Province Législature Session Type de discours Date du discours Locuteur Fonction du locuteur Parti politique Québec 32e 4e Discours sur le budget 22 mai 1984 M. Jacques Parizeau Ministre des Finances et président du Comité de développement économique PQ M. Parizeau : M. le Président, il est assez étonnant de constater à quel point la reprise de l'économie au Québec donne lieu, encore maintenant, à des controverses, à quel point dans certains milieux on la juge fragile sinon même aléatoire. Il me semble donc nécessaire, en commençant cet exposé, de chercher à faire le point sur ce qui s'est produit depuis deux ans, avant d'esquisser les perspectives de l'avenir immédiat. En 1982, l'économie du Québec s'est affaissée. J'ai déjà eu l'occasion de le souligner lors des deux derniers discours sur le budget et de l'énoncé complémentaire de l'automne dernier. Le gouvernement du Québec a été le premier, dès l'hiver 1982, à chercher à alerter aussi bien le gouvernement fédéral que l'opinion publique à la gravité de ce qui allait se produire. La production tomba en 1982 de près de 6% en volume et le Québec perdit 222 000 emplois, soit 8,4% du nombre total des emplois existant à la fin de 1981. L'économie du reste du Canada finit aussi par reculer, de façon un peu moins accusée en Ontario, mais plus forte dans certaines provinces de l'Ouest. En fait, le recul fut, dans l'ensemble du Canada, presque trois fois plus ample qu'aux États-Unis et dépassa tout ce que l'on a pu constater dans les autres pays industriels. La politique monétaire suivie par les autorités canadiennes, pour, à la fois, lutter contre l'inflation et maintenir à un niveau anormalement élevé le taux de change du dollar canadien, a été essentiellement responsable de cette piètre performance. Il y a toujours un niveau de taux d'intérêt où l'on arrive à juguler l'inflation; les manuels d'économie qui enchantèrent notre jeunesse n'avaient pas menti. Pourtant, ils indiquaient aussi qu'il y a un niveau de taux d'intérêt où l'on arrive à casser l'économie. La portée d'un tel recul, le plus prononcé depuis la grande crise des années trente, ne fut pas toujours vraiment comprise. Pour le gouvernement du Québec, la récession a exigé que l'on pose des gestes radicaux, impliquant parfois des choix déchirants, pour réduire la progression des coûts de fonctionnement du secteur public et pour accroître la fiscalité, de façon à dégager les marges de manœuvre nécessaires au relèvement de l'économie sans pour autant laisser les déficits atteindre un niveau insoutenable. En même temps, les entreprises réduisaient leurs coûts de façon parfois radicale afin de retrouver une capacité concurrentielle qui s'était dans bien des cas déjà effritée. C'est sur de telles bases que fut préparée la reprise de 1983. Le Québec connut en 1983 un taux de relèvement de son économie qui est parmi les plus élevés, presque le plus élevé de toutes les économies occidentales. Un virage aussi spectaculaire fut aussi soudain qu'inattendu il y a un an à peine. On se souviendra dans le discours sur le budget de mai dernier, j'avais annoncé une augmentation du produit intérieur brut de 1,5%. J'avais toutefois ajouté qu'il ne serait pas acceptable de se satisfaire d'un tel rythme de progression. Dans la mesure où le plan d'action économique du Mont Sainte-Anne arrêté par le Conseil des ministres en mars 1993 atteindrait ses objectifs, le Québec pourrait bien connaître un taux de croissance supérieur aux prévisions. On peut aujourd'hui constater le succès remarquable de ce plan qui aura déclenché des injections de plus de 8 000 000 000 $ dans l'économie du Québec, réparties sur quelques années. Ces mesures efficaces appuyèrent les effets positifs de la stabilisation des taux d'intérêt et de l'expansion soutenue de l'économie américaine. C'est ainsi qu'on dut réviser à 3% la croissance réelle du produit intérieur brut québécois. Les compilations statistiques pour l'année 1993 sont en cours et il semblerait que le taux d'expansion aura plutôt été de l'ordre de 4%. Les mois qui viennent permettront de conclure. En tout cas, il est d'ores et déjà établi que la croissance du produit intérieur brut au Québec dépassera celle du Canada tout entier, celle des États-Unis et la moyenne de celles des pays de l'Europe de l'Ouest. La conclusion est évidente: autant le Québec doit rester soucieux de sa vulnérabilité à l'égard des changements de politiques monétaires qu'il ne contrôle pas, autant il devrait être remarquablement conscient de l'aptitude qu'il a montrée à se sortir de la récession dans laquelle il était plongé. Ce relèvement, il s'exprime de diverses façons. Commençons par examiner le cas des investissements. On sait que les investissements d'Hydro-Québec ont représenté, il y a quelques années, jusqu'au quart de tous les investissements publics et privés faits au Québec. Le parachèvement des travaux de la Baie-James et, en partie à cause de la récession, l'apparition de surplus d'électricité considérables amenèrent une contraction des investissements d'Hydro-Québec. Il fallait substituer aux investissements qu'Hydro-Québec ne faisait plus d'autres injections de capitaux dont l'économie du Québec avait un sérieux besoin et dont la nécessité n'apparaissait pas de façon aussi évidente tant que la Baie-James dominait l'horizon des investissements. Le virage technologique, l'expansion des investissements agricoles, l'utilisation des surplus d'électricité à des fins d'expansion de la capacité de production de l'aluminium et à celles d'investissements dans l'industrie chimique, les subventions à l'accélération des investissements manufacturiers et miniers, le prolongement de Corvée-habitation, l'expansion des investissements publics dans les secteurs de la voirie régionale et municipale et dans celui de l'épuration des eaux ont fini par compenser d'abord, puis par largement dépasser l'impact de la chute des investissements d'Hydro-Québec. Ainsi, la proportion des investissements totaux, publics et privés au Québec, par rapport aux investissements au Canada, est passée de 17,1% en 1982 à 18,5% en 1983. Il faut bien réaliser que cela fut possible grâce à une augmentation des investissements de quelque 600 000 000 $, alors même que les prévisions du début de 1993 indiquaient une baisse de 160 000 000 $. L'on conviendra que le plan d'action du mont Sainte-Anne, orienté vers l'expansion des investissements et l'augmentation des exportations y est sans doute pour beaucoup. Une telle performance devrait s'améliorer encore, et de façon significative en 1984, comme on le verra plus loin. En tout état de cause, 1983 représente un virage important, alors que la proportion des investissements québécois augmentait dans l'ensemble canadien. Il n'en reste pas moins que le relèvement de l'économie du Québec en 1983 ne s'est pas manifesté uniquement par le truchement des investissements. L'augmentation de la production manufacturière, l'augmentation de la consommation, l'expansion des exportations ont eu comme conséquence une forte augmentation de l'emploi qu'il faut maintenant décrire. En août 1981, l'emploi au Québec atteignait, sur une base désaisonnalisée, 2 768 000 postes. En août 1982, l'emploi tombait à 2 546 000, soit, comme je l'ai déjà indiqué, une perte de 222 000 postes. Il y a vingt mois que le creux de la vague fut atteint. Depuis ce temps, il faut constater que les gains d'emplois représentent au Québec, entre août 1982 et avril 1984, 159 000 emplois. De décembre 1982 à décembre 1983, l'augmentation de l'emploi a été de 133 000 postes. En somme, en douze mois, l'emploi au Québec s'est accru de plus de 5%, ce qui est assez remarquable par rapport à tout ce que l'on peut constater dans le monde industriel au cours de la même année. Néanmoins, le taux de récupération de l'emploi au Québec est inférieur en 1983 à celui de l'Ontario, et cela suffit à certains pour conclure que la reprise de l'emploi au Québec est médiocre. En fait, l'économie de l'Ontario est beaucoup plus dominée par les multinationales que l'économie du Québec. Moins écrasée dans ces conditions par la politique monétaire canadienne, l'économie ontarienne ne perdit que le même nombre d'emplois que le Québec, alors que sa population active était de 50% plus élevée. Dans ces conditions, depuis le creux de la récession et grâce à l'augmentation de la production d'automobiles, dont 90% se retrouve en Ontario, l'économie de cette province a rattrapé la totalité de ses emplois perdus. Cela représente 5,8% de sa main d'œuvre. En 20 mois, comme on l'a indiqué, le Québec, depuis le creux de la récession, soit en août 1982, a rattrapé près de 160 000 emplois, soit 6,2% de l'emploi total. On peut toujours soutenir que cela ne représente que 72% des emplois perdus, il n'en demeure pas moins que le taux de croissance de l'emploi, depuis le creux de la récession, a été au Québec largement supérieur à celui du reste du Canada. Pourtant, le taux de chômage reflète mal cette expansion de l'emploi. Du plus fort de la récession jusqu'à maintenant, il n'est tombé que de 15,4% à 13,2%. Le phénomène est explicable. La population active s'accroît normalement à un rythme annuel d'environ 2,5%. Pendant la récession, certains se retirant du marché du travail, la main d'œuvre active baissa pendant quelques mois et se stabilisa jusqu'à la fin de 1982. En 1983, au fur et à mesure où l'emploi augmentait, un nombre croissant de gens revenait sur le marché du travail. Dans ces conditions, si de décembre 1982 à décembre 1983 le nombre d'emplois s'est accru de 133 000, la main-d’œuvre active s'est accrue de 105 000, soit de 3,6% du niveau atteint à la fin de 1982. Il ne faut pas s'étonner, dès lors, que le taux de chômage ait peu fléchi, en tout cas moins qu'on aurait pu le souhaiter. L'évolution de l'économie a eu un impact important sur l'état des finances publiques au Québec. J'ai eu l'occasion d'en discuter de façon assez détaillée à l'occasion de l'énoncé complémentaire sur les politiques budgétaires en novembre dernier. On se contentera, dans le présent discours, de compléter ou de confirmer ce qui déjà se dessinait. À cet égard, M. le Président, je voudrais déposer, en deux exemplaires, le tableau des opérations financières de 1983-1984. Au cours du dernier exercice, les revenus autonomes du gouvernement du Québec, c'est-à-dire ceux qu'il perçoit lui-même, ont augmenté de 8,3% par rapport à l'année précédente. C'est fort peu sur la base des rythmes d'augmentation que l'on connaissait dans le passé. Encore faut-il examiner l'évolution du rendement de chacune des grandes sources de revenus pour interpréter le mouvement de l'ensemble. Le rendement de l'impôt sur le revenu des particuliers s'est accru de 7,4% seulement. Compte tenu du relèvement de l'économie, cela est fort décevant et s'explique néanmoins par le fait que la progression des salaires s'est, à travers l'ensemble de l'économie, affaissée rapidement à la suite de la récession et est restée très faible depuis ce temps. Le net recul de l'inflation a joué aussi dans le sens d'une forte atténuation des augmentations salariales. Il s'agit là d'un phénomène remarquable dont on ne sait combien de temps il durera, mais qui correspond à une réduction manifeste des expectatives de la part des travailleurs organisés et à une tentative tout aussi évidente des entreprises de réduire leurs coûts de main-d’œuvre. Le rendement des impôts sur les sociétés a baissé de 3%. Cela n'est pas surprenant puisque le taux d'imposition des corporations générant la plus grande partie de ces revenus a été réduit le 1er janvier 1983 de 8% à 5,5%. De plus, compte tenu de la profonde chute des profits à l'occasion de la dernière récession, les entreprises ont été en mesure de reporter des pertes et ce, d'autant plus facilement que la période de report avait été étendue lors du dernier budget. Ce n'est que cette année ou même l'an prochain que la hausse des profits se manifestera sur le niveau des impôts perçus. Le rendement de la taxe de vente au détail a été, en 1983-1984, de 17,7% plus élevé que l'année précédente. C'est une hausse impressionnante qui souligne bien à quel point le comportement des consommateurs a changé. Alors qu'en 1982, menacés par le chômage, les citoyens avaient réduit leurs achats et accru leurs épargnes comme mesure de protection, en 1983, la confiance revenant, les achats, en particulier de biens durables de consommation, ont fait un bond en avant. Quant à la taxe sur les carburants, son rendement pour toute l'année 1983-1984 n'a augmenté que de 1 % en raison de l'élimination de la moitié de la surtaxe le 15 novembre dernier. Soulignons enfin que, parmi les revenus autonomes, on retrouve une augmentation très appréciable des dividendes payés au Trésor public par certaines sociétés d'État. Hydro-Québec, qui n'avait pu payer qu'un dividende de 7 000 000 $ en 1982-1983 et qui prévoyait ne verser que 19 000 000 $ en 1983-1984, a finalement versé 60 000 000 $ grâce sans doute à la reprise des ventes d'électricité mais surtout en raison de l'excellence de la gestion de ses coûts. Quant à Loto-Québec, qui avait versé 162 000 000 $ en 1982-1983, elle a accru son dividende de 43 000 000 $ en 1983-1984. Si les revenus autonomes se sont donc accrus au total de 8,3%, les transferts en provenance du gouvernement fédéral ont augmenté bien davantage, soit de 19,7%. Ils ont produit 6 336 000 000 $ en 1983-1984, soit environ 30% de toutes les recettes du gouvernement du Québec et un peu plus de 1 000 000 000 $ au-delà du montant perçu au cours de l'année précédente. Il s'agit pour une bonne part comme j'ai eu l'occasion de l'expliquer lors de l'énoncé complémentaire, de l'effet conjugué de plusieurs phénomènes qui ne se reproduiront pas. La révision de la population et de la production canadiennes a entraîné automatiquement des paiements additionnels applicables aux années antérieures mais payables en 1983-1984. La chute des recettes fiscales perçues par Ottawa au Québec, en raison de l'ampleur de la récession, a automatiquement augmenté la valeur des transferts financiers. Au total donc, l'application des formules de calcul découlant des arrangements fiscaux est venue ajouter près de 300 000 000 $ de plus qu'originalement prévu aux recettes. Pour des raisons que j'expliquerai plus loin, le caractère passager du phénomène excluait que l'on se serve de cet argent pour autre chose que des dépenses qui ne sont pas susceptibles de revenir annuellement par la suite. Quoi qu'il en soit, au total, les revenus en 1983-1984 se seront accrus de 11,5%. En contrepartie, l'augmentation des dépenses, sur une base comparable à celle dont on se sert habituellement, n'a été que de 8,2%. Pour la première fois depuis plusieurs années, la progression des dépenses n'a pas été supérieure à celle du produit intérieur brut. On a ainsi démontré qu'il est possible, si les dépenses publiques sont rigoureusement gérées, de favoriser la reprise de l'économie, d'y injecter des ressources importantes et pourtant de ne pas accroître les dépenses tellement plus rapidement que la production, qu'il faille recourir, tôt ou tard, à des hausses d'impôt pour éviter que le déficit n'explose. En fait, c'est le contraire qui s'est produit puisque l'on a pu, au cours de la même année, réduire de moitié la surtaxe sur l'essence. Puisque cependant nous recevions d'un seul coup et sans possibilité de récurrence pour l'avenir plus d'argent que nous n'en attendions d'Ottawa, il fut décidé d'imputer aux dépenses de 1983-1984, 431 000 000 $ de comptes échéant l'année suivante. Cela veut donc dire que la hausse des dépenses fut portée de 8,2% à 10,2%. Le déficit pour 1983-1984 est évalué de façon préliminaire à 3 113 000 000 $, soit 72 000 000 $ de moins que ce qui avait été prévu à l'occasion du discours sur le budget en mai dernier et près de 170 000 000 $ de moins que l'estimé présenté à l'occasion de l'énoncé complémentaire de novembre dernier. Quant aux besoins financiers nets, ils ont été de 2 222 000 000 $, soit très légèrement inférieurs aussi bien à la projection de mai dernier qu'à celle de novembre. Il faut mettre ces chiffres en perspective. Pour la quatrième année consécutive, le déficit se situe à peu près au même niveau, de même que les besoins financiers nets. En 1980-1981, le déficit représentait 20% des revenus; en 1983-1984, la proportion est tombée à 15%, alors qu'elle atteint 53,6% dans le cas du budget du gouvernement fédéral. En fait, en 1983-1984, les besoins financiers nets per capita de toutes les provinces du Canada étaient supérieurs, sauf dans un cas, à ceux du Québec. Et quant à ceux du gouvernement fédéral, ils atteignaient un niveau largement supérieur à ceux de bien d'autres pays industrialisés. Ces modifications majeures depuis quelques années dans la place occupée par chacun des gouvernements les uns par rapport aux autres, expliquent mieux que toute autre démonstration pourquoi le déficit du budget québécois a été moins mis en lumière dans certains milieux depuis quelque temps que ce n'était le cas, il y a trois ans. Curieusement, ces mêmes milieux font preuve d'une étonnante compréhension à l'égard du déficit fédéral qui pourtant, lui, a atteint des proportions que celui du Québec n'a jamais atteint, ni même de loin approché. Les perspectives économiques au Québec pour 1984 et la première partie de 1985 sont dominées, d'une part, par l'évolution de la situation économique aux États-Unis et d'autre part, par le degré d'efficacité des politiques enclenchées par les pouvoirs publics. La reprise de l'économie aux États-Unis a été beaucoup plus forte qu'on ne l'avait envisagée. Jusqu'ici, l'ampleur du déficit du gouvernement américain a pesé moins lourdement sur l'expansion qu'une expertise historique ne l'aurait laissé entendre. Sans doute, un déficit aussi grand a-t-il fortement contribué à maintenir les taux d'intérêt réels à un niveau étonnamment élevé. Mais justement, le phénomène est paradoxal. On n'aurait guère cru, il y a encore un an, que de tels taux d'intérêt gêneraient aussi peu la reprise. En fait, le désarroi des experts devant ce qui se passe aux États-Unis est remarquable et les projections de mois en mois fluctuent et se dispersent avec une heureuse fantaisie. Il n'en reste pas moins qu'il ne semble pas irréaliste, à l'heure actuelle, de penser que l'économie américaine va progresser d'au moins 5% cette année, et probablement d'environ 3,5% en 1985. Les capacités de production étant bien davantage utilisées, une vague d'investissements est en cours. Le taux de chômage est inférieur à 8%, c'est-à-dire à un niveau nettement inférieur au taux canadien. Et il continue de baisser. La seule ombre au tableau demeure encore les taux d'intérêt. À cet égard, ce qu'on peut dire des États-Unis vaut aussi pour le Canada et pour le Québec. Le choc des hausses prodigieuses des taux d'intérêt de 1980 à 1982 va laisser des traces pour très longtemps sur le comportement des investisseurs et des consommateurs. Toute nouvelle hausse va avoir un effet de freinage sur les intentions d'investir ou d'acheter bien avant que les taux ne rejoignent les sommets que nous avons connus antérieurement. Des mouvements comme ceux que nous connaissons depuis un mois sont donc inquiétants s'ils se poursuivent. Le seuil de tolérance du consommateur et de l'investisseur est probablement plus bas, même nettement plus bas que celui que l'on connaissait il y a trois ans encore. Nous verrons plus loin quel impact cette appréhension a eu sur la définition des politiques économiques actuellement suivies par le gouvernement du Québec. L'économie canadienne ne peut éviter de suivre approximativement ce qui se passe aux États-Unis. Dans certains cas, le parallélisme est à peu près réalisé. Les perspectives d'inflation sont semblables, c'est-à-dire que l'indice du coût de la vie devrait augmenter de 5% à 6% par an en 1984, comme en 1985. Les taux d'intérêt ont suivi depuis plus d'un an à peu près le cheminement des taux américains; cela n'est d'ailleurs pas sans mérite puisque, enfin, le gouvernement canadien et les autorités monétaires ont renoncé à leur politique de maintenir artificiellement le dollar canadien à des niveaux supérieurs à sa valeur réelle. Ils ne se sentent donc plus forcés de fixer les taux d'intérêt canadiens à 3%, 4% ou même 5% au-dessus des taux américains. Les leçons de la débandade de 1982 portent enfin. Quant au rythme de croissance de l'économie canadienne, il semble, à première vue, qu'il suivra ce qui se passe aux États-Unis, avec cependant un peu moins de vigueur. Aussi les perspectives sont d'environ 4,5% pour 1984 et 3% pour 1985. Pourtant, ces pourcentages cachent des distorsions régionales importantes. C'est ainsi que le relèvement de l'économie ontarienne, puissamment alimenté par celui de l'industrie automobile, va approcher 5% en 1984. De même, celui de l'économie du Québec va atteindre un rythme semblable; j'estime, en effet, que le volume de la production au Québec devrait augmenter d'un peu plus de 4,5% en 1984. À l'Ouest cependant, le marasme économique est encore très visible. Non pas sans doute au Manitoba et en Saskatchewan, mais en Alberta et en Colombie britannique, la situation reste difficile. Cette région, la plus dynamique et la plus prometteuse de toutes les régions canadiennes, il y a si peu de temps encore, ne s'est pas encore relevée de l'abolition de mégaprojets, de la politique énergétique dite nationale et des effets de la récession. En ce qui a trait au taux de chômage, les niveaux canadiens restent très élevés, comme je l'ai dit tout à l'heure, par rapport aux taux américains et vont le rester. Après avoir perdu proportionnellement trois fois plus d'emplois que les États-Unis, et en ayant eu un taux de croissance de l'économie un peu inférieur, trois ans de suite, les Canadiens ne peuvent espérer des miracles à ce sujet. Le taux de chômage moyen canadien, qui a été de près de 12% en 1983, serait encore de 10,5% en 1984. Quant au taux québécois de 13,9% en 1983, il serait d'environ 13% en 1984 et devrait baisser à 12,5% en 1985 et peut-être même plus bas si certaines des mesures dont je ferai état plus loin ont un impact assez rapidement. Voilà en guise de toile de fond ce qui semble le plus couramment accepté par les agences de prévision et d'analyse économique gouvernementales et privées, au point où nous en sommes en 1984. Au Québec, tout en tenant compte des perspectives qui viennent d'être esquissées, le nouveau plan de relance défini au milieu de novembre dernier, entre en vigueur programme après programme, si bien que, d'ici peu de temps, il produira des résultats à la fois concrets et mesurables. Ce programme de relance s'appuie sans doute sur un grand nombre d'initiatives qui peuvent être rapidement déclenchées, mais dont les effets seront plus que conjoncturels et affecteront le rythme de la croissance pour les années à venir. On peut en fournir plusieurs exemples. Les nouveaux centres de recherche et la mise sur pied de nouveaux groupes de recherche dans les universités sont destinés, en parallèle avec les programmes fiscaux et de subventions à l'égard de la recherche et du développement de l'entreprise, à accélérer, pendant plusieurs années, le virage technologique. Le programme de reboisement n'a de sens que si, quintuplant le rythme de reboisement au Québec, il dure pendant plusieurs années. Les grands axes de l'investissement public dans la région métropolitaine de Montréal impliquent au bas mot des investissements totaux de 1 500 000 000 $ répartis sur une période de quelques années dans les secteurs de l'épuration des eaux, du transport en commun, du logement, de la rénovation des aires industrielles et des équipements culturels. En somme, sans revenir sur chacun des programmes qui composent le plan de relance, il apparaît clairement qu'il est destiné non plus seulement à accélérer la reprise de l'économie et le rattrapage des emplois, mais à affecter profondément la structure de certains secteurs d'activité. Les sommes engagées reflètent d'ailleurs l'ampleur des efforts: 311 000 000 $ en 1984-1985, 389 000 000 $ l'année suivante et 430 000 000 $ en 1986-1987, soit donc près de 1 100 000 000 $. Si on tient compte du fait qu'une partie des travaux sera financée non pas par des crédits directs, mais par service de dette, les sommes dépensées seront beaucoup plus considérables. Dans le cas d'à peu près toutes les mesures annoncées, l'impact sur l'économie est mesurable. En ce qui a trait à deux très grands programmes du plan de relance, l'effet est plus malaisé à déterminer, si bien qu'on ne peut l'incorporer aux projections économiques des deux prochaines années. Pourtant, leur importance peut être très profonde sur le fonctionnement actuel et potentiel de notre économie. Le premier de ces programmes a trait à l'engagement de 2 000 000 000 $ en garanties de prêts aux entreprises par le gouvernement, les institutions financières assumant le risque d'un autre milliard. On sait que ces garanties sont applicables aux petites et moyennes entreprises engagées dans l'industrie manufacturière, l'hôtellerie et le tourisme, et dans les services techniques. Les prêts ainsi consentis peuvent servir aussi bien au fonds de roulement qu'à de nouveaux investissements. En outre, l'emprunteur peut se protéger pour une période pouvant aller jusqu'à cinq ans contre la hausse des taux d'intérêt moyennant une prime d'assurance assez modeste. Convaincu de la fragilité actuelle des intentions d'investissement des hommes d'affaires eu égard aux hausses de taux d'intérêt, je crois fermement qu'il y a là un moyen essentiel de consolider l'expansion d'entreprises dont le rôle est central quant à la création d'emplois. Déjà, à l'occasion des premières semaines de fonctionnement du programme, plusieurs dizaines de millions de dollars de projets ont été acceptés. Jamais, au Canada, un programme d'une telle ampleur n'a été tenté. Il peut permettre de poursuivre, en dépit des aléas du marché de l'argent, la croissance de l'économie du Québec. À la condition que l'on s'en serve. Je n'ai à cet égard aucun doute quant à la participation d'un certain nombre d'institutions financières puisque leur risque est après tout réduit des deux tiers. Après, cependant, l'expérience de Corvée-habitation, où certaines institutions financières pancanadiennes ont refusé de collaborer sous le prétexte que la même formule n'existait pas ailleurs au Canada, on devient méfiant. Il est à souhaiter que cette fois-ci, même si le gouvernement fédéral ou les autres provinces n'ont pas l'équivalent de ce qui existe au Québec, il n'y aura pas de résistance à appliquer un tel programme pour des raisons qui n'auraient rien à voir avec les règles normales des affaires. Le second programme dont l'effet réel sur l'économie est difficilement mesurable, a trait aux mesures proprement révolutionnaires que le plan de relance a introduites quant à l'administration de l'aide sociale. La tentative est faite de changer en quelque sorte la normalité du système. Jusqu'ici l'aide sociale étant une aide de dernier ressort, on se contentait de distribuer l'aide sans vraiment chercher en même temps à appuyer le bénéficiaire dans ses efforts pour se sortir de sa situation. Il a été décidé de chercher à faire en sorte que l'assisté social soit incité financièrement à produire une prestation de services soit à la société, soit à lui-même. Pour aucun groupe, la nécessité d'une telle approche n'est-elle plus urgente que pour les assistés sociaux les plus jeunes. On trouve en effet parmi les bénéficiaires d'aide sociale, environ 100 000 jeunes de moins de 30 ans, sans responsabilité familiale et aptes au travail. Près de la moitié de ceux-ci n'ont pas terminé leur secondaire V. Dans une société où les exigences du marché du travail deviennent plus astreignantes, aucune vague de prospérité ne peut être assez forte pour rendre employables des jeunes qui, déjà dépassés, risquent de l'être toute leur vie. Dans un premier temps, on s'adressera donc à un premier groupe de 50 000 de ces jeunes assistés sociaux pour leur offrir de retourner terminer au moins leurs études secondaires, de faire des stages d'apprentissage en entreprise ou enfin de travailler à certains emplois de caractère communautaire. L'allocation de base qui est actuellement de 152 $ par mois sera augmentée pour ceux qui accepteront de participer à ces programmes. Enfin, les entreprises qui accepteront des stagiaires seront amenées à compléter l'allocation par un versement de 100 $ par mois. Sur 50 000 affectations prévues, on cherchera à ce qu'il y en ait 30 000 qui soient des stages d'apprentissage en entreprise. Les commissions de formation professionnelle, réorganisées depuis quelques années et qui existent sur tout le territoire québécois, seront chargées de préparer avec les entreprises la mise au point de ces stages. L'apprentissage n'a jamais été très développé au Québec. Pour fonctionner, il ne faut pas qu'il comporte une charge financière trop lourde sur les entreprises. Il ne faut pas non plus qu'il soit une façon déguisée d'obtenir de la main-d’œuvre à rabais. Jamais on ne pourra obtenir la collaboration des syndicats si de sérieuses garanties ne sont pas élaborées à cet égard. L'expérience doit être tentée. Elle n'est pas seulement l'expression d'une responsabilité fondamentale de notre société, elle est aussi essentielle pour la santé de l'économie et pour lui assurer un dynamisme acceptable. L'un des principaux problèmes, passé et actuel, d'une foule d'entreprises, surtout chez les PME, est la disponibilité de main-d’œuvre adéquatement formée. Il devient clair que le gouvernement se doit de tout mettre en œuvre pour favoriser la réintégration au marché du travail du plus grand nombre possible. Si des gestes comme ceux-là ne sont pas posés, l'objectif si souhaitable du plein emploi tournera à la parodie. Dans l'état actuel des choses, en raison du nombre important d'inemployables ou de ceux qui n'ont aucune incitation à travailler, le plein emploi serait probablement atteint lorsque le taux de chômage serait encore aux environs de 7%. Il y a quelques années, il était encore de bon ton de condamner la société de consommation, de soutenir que les valeurs victoriennes du travail étaient périmées et que la société des loisirs s'élaborant rapidement, il était envisageable qu'une partie de ses membres puisse s'éloigner du marché du travail. On voit mieux, maintenant, à quel point c'étaient là les épiphénomènes d'une économie en pleine croissance et encore étonnée de la rapidité de son enrichissement. Puis la récession est venue. La consommation est tombée, pour certains radicalement. Les loisirs ont considérablement augmenté. Près du quart des jeunes ont même été en loisir forcé. La société s'est regardée et n'a pas aimé ce qu'elle voyait. Il n'y a aucun moyen de mesurer l'impact des nouveaux programmes dont je viens de faire état. Il faudra d'abord déterminer le degré de collaboration que l'on pourra obtenir des entreprises. D'autre part, parmi les 50 000 affectations qui représentent, rappelons-le, près de 2% de la main-d’œuvre totale du Québec, on ne peut prévoir si elles toucheront des personnes actuellement classées comme chômeurs ou qui n'apparaissent pas dans la main-d’œuvre active. Normalement, d'ici un an, on pourra y voir plus clair et chercher à évaluer, à la fois, les effets véritables de ce virage et ses conséquences sur les statistiques de l'emploi. Quoi qu'il en soit, j'ai déjà indiqué que l'année 1984 va être marquée au Québec par une augmentation très substantielle de la production nationale. En fait, le Québec devrait connaître une des meilleures performances économiques des provinces canadiennes et la meilleure sur le plan de la création d'emplois. L'environnement s'y prête et les politiques gouvernementales y contribuent puissamment. Nulle part n'est-ce aussi visible que dans le cas des investissements. La prévision pour 1984 est de 14 700 000 000 $, soit 1 000 000 000 $ de plus qu'en 1983. Pour la première fois depuis plusieurs années, les investissements totaux québécois devraient atteindre près de 20% des investissements totaux canadiens. Certaines des projections sont fort encourageantes en ce sens qu'elles indiquent clairement que le travail soutenu du gouvernement et de ses partenaires a porté fruit. C'est ainsi que les investissements privés non résidentiels augmenteraient de 15% par rapport à 1983. Les investissements manufacturiers seraient en hausse de 38% au Québec, alors qu'ils reculeraient de presque 15% dans le reste du Canada. Quant aux investissements dans le secteur de la construction domiciliaire, le succès de Corvée-habitation a été, on le sait, spectaculaire. Au premier trimestre de 1984, les mises en chantier dépassaient au Québec celles du premier trimestre de 1983 de 76%, alors que sur les mêmes bases les mises en chantier avaient reculé de 21% en Ontario et de 7% dans l'ensemble du Canada. Néanmoins, Corvée-habitation doit normalement se terminer le 15 juillet prochain et d'autre part les taux hypothécaires ont récemment nettement augmenté. On pourrait donc s'attendre à une baisse des mises en chantier sur l'ensemble de 1984. Nous verrons plus loin ce que nous entendons faire à ce sujet. Cette longue analyse de l'évolution de l'économie et des politiques gouvernementales est assez révélatrice de ce qui dominera le reste de ce discours sur le budget. Je suis convaincu que les orientations prises jusqu'à maintenant par le gouvernement sont essentiellement celles qui devaient être adoptées, qu'elles sont efficaces et qu'il faut leur donner le temps nécessaire pour en tirer tout l'effet désiré. Il ne faut donc pas imaginer, à l'occasion du présent discours sur le budget, que le temps soit venu de modifier substantiellement l'orientation des politiques. Néanmoins, les circonstances évoluant constamment, il faut procéder à des ajustements, compléter les mesures, modifier tel ou tel programme. Cela relève, cependant, davantage d'une gestion correcte que de changements dans la nature des orientations. On y reviendra plus loin. Nous pouvons maintenant aborder les projections financières de 1984-1985, en commençant par les dépenses. Le livre des crédits a été déposé à la fin de mars. On a donc déjà noté que la hausse prévue des dépenses est de 4,6%. La baisse du rythme de progression des dépenses est donc spectaculaire. Il est évidemment faussé par le fait que, comme j'ai eu l'occasion de le signaler, l'imputation anticipée de dépenses en 1983-1984 a permis de réduire de 422 000 000 $ les crédits de l'exercice en cours. Si l'on ne tient pas compte de cette anticipation, le véritable rythme d'augmentation des dépenses est de 8,2%. Compte tenu du fait qu'on s'attend que le produit intérieur brut en dollars courants augmente de 9,9%, on doit reconnaître que pour la deuxième année de suite la progression des dépenses sera nettement inférieure à la progression de la production. C'est fondamentalement dans la poursuite de ce rééquilibre que résident les possibilités de stabiliser d'abord et graduellement réduire le fardeau fiscal. Ne nous faisons cependant pas d'illusions quant à performance du Québec à cet égard. Toutes les provinces ont procédé, et pour les mêmes raisons, à des coupures de dépenses en 1984-1985, et dans le cas de plusieurs, qui vont plus loin que ce qui s'est fait au Québec. C'est ainsi, par exemple, qu'en Colombie britannique les dépenses tombent en valeur absolue, en même temps que les impôts ont été accrus pour compenser les contributions du public aux dépenses de santé qui ne sont plus admises par Ottawa. Déjà on avait annoncé que le nombre de fonctionnaires serait réduit d'un quart, et jusqu'ici il semble que les intentions - soient en cours d'exécution. En Alberta et à Terre-Neuve, les dépenses n'augmentent que de 1%. Dans quatre autres provinces, l'augmentation des dépenses est inférieure à ce qu'elle sera au Québec. En Ontario, où la progression des dépenses est supérieure à ces autres provinces, le réaménagement des priorités fait que les montants affectés à plusieurs des programmes de dépenses courantes sont simplement gelés. En outre, les contributions au régime d'assurance-maladie ont été augmentées. Au Québec, les crédits de 1984-1985 sont caractérisés par deux grandes orientations: d'une part la poursuite d'une gestion rigoureuse des fonds publics, et d'autre part une priorité absolue à la relance économique. Il s'agit là d'accents qui ne présentent rien de bien nouveau par rapport aux orientations des crédits de l'année dernière. Ce manque d'originalité est, dans les circonstances, qualité plutôt que défaut. Certains souhaiteraient que la prospérité revenant, le gouvernement relâche le contrôle exercé sur les dépenses publiques et qu'il se montre prodigue à l'égard d'une multitude de projets de développement ou d'améliorations de services qui fusent d'un peu partout. En défendant âprement le développement de leurs institutions, ils associent facilement une croissance modeste de leur budget, qui ne répond pas à toutes leurs attentes de développement, à de sombres desseins gouvernementaux visant à diminuer la qualité des services. Nous devons tous être conscients qu'il faut savoir vivre à l'intérieur de budgets qui reflètent la capacité de payer des contribuables, étant entendu que l'amélioration des services se fera au même rythme que l'enrichissement collectif. Il faut se rappeler que l'équilibre actuel a été obtenu par des hausses d'impôts très appréciables. D'autre part, les appuis à la reprise économique vont continuer d'exiger des injections importantes de fonds. Ce n'est que cette année, par exemple, que le niveau de l'emploi reviendra à celui qui avait été atteint à l'été de 1981. Il faut donc continuer à maintenir la croissance des dépenses dans des limites raisonnables. Reconnaissons que, maintenant, nous avons ramené le coût des services publics à un niveau plus comparable à ce qui se fait ailleurs en Amérique du Nord. En somme, on peut rapporter progrès et progrès très appréciable. Aussi, les vastes opérations de compression sont-elles terminées. Cependant, le contrôle de l'expansion des dépenses devra impliquer que l'on procède chaque année à l'examen sélectif d'un certain nombre de programmes et, d'autre part, que l'on suive de près l'administration des programmes existants par ceux qui sont responsables de la gestion des fonds publics. La première question est facile à comprendre. Même une fois passée la phase de grande compression que nous avons connue, il faudra continuer à remettre systématiquement en question, et à tour de rôle, le fonctionnement d'une multitude de services ou d'agences gouvernementales quand ce n'est pas leur existence même. Les besoins changent, les circonstances aussi. Il n'y a pas de raison pour que les contribuables paient des impôts pour des services dont l'utilité est devenue bien marginale ou qui pourraient leur être rendus en procédant autrement ou à moindre coût. Quant au second volet concernant l'administration des programmes existants, la nature de la question est différente: 58% des dépenses prennent la forme de transferts à des institutions. Il y a 250 commissions scolaires au Québec, près de 800 établissements de santé, une cinquantaine d'établissements d'enseignement postsecondaire, sans compter une foule d'institutions plus petites qui sont subventionnées. Toutes ces organisations ont leur conseil d'administration et une direction autonomes. On ne peut imaginer qu'elles soient toutes également bien administrées. En fait, la qualité de la gestion varie beaucoup. Indépendamment du fait que les budgets du gouvernement augmentent rapidement ou sont soumis à de vastes compressions, il y a toujours des organismes qui se révèlent incapables de vivre à l'intérieur des budgets qui leur sont alloués, alors que d'autres y arrivent. Prenons à cet égard le cas des hôpitaux. Depuis des années, bien avant le démarrage des compressions générales, des hôpitaux ont eu des déficits d'opération, alors que d'autres n'en avaient pas. Souvent, plus de la moitié des déficits provenait d'une dizaine d'entre eux seulement. Si on laisse filer ces déficits, les hôpitaux bien gérés renoncent petit à petit aux exigences d'une bonne gestion et la contagion se répand. Il n'y a donc rien d'autre à faire que de forcer les récalcitrants à entrer dans le rang. Il va de soi que les opérations de correction ainsi imposées font hurler conjointement et solidairement le syndicat local et la direction. Mais il n'y a pas d'autre solution. À moins, pour faire disparaître ces flots de déficit, d'élever le niveau de l'eau. Cela prendra alors beaucoup d'eau, c'est-à-dire beaucoup d'argent. Il vaut mieux raser les flots. Indépendamment de ces opérations inévitables et qui devront se poursuivre énergiquement, un certain nombre de besoins additionnels doivent donner lieu à des augmentations de services et donc d ressources. Il est démontré, par exemple, que nous avons besoin davantage de services infirmiers dans les centres d'accueil à cause de l'alourdissement des clientèles. De même, nous sommes encore loin du compte quant au nombre de places en garderie. On constate dans les crédits de 1984-1985 que des avances substantielles sont déjà faites en ce sens. C'est ainsi qu'à l'égard des places en garderie, les sommes ont été débloquées pour en accroître le nombre d'un sixième dans la seule année qui vient. Nous avons mis en place depuis quelques années un programme appelé Logirente, à partir duquel nous remboursons aux personnes âgées de 65 ans et plus une partie de leurs dépenses de logement lorsque leur revenu ne leur permet manifestement pas de les payer en totalité. A l'occasion de la campagne électorale de 1981, nous nous étions engagés à étendre le programme Logirente aux personnes de 55 à 64 ans. J'annonce que, à partir de la prochaine date d'inscription à ce programme, c'est-à-dire le 1er octobre prochain, le programme Logirente s'appliquera aux personnes de 60 ans et plus. Il n'en reste pas moins que, comme on l'a constaté à l'occasion du dépôt du livre des crédits, l'essentiel de la marge de manœuvre du gouvernement est affecté au plan de relance de l'économie. D'ores et déjà, cependant, certains ajustements doivent être apportés pour tenir compte de certains changements de circonstances et d'ajouts qui se sont révélés nécessaires ou qui sont -prêts à être incorporés aux priorités générales. Premièrement, comme je l'ai indiqué, les hausses récentes des taux d'intérêt risquent de déprimer le niveau des mises en chantier de logements. Nous avons atteint l'an dernier plus de 40 000 mises en chantier. Compte tenu de la formation de nouveaux ménages et du remplacement annuel de logements, les besoins normaux de construction sont effectivement de 35 000 à 40 000 logements par an. Or, Corvée-habitation se termine le 15 juillet prochain. Dans le but d'assurer cette année, à l'économie du Québec, un volume suffisant de mises en chantier, j'annonce que Corvée-habitation sera prolongé du 15 juillet au 31 décembre 1984 au taux de 9,5% garanti pour trois ans. La prime, actuellement de 1000 $ que nous avons instaurée en mai dernier après que le gouvernement fédéral eut supprimé la sienne, sera annulée, cependant, après le 15 juillet. Un taux garanti aussi bas devrait, dans les circonstances actuelles, assurer le niveau de construction que nous souhaitons atteindre. Toutes les autres conditions de Corvée habitation seront maintenues jusqu'à la fin de cette année. De même, la prime de 3000 $ par logement coopératif qui devait se terminer le 15 juillet est prolongée jusqu'à la fin de l'année. En ce qui a trait aux contributions à Corvée-habitation, il est proposé au conseil d'administration que les travailleurs et les employeurs ne voient pas leurs engagements augmentés de quelque façon par rapport à ce qu'ils sont actuellement. D'autre part, les contributions des institutions financières, nonobstant les engagements déjà contractés, seraient maintenues à leur niveau actuel et se termineraient en même temps que celles des travailleurs et des employeurs. En tout état de cause, le gouvernement paiera toute exigibilité supplémentaire. Par ailleurs, les personnes qui détenaient un régime d'épargne-logement le 31 décembre 1982 et qui n'auront pas encore utilisé ces fonds se voient accorder un délai additionnel d'une année pour bénéficier de la déduction spéciale pouvant atteindre 10 000 $ s'ils les utilisent aux fins de l'achat d'une maison neuve avant le 1er mars 1986. Ainsi, j'espère qu'une grande partie de ces fonds sortiront des comptes des contribuables et serviront à ce à quoi ils étaient destinés. Je souhaite enfin que les municipalités continuent d'aider la construction résidentielle par des fonds de subventions ou autrement, comme elles ont su le faire depuis 1982. En second lieu, le programme de subventions à l'accélération des investissements tire à sa fin. On se souvient qu'il s'agit d'un programme essentiellement discrétionnaire en vertu duquel le gouvernement peut subventionner jusqu'à 20% de l'accélération d'un projet qui, autrement, aurait été reporté à plus tard, sinon aux calendes grecques. Une telle démarche était parfaitement justifiée au sortir de la récession et elle a eu des résultats spectaculaires, comme on l'a indiqué. Depuis, l'économie s'est redressée et le plan de relance a été enclenché. Il reste que la puissance du levier a été constatée. On continuera donc à subventionner, à partir de mécaniques qui seront définies par le Comité ministériel de développement économique, certaines catégories d'investissement, non pas à cause d'une récession qui s'estompe, mais en raison de certaines priorités de développement. Trois secteurs semblent à cet égard présenter des exigences particulières; il s'agit des mines, des industries de pointe et de la pétrochimie. Le programme d'accélération a jusqu'ici fait des merveilles dans le secteur minier. Près de 500 000 000 $ de travaux ont ainsi été déclenchés. Il reste cependant d'autres travaux, pour plusieurs centaines de millions, qui sont en négociation et qui seraient susceptibles d'aboutir d'ici peu. Les industries de haute technologie prennent de l'ampleur et le ministère de la Science et de la Technologie y contribue puissamment. La nouvelle Agence de valorisation industrielle de la recherche devrait jouer dans le même sens. En raison des risques particuliers des investissements dans ce secteur, il y a lieu d'augmenter encore la contribution gouvernementale aux projets industriels de ce type. Enfin, la pétrochimie québécoise est dans un état déplorable. C'est une mince consolation que de se dire que celle de l'Ontario fait face à des problèmes similaires. Le gouvernement fédéral est tiraillé entre les intérêts respectifs des centres d'Edmonton, de Sarnia et de Montréal. Sans doute a-t-il accepté d'éviter de trancher en subventionnant des déficits. Après avoir suscité cette décision, nous avons accepté de participer aux subventions. Une restructuration va cependant devenir éventuellement nécessaire et elle va impliquer des mises de fonds importantes. Les voies que je viens de tracer ne se substituent pas évidemment à ce qui existe déjà aux divers budgets des ministères à vocation économique, mais viendront les appuyer. Notre société prend de plus en plus conscience qu'un meilleur environnement est essentiel à l'amélioration de la qualité de vie de chacun. J'annonce donc ce soir que le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche commencera à disposer des fonds nécessaires à la réalisation du vaste programme de développement des parcs et des réserves fauniques qu'il a mis au point. Dès cette année, 10 000 000 $ seront consacrés à ces fins pour des parcs situés en dehors de la région métropolitaine. D'autres fonds seront graduellement libérés pour l'aménagement de parcs dans la région de Montréal. Le ministre fournira bientôt les précisions nécessaires à ce sujet. Par cet effort, ajouté à d'autres programmes comme l'épuration des eaux, le gouvernement fait siens les soucis écologiques de la société québécoise. Enfin, l'an dernier, dans le contexte de récession que nous avons connu, j'avais ajouté 25 000 000 $ pour un programme destiné à relier par une route asphaltée au réseau des routes numérotées tous les villages du Québec qui ne l'étaient pas encore, et un autre 25 000 000 $ à la voirie municipale. De tels travaux suscitent l'embauche de beaucoup de main-d’œuvre et cela, souvent dans des régions où le chômage est élevé. Une partie du premier programme va donner lieu à des travaux encore cet été. Le second serait cette année ramené à un niveau trop faible, compte tenu des résultats excellents qui ont été atteints grâce à la collaboration des députés et à l'implication des municipalités, et c'est pourquoi j'annonce ce soir que 15 000 000 $ seront ajoutés aux enveloppes prévues pour la voirie municipale. L'évolution des dépenses depuis le début de l'année financière en cours permet déjà de voir que des crédits périmés apparaîtront à certains postes, dans divers ministères. Les dépenses additionnelles que je viens d'annoncer seront financées à partir du recyclage de ces crédits qui auraient autrement été périmés. La situation des revenus du gouvernement en 1984-1985 est caractérisée par un phénomène inévitable mais sérieux dans ses conséquences: les transferts fédéraux vont tomber. Alors que comme on l'a vu, en 1983-1984 ces transferts ont été de 6 336 000 000 $, ils devraient cette année être réduits de près de 100 000 000 $, et l'an prochain tomber encore. Ce n'est qu'en 1986-1987 qu'une progression devrait se manifester. Tout cela découle des arrangements fiscaux que le gouvernement fédéral a imposés aux provinces en 1982 pour une période de cinq ans. À l'époque, j'avais indiqué à quel point ces arrangements allaient être coûteux pour le Québec en particulier. J'avais alors annoncé que dès 1982-1983 nous allions perdre près de 500 000 000 $. Cette projection ne s'est pas réalisée, d'abord parce qu'à la suite des représentations faites par le Québec et par quelques autres provinces, une garantie temporaire de recettes fut accordée, et puis parce que la révision de la population et de la production nationale nous a favorisés. Tout cela, cependant, ne faisait que reporter les échéances. Cette année, nous y sommes. On trouvera, en annexe, une analyse des paiements de transferts découlant du nouveau programme de péréquation comparés à ce que la poursuite de l'ancienne formule aurait donné, permettant de déterminer l'étendue des pertes que le Québec doit encaisser à ce titre. Il ressort clairement que les finances publiques du Québec subiront l'impact négatif de la nouvelle formule de péréquation de 1982 à compter de 1984-1985, et que la fin de la garantie minimale de péréquation impliquera une chute des droits de péréquation en 1985-1986 de 200 000 000 $. On verra aussi à quel point, dans son acharnement à chercher à déstabiliser les finances publiques du Québec, le gouvernement fédéral aura par inadvertance affecté encore davantage celles du Manitoba. J'incite tous les intéressés à parcourir cette annexe. Pour la première fois, on a trouvé moyen de clarifier les démonstrations et rendre accessible au public une question qui est devenue si complexe que seule une poignée de techniciens s'y retrouvent. La chute des montants de transferts dont je viens de faire état peut paraître faible. Ce qu'il faut bien comprendre cependant, c'est que près de 30% des revenus du gouvernement, au lieu d'augmenter à un rythme analogue à celui du rendement des impôts, vont reculer. La progression moyenne de l'ensemble des revenus budgétaires ne dépassera pas 4,9%, c'est-à-dire sensiblement la même augmentation que celle des dépenses. Les revenus autonomes augmenteront de 7,5%; ceux de l'impôt sur le revenu des particuliers devraient, entre autres, s'accroître de presque 11%; mais la chute de 1,3% des transferts fédéraux réduira l'expansion à venir de l'ensemble des recettes. Dans ces conditions, il est prioritaire que le gouvernement fédéral procède à la réouverture des arrangements fiscaux de 1982-1987 afin de revoir la formule actuelle de péréquation. Une conférence fédérale-provinciale apparaît devoir être la procédure la plus utile à court terme pour examiner la mise en application d'une autre formule de transition qui s'inspirerait des critères énoncés à l'annexe dont il s'agit. L'élaboration d'une nouvelle formule de péréquation qui réponde plus correctement aux objectifs poursuivis par ce programme devrait également être l'un des points prioritaires à l'ordre du jour d'une telle conférence. Il est un autre aspect des transferts fédéraux sur lequel il importe d'insister. La dernière version des arrangements fiscaux qui nous a été imposée maintient le fort taux de réduction de ces transferts en réponse à une amélioration de la situation économique du Québec. On sait que les paiements de péréquation sont destinés à pallier les différences de revenus d'une région à l'autre au Canada, de façon que toutes les régions puissent financer des services publics d'une qualité comparable. Les présents arrangements fiscaux, incluant la plus récente des formules de péréquation, prévoient que si, grâce aux efforts du gouvernement du Québec, le revenu des Québécois augmente, et donc que les recettes d'impôts s'accroissent, non seulement le gouvernement fédéral verra-t-il ses propres recettes d'impôts et de taxes augmenter au Québec, mais il réduira ses paiements de transferts de plus de 50% de nos propres augmentations de recettes. Dans ces conditions, il faut comprendre que sur le plan des finances publiques, la très grande partie de nos efforts de développement économique sert à réduire le déficit fédéral. Pour le bien-être de la population, pour la santé économique des entreprises, pour assurer l'avenir, il faut que ces efforts soient poursuivis avec acharnement. Mais jusqu'à ce que nous ayons changé le statut politique du Québec, les finances du gouvernement traduiront assez peu le fruit de ses efforts. Dans l'intervalle, il faut chercher à faire modifier ces arrangements fiscaux qui ont l'effet d'un véritable carcan. Encore ne peut-on, en dépit de telles contraintes, rester immobiles dans le champ de la fiscalité. Au cours des années, plusieurs réformes en profondeur ont été apportées à la fiscalité québécoise. Dès 1978, on entreprenait un certain nombre de modifications à l'impôt sur le revenu des particuliers, de façon surtout à favoriser les familles à revenus moyens. Dans les années qui suivirent, l'abolition de la taxe de vente dans plusieurs secteurs vient s'ajouter aux orientations antérieures, de même qu'une réforme en profondeur du système de la taxation foncière. Si bien qu'aujourd'hui le contribuable taxé comme marié avec deux jeunes enfants paie moins d'impôts et de taxes jusqu'à un revenu de 31 000 $ que son voisin de l'Ontario. La réforme de la fiscalité foncière faisait partie d'une réforme générale du financement des municipalités. On convient, maintenant, que cette réforme a réglé, de façon remarquable, des problèmes que les municipalités traînaient depuis 20 ans et auxquels jusqu'alors aucun gouvernement n'avait voulu s'attaquer. En 1981, la fiscalité des corporations fut modifiée par trois mesures intégrées les unes aux autres. Les contributions d'employeurs au fonds des services de santé furent doublées, la taxe sur le capital fut augmentée de moitié, mais les taux d'impôts sur les profits furent à ce point réduits qu'aujourd'hui le taux applicable aux corporations est environ le tiers du taux qui est appliqué dans plusieurs autres provinces, dont l'Ontario. En somme, les charges fixes furent augmentées, mais les profits réalisés furent largement détaxés. Cependant, depuis quelques années, nous avons l'habitude de voir le système québécois d'impôt des particuliers être dénoncé de toutes parts, parce qu'il est trop lourd, trop progressif et parce qu'il ne favorise pas suffisamment les familles. En fait, peu de thèmes concernant l'organisation de notre vie en société n'ont donné lieu à autant de critiques. Il faut répartir ces problèmes et ces critiques selon trois niveaux. À l'égard des hauts revenus, on revient constamment sur le fait que l'impôt est à ce point élevé au Québec par rapport à d'autres régions d'Amérique du Nord, mais singulièrement par rapport à l'Ontario, que le recrutement des cadres et des spécialistes en est gêné et que les entrepreneurs préfèrent investir ailleurs plutôt qu'ici. Cette thèse, sous la forme qui vient d'être décrite, a été non seulement soulevée au Québec, mais très largement diffusée au Canada et même aux États-Unis par les intéressés, si bien que, pour une part, les effets qu'ils disaient appréhender se sont produits, au moins en ce qui concerne le recrutement des cadres. Le fait que le coût de la vie à Montréal, même en tenant compte des impôts, soit inférieur à celui de bien d'autres grands centres urbains d'Amérique du Nord et à presque tous les grands centres canadiens, y compris Toronto, n'est pas vraiment entré en ligne de compte. Ce qui ne veut pas dire, bien sûr, que des différences dans la fiscalité sont sans importance. En ce qui a trait aux revenus moyens, le problème est probablement plus sérieux; mais comme celles que l'on appelait autrefois les classes moyennes n'ont guère de voix structurées, il y paraît moins dans le débat public. Il n'en reste pas moins qu'entre 25 000 $ et 40 000 $ la hausse des taux marginaux est accentuée et que l'incitation à travailler davantage, à chercher la promotion dans l'emploi, à se recycler pour améliorer son revenu, est trop faible. Il y a là un danger pour l'avenir du système économique québécois, qui, s'il n'est pas spectaculaire à court terme, est néanmoins très sérieux. Si on ajoute à cela que la compensation fiscale des charges familiales est déficiente, on doit reconnaître que des changements à ce niveau sont devenus nécessaires. Enfin, au bas de l'échelle des revenus, on aborde des problèmes d'une toute autre nature. Les mesures de garantie de revenus, d'aide sociale, de compensation de diverses charges, ont en commun de faire décroître rapidement les prestations au fur et à mesure que le revenu du bénéficiaire s'accroît, parce que, par exemple, il accède à un emploi. Le résultat est alors que celui qui veut trouver ou qui effectivement trouve le moyen de se sortir de la dépendance à l'égard des services publics voit ses augmentations de revenus littéralement confisquées par la combinaison de la baisse des transferts sociaux et des impôts qu'il commence à payer. Nous nous sommes ainsi fabriqué une trappe de pauvreté dont les victimes peuvent difficilement sortir sans recourir à des formules frauduleuses ou illégales d'accès au marché du travail, ou alors en s'appuyant sur des formes d'héroïsme ou de sainteté que l'on n'a pas l'habitude d'exiger des autres groupes de la société. Modifier la structure de l'impôt, ses mécanismes, et, en définitive, ses principes, implique de réexaminer aussi la façon dont les garanties de revenus et les transferts aux plus démunis sont agencés. Tout cela, M. le Président, représente une opération d'une très grande ampleur qui doit, de toute façon, être largement discutée en public avant d'être appliquée. Comme on le sait, c'est la raison de la préparation d'un livre blanc sur la fiscalité des particuliers qui, pour la première fois, exposera l'ensemble de cette question tout en proposant également plusieurs hypothèses de changements. Une commission parlementaire se tiendra à l'automne prochain pour examiner les consensus qui auront pu se former autour du document ou de certains des éléments qui le composent. L'exercice permettra aux contribuables de se prononcer de façon éclairée sur l'un des aspects les plus importants de la vie en société. En raison de la complexité de la tâche, le livre blanc n'a pu être déposé à temps pour, comme je l'ai cru à un moment donné, servir de base au présent discours sur le budget. Il est, cependant, une disposition habituelle des discours sur le budget des dernières années qui devra être modifiée à cause de ce qui vient d'être indiqué. En fait, j'annonce normalement au printemps un taux d'indexation des exemptions personnelles qui est applicable à partir du premier janvier de l'année suivante. C'est ainsi que, l'an dernier, à pareille date, j'ai annoncé un taux de 5% qui a été appliqué à partir du 1er janvier dernier. En raison des changements importants et fondamentaux que proposera le livre blanc et qui feront l'objet de discussions publiques, j'estime qu'il est préférable d'attendre l'issue de ces discussions plutôt que d'annoncer aujourd'hui le taux d'indexation applicable le 1er janvier prochain. Il faut dire que, comparativement à l'inflation que nous avons connue depuis deux ans, l'indexation totale pour les deux dernières années a été fort généreuse par rapport à tous les taux antérieurs. J'aborderai maintenant une série de mesures fiscales d'importance diverse et qui, à une exception près, favoriseront le contribuable. En premier lieu, le péage sur les autoroutes sera aboli. Pendant plusieurs années, les gouvernements successifs du Québec ont imposé le péage sur les autoroutes chaque fois qu'une route parallèle existait à peu de distance de l'autoroute. Lorsque aucune route parallèle n'existait, l'autoroute était gratuite. Le principe était équitable et facile à comprendre. Puis, le réseau d'autoroutes s'étendit et le principe ne fut plus appliqué. Le rétablir voudrait dire construire des kiosques de péage le long de la rive nord du Saint-Laurent, entre Berthier et Québec, et plusieurs kiosques dans la région de Québec et dans la Beauce. Dans la mesure où on se refuse à procéder de la sorte et qu'on garde le système actuel, on maintient une taxe discriminatoire dans la zone métropolitaine et les régions qui l'entourent dans toutes les directions, sauf l'Ouest. La décision a donc été prise de supprimer le péage. L'opération se fera graduellement. Les kiosques de perception doivent être détruits et le tracé des routes corrigé à ces endroits, pour des raisons de sécurité. On doit reclasser la main-d’œuvre et déterminer l'utilisation des installations souvent fort importantes, voisines des kiosques. On commencera par les bouts de ligne, c'est-à-dire les postes les plus éloignés de Montréal dès cet été. D'ici la fin de 1985, selon un échéancier précis qu'annoncera dans quelques jours le ministre des Transports, tous les postes de péage auront disparu. D'ici là, le péage restera fixé à 0,50 $, mais partout aux heures de pointe, il sera réduit à 0,25 $ dès que les appareils de perception auront été modifiés, c'est-à-dire au plus tard le 24 juin. Le 15 novembre dernier, j'annonçais que la taxe sur l'essence et sur le carburant diesel était réduite de 40% à 30%. Cela devait normalement entraîner une réduction d'environ 0,04 $ le litre. Sur une année entière, cette réduction de taxe représentait un montant important pour les contribuables, soit près de 350 000 000 $. Dans les jours qui suivirent, le prix effectivement baissa, et dans plusieurs régions, à cause de guerres de prix, baissa de plus de 0,04 $. Peu de temps après, cependant, aussi bien les stations-service appartenant aux grandes compagnies pétrolières que celles qui appartenaient à des indépendants, montaient le prix de l'essence à un niveau voisin de celui qui avait en moyenne prévalu au cours des mois précédents, empêchant une partie de la réduction de taxe d'être transmise au consommateur et au contribuable. Depuis, dans certaines régions, des baisses de prix passagères se sont produites. Mais on a eu tendance à revenir au taux original. Et dans la région de Montréal, la défense des prix a été fort efficace. Cela, M. le Président, me laisse perplexe. L'abolition de la moitié de la surtaxe exprimait le souci du gouvernement, d'une part, d'alléger le fardeau fiscal du contribuable, lequel avait été amplement sollicité au plus fort de la crise et, d'autre part, d'appuyer la relance économique en rendant disponibles des sommes importantes dont je m'attendais qu'elles augmenteraient d'autant les achats de consommation si nécessaires à la relance. En tant que province, nous n'avons pas le droit d'édicter des lois antitrust ou anticartel. Tous les pouvoirs sont à Ottawa. Nous avons, cependant, le pouvoir, déjà reconnu dans notre législation, de réglementer le commerce de l'essence. Comme il importe de s'assurer que le consommateur profite des baisses de taxes qui lui sont consenties, j'annonce qu'un groupe de travail sera constitué, formé de fonctionnaires des ministères de l'Énergie et des Ressources, des Finances et du Revenu, dont le mandat sera de rencontrer les représentants de l'industrie et d'examiner les mesures à prendre pour s'assurer d'un juste prix de l'essence au Québec. D'ici quelques mois, nous devrions être fixés. Les milieux agricoles demandent depuis déjà quelque temps que l'on exempte les exploitants agricoles de deux dispositions de la fiscalité générale: l'impôt sur les successions et sur les dons d'une part, et la taxe sur le capital dans le cas des fermes constituées en compagnie, d'autre part. Il ne peut être question d'abolir, pour tout un groupe de la société, l'application de principes généraux de taxation. Des aménagements peuvent cependant être apportés. On a déjà reconnu le cas assez spécial de la transmission d'une ferme aux enfants du propriétaire. La valeur des fermes a dans l'ensemble considérablement augmenté depuis quelques années. Un très grand nombre de fermes sont transmises des parents aux enfants. Nulle part ailleurs dans notre société ne demande-t-on à des jeunes de s'endetter de plusieurs centaines de milliers de dollars pour avoir le droit d'exercer leur métier. Et la plupart des cultivateurs n'attendront pas leur mort pour intéresser leurs enfants à la propriété de la terre qu'ils travaillent. Dans ces conditions, je propose qu'à partir de minuit ce soir, tout agriculteur puisse faire don à ses enfants de biens agricoles, sans être assujetti à l'impôt sur les dons, jusqu'à concurrence de 300 000 $, soit trois fois le montant actuel. En outre, si les biens continuent à être utilisés dans l'exploitation d'une entreprise agricole et si les enfants les conservent pendant au moins sept ans, les droits payables seront réduits de 50%. Enfin, les montants prêtés par un cultivateur à ses enfants pour acquérir sa ferme portent souvent intérêt à un taux très inférieur au taux du marché, et la différence est considérée comme un don. Cette différence sera dorénavant amenuisée, en ce sens que le taux d'intérêt prescrit sera établi sur la base de celui des prêts subventionnés au crédit agricole. Si je reçois volontiers ce genre de représentations, la proposition à l'effet de supprimer la taxe sur le capital applicable aux terres appartenant à des compagnies, fussent-elles créées par des agriculteurs, ne me paraît pas évidente. Le statut de compagnie comporte des avantages fiscaux et des inconvénients de même ordre. En tout cas, la proposition demande davantage d'examen. Par ailleurs, tout ce qui s'applique à l'impôt sur les dons dans le cas de biens agricoles, sauf évidemment les dispositions relatives au taux d'intérêt prescrit, sera appliqué aux actions des corporations privées qui exploitent une entreprise active non agricole. Il n'y a pas de raison que le propriétaire d'une entreprise commerciale ou industrielle ne puisse pas, au titre de l'impôt sur les dons, profiter des mêmes avantages, à l'égard de ses enfants. Le régime d'épargne-actions connaît, on le sait, un succès manifeste. En 1983, les Québécois auraient investi près d'un milliard de dollars en actions admissibles à ce régime, bénéficiant ainsi d'un allégement fiscal important. Ces achats d'actions leur permettent aussi de s'impliquer davantage dans la gestion de l'économie et favorisent une meilleure capitalisation des entreprises. Le présent discours sur le budget me permet de faire connaître un certain nombre de modifications mineures au régime d'épargne-actions en vue de faciliter son fonctionnement. Ces modifications sont décrites à l'annexe sur les mesures fiscales, qui fait partie intégrante du discours sur le budget. Si le régime d'épargne-actions est venu grandement soutenir le développement des entreprises à capital-actions, il n'était pas formulé d'une façon facilement accessible aux entreprises coopératives. Aussi est-il apparu nécessaire de créer un régime d'investissement coopératif qui favorisera l'apport de nouveau capital permanent dans les coopératives, tout en permettant aux membres ou aux travailleurs de celles-ci de bénéficier d'un avantage fiscal comme dans le régime d'épargne-actions. Ce régime visera surtout les coopératives de production, de transformation et de travailleurs et l'apport de capital devrait se faire par l'émission de parts privilégiées. Les modalités de ce régime restent cependant à être précisées. On trouvera, en annexe au présent discours, une description sommaire de ce que pourrait être ce régime. Des consultations seront effectuées