Province Législature a Type de discours Date du discours Locuteur Fonction du locuteur Parti politique Québec 29e 3e Discours du budget 18 avril 1972 M. Raymond Garneau Ministre des Finances PLQ M. Garneau : M. le Président, un État se doit de répartir le plus équitablement possible, non seulement les services qu'il fournit à ses citoyens, mais également le fardeau de l'effort collectif. Son budget concrétise donc la répartition de ces services et de leur coût en tenant compte des priorités établies à la lumière des besoins à satisfaire et des ressources disponibles. Cette année encore, nous continuerons de mettre l'accent sur la croissance économique. Plus concrètement, nous visons quatre objectifs principaux: -Faire en sorte que les dépenses publiques dans l'ensemble ne croissent pas plus rapidement que l'augmentation de la richesse globale; - Soutenir la croissance économique et la création d'emplois par un niveau élevé d'investissements dans les secteurs public et parapublic; - Réformer nos lois fiscales en vue d'une plus grande équité pour tous les 'contribuables, tout en favorisant l'expansion de l'économie; - Poursuivre la réforme du financement des municipalités amorcée lors de la conférence provinciale-municipale de mai 1971, surtout en leur fournissant des ressources additionnelles. J'expliquerai plus loin comment nos programmes de dépenses et les modifications fiscales que je proposerai contribueront à réaliser ces objectifs. Auparavant, je ferai une brève revue de l'exercice 1971/72. Afin d'informer davantage les membres de cette assemblée, je dépose trois annexes à mon discours. L'annexe l présente des tableaux qui résument les principaux indicateurs économiques de 1971 et les perspectives d'investissements pour 1972. L'annexe II contient des tableaux donnant les résultats probables de l'exercice 1971/72. L'annexe III présente des tableaux et des graphiques sur les prévisions de dépenses et de revenus pour l'exercice 1972/73. L'année 1971 a été marquée, chez nous comme ailleurs au pays, par une reprise économique; au Québec, cette reprise s'est manifestée par une hausse du produit national brut de 8.1 %, dont 5.3 % en termes réels. Cette croissance a été suscitée principalement par la demande intérieure qui a connu une augmentation de 9.7 % L'un des éléments principaux du mouvement de la demande intérieure fut certes la croissance des investissements dans la construction, qui a connu un bond de 16.5 % grâce surtout au support des investissements publics. C'est ainsi que le gouvernement du Québec a dépensé pour ses immobilisations propres une somme nette de $370.7 millions comparée à $279 millions pour l'année 70/71, soit une augmentation de 32.9 %. Cette politique expansionniste que nous avons mise de l'avant l'an dernier a certes contribