nos prévisions montrent que, pour compenser le recul que nous impose le dernier budget fédéral par rapport à notre objectif d'équilibrer les opérations courantes en 1997-1998, il nous faudrait alors réduire radicalement les services aux citoyens et augmenter les taxes et les impôts des particuliers. Notre premier choix consiste plutôt à assumer nous-mêmes la responsabilité entière de notre avenir. C'est la seule voie qui nous permette de récupérer tous nos impôts et d'avoir le plein contrôle sur l'évolution de nos finances publiques tout en garantissant à la population du Québec un niveau convenable de services publics sans alourdir le fardeau fiscal. Nos institutions, M. le Président, sont parmi les plus solides et les plus dynamiques des sociétés démocratiques évoluées du globe. Nous sommes confiants que très bientôt les citoyennes et les citoyens permettront, par l'accession à la souveraineté, à tous nos puissants leviers économiques, budgétaires et financiers de réaliser leur plein potentiel, de converger vers des objectifs communs, vers un projet de société que nous définirons ensemble. Aucun peuple, aujourd'hui, aucun peuple n'est mieux préparé, mieux outillé que les Québécois pour se donner un pays. Je vous disais, au début de ce discours, que nous tiendrions parole, et nous l'avons fait. Je vous disais aussi qu'il nous fallait faire preuve de rigueur, de réalisme et d'imagination; nous l'avons fait. Cependant, comme la plupart des chefs de gouvernement qui se sont succédés depuis 50 ans dans cette Assemblée, nous sentons bien que l'imagination des Québécois se heurte à un cadre étouffant. Un premier ministre des années cinquante répétait que le Québec devait reprendre son butin, et c'était vrai. Un premier ministre des années soixante affirmait qu'il fallait être maîtres chez nous, et il avait raison. Son successeur clamait que, à moins d'obtenir l'égalité entre Québécois et Canadiens, il faudrait choisir l'indépendance. Il avait aussi raison. Un autre encore nous appelait à prendre l'option du Québec. C'est cette option-là, celle d'un Québec souverain, que ce gouvernement offre aux Québécoises et aux Québécois. Il s'engage à la réaliser en affichant une attitude responsable et rigoureuse dans la gestion de leurs finances publiques, en assurant l'équité qu'ils exigent de leur régime fiscal et en leur ouvrant les perspectives d'emploi qu'ils attendent. M. le Président, je propose donc que l'Assemblée approuve la politique budgétaire du gouvernement. Je vous remercie, M. le Président, pour votre bonne attention.