auprès des milieux concernés par le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, également responsable des coopératives, de façon que la législation fiscale nécessaire à sa mise en place soit adoptée pour l'année d'imposition 1985. Le discours sur le budget me donne, chaque année, l'occasion d'introduire un certain nombre de modifications à la fiscalité qui, sans être majeures, peuvent être d'importance pour certains groupes de personnes ou d'entreprises. Ainsi, j'annonce ce soir un élargissement de la déduction d'impôt pour les Québécois travaillant à l'étranger. On se rappellera que j'avais introduit cette déduction l'an dernier pour les particuliers travaillant à l'étranger pour des entreprises canadiennes dans un certain nombre de secteurs d'activités reconnus tels la construction ou l'ingénierie. Aux fins de cette déduction, on reconnaîtra maintenant les entreprises d'implantation d'informatique, de bureautique et autres entreprises du même genre. Cette mesure favorisera l'accès aux marchés internationaux à d'autres entreprises québécoises de pointe en améliorant leur caractère concurrentiel. J'annonce également ce soir que le moratoire temporaire que j'avais imposé sur la taxation des avantages relatifs au logement et au déplacement des travailleurs en régions nordiques ou dans des postes isolés est indéfiniment maintenu. Ainsi, ces travailleurs continueront de bénéficier des mêmes avantages fiscaux qu'auparavant. Divers autres ajustements fiscaux sont décrits à l'annexe sur les mesures fiscales. Je signalerai notamment un relèvement des plafonds relatifs à certaines dépenses à l'égard d'une automobile ainsi qu'une nouvelle déduction qui tiendra compte de certains frais d'intérêts relatifs aux emprunts effectués pour l'acquisition d'une automobile utilisée pour gagner un revenu. Ces deux mesures devraient bénéficier à de nombreux contribuables. On trouvera également des mesures visant à faciliter au Québec la recherche et le développement de même que la production de films québécois. D'autre part, pendant la période où le gouvernement fédéral réduit les transferts qu'il nous verse, il nous faut inévitablement trouver de nouveaux moyens pour compenser. Nous allons continuer d'augmenter la taxe sur le tabac. Ailleurs au Canada, on l'augmente systématiquement et le Québec n'est pas la province où la taxe est la plus élevée. À partir de minuit ce soir, le taux de la taxe sur le tabac passera de 50% à 55%. Tous les vendeurs de tabac devront faire un inventaire de leurs produits du tabac et faire remise du montant de l'augmentation de la taxe sur ces inventaires en utilisant le formulaire que leur fournira le ministère du Revenu. Cette augmentation est de 0,45 $ par cartouche de 200 cigarettes, ou moins de 0,06 $ par paquet de 25 cigarettes. Pour ceux qui s'interrogent constamment quant aux comparaisons avec d'autres provinces canadiennes, je tiens à souligner que le taux qui prévaudra à partir de minuit ce soir, est très légèrement inférieur à celui qui prévaut depuis un an, en Ontario. J'annonce aussi ce soir que, comme d'habitude, nous avons l'intention d'harmoniser notre législation fiscale à la plupart des mesures annoncées dernièrement par le ministre fédéral des Finances. La liste des mesures d'harmonisation apparaît dans l'annexe sur les mesures fiscales. On notera que certaines dispositions fort importantes n'apparaissent pas dans cette liste. Deux mesures, en particulier, sont pour le moment laissées de côté. La première a trait à la simplification de la fiscalité des petites et moyennes entreprises. L'objectif est louable et les modalités présentées par le ministre fédéral des Finances, fort intéressantes. Nous sommes au Québec intéressés à harmoniser notre législation. Il est clair, cependant, que dans d'autres provinces les propositions présentées par Ottawa vont coûter bien plus cher à celles-ci qu'au trésor fédéral et que la résistance est forte. Comme il ne s'agit pas d'une mesure d'application immédiate, il vaut mieux attendre de voir ce que seront les dispositions ultimes une fois les négociations terminées. On peut en dire autant d'un autre groupe de dispositions énoncées dans le budget fédéral plus importantes encore et qui ont trait à la révision des programmes de retraite et de pension. Nous sommes tous aux prises avec cette question depuis quelques années. Une série de tâches s'impose. Il faut d'abord mieux capitaliser le Régime de rentes existant, autrement les caisses vont se vider. En second lieu, il faut apporter certaines bonifications au régime actuel dont il faut bien admettre qu'il n'est pas, quand on le compare aux régimes d'autres pays, d'une folle exubérance. Troisièmement, il faut faciliter la transférabilité des fonds de pension privés et, sinon leur indexation parfaite au coût de la vie, au moins une certaine adaptation à long terme à l'augmentation des prix. Enfin, il faut réviser les conditions applicables aux régimes enregistrés d'épargne-retraite et autres régimes privés de pension, dans le domaine fiscal en particulier. Sur tous ces sujets, les propositions fédérales présentées en février dernier sont fort intéressantes, encore que peut-être trop généreuses à certains égards. Néanmoins, aucune de ces mesures n'est applicable avant 1985, et leur application s'étale ensuite sur plusieurs années. D'autre part, certaines de ces dispositions ne peuvent pas être mises en vigueur sans l'accord des provinces. En particulier, tout ce qui touche au Régime des pensions du Canada est soumis à un droit de veto de l'Ontario. Or, justement le ministre des Finances de l'Ontario vient de déposer un document dont les recommandations ne sont pas toutes compatibles avec les propositions fédérales. On comprend que, compte tenu de ses échéances électorales, le gouvernement fédéral ait voulu annoncer ses couleurs à l'avance même si d'aucune façon le budget de l'année financière actuelle ne puisse en être affecté. Le gouvernement du Québec, quant à lui, a par le truchement de son Comité des priorités, arrêté les dispositions qui lui semblent appropriées. Plutôt que d'annoncer une harmonisation dont on ne sait pas ce qu'elle entraîner a une fois les discussions terminées, il est préférable d'indiquer qu'après certaines discussions fédérales-provinciales essentielles sur ce sujet, mon collègue le ministre des Affaires sociales, à titre de président du Comité ministériel permanent du développement social, annoncera les dispositions finalement retenues par le gouvernement du Québec. Sur la base de l'ensemble des données dont j'ai fait état jusqu'ici, j'estime à 3 175 000 000 $ le déficit budgétaire pour l'année 1984-1985. Les besoins financiers nets devraient être de 2 100 000 000 $. Le tableau qui suit résume les données nécessaires pour en arriver à ces résultats. Je dépose en deux exemplaires les tableaux en question. Pour la cinquième année consécutive, le déficit sera de l'ordre de 3 000 000 000 $. Le gouvernement du Québec aura été en fait le seul gouvernement du Canada à ne pas augmenter son déficit au cours de la récession, tout en étant le plus actif sur le plan des politiques de relance. Des réaménagements radicaux de priorités auront permis d'en arriver à ce résultat. En outre, compte tenu de l'inflation, le fardeau du déficit a été réduit. En 1980-1981, le déficit budgétaire représentait 4,1% du produit intérieur brut. Cette année, ce ne sera plus que 3,2%. Quant aux besoins financiers nets, c'est-à-dire les montants nets que le gouvernement doit emprunter sur les marchés financiers, ils ne représenteront cette année que 2,1% du produit intérieur brut contre 3,3% en 1980-1981 et, M. le Président, je dois le dire, 2,9% en 1976-t977. En conclusion, M. le Président, le discours sur le budget de 1984-1985 n'annonce donc aucun virage spectaculaire. Sur le plan du développement économique, le gouvernement est persuadé qu'il est engagé sur la bonne voie. Les gestes qu'il a posés sont probants. Le plan de relance doit normalement fournir les résultats attendus. Alors que le relèvement de l'économie du Québec est remarquable, il n'y a pas de raison de changer les orientations fondamentales. Sans doute ne profitons-nous pas sur le plan des finances publiques, autant qu'on le devrait, des effets de la reprise. Sans doute le gouvernement fédéral tire-t-il la majeure partie des retombées fiscales de nos efforts. Et cependant, il endette bien davantage les citoyens du Québec que nous, comme gouvernement, ne le faisons. Cette année, les Québécois seront appelés à supporter leur part du déficit fédéral, soit plus de 7 000 000 000 $ à Ottawa, alors que le déficit qu'ils auront à assumer au Québec sera nettement moins que la moitié de cette somme. Certains voudraient que le gouvernement du Québec soit leur véritable gouvernement. D'autres souhaitent que le gouvernement fédéral demeure le gouvernement réel de leur pays. Reconnaissons simplement que ce gouvernement fédéral nous endette bien plus que nous n'aurions jamais imaginé le faire. Reconnaissons aussi que, sans être responsable de la politique monétaire dévastatrice suivie par le gouvernement canadien en 1981 et 1982, le gouvernement québécois non seulement a essuyé les plâtres mais a assuré un rythme de reprise de l'économie qui, à bien des égards, est exceptionnel. En tout état de cause, reconnaissons aussi que l'économie du Québec commence à manifester le dynamisme qui assure suffisamment de confiance pour que l'on puisse désormais évoquer non seulement en termes politiques ou culturels, mais en termes économiques et financiers, l'assurance d'un avenir qui, pour la première fois, serait celui du Québec et non pas celui d'une sorte de moyenne d'intérêts mal définis qui finalement ne sont jamais les nôtres. M. le Président, je fais donc motion pour que cette Assemblée approuve la politique budgétaire du gouvernement. Merci, M. le Président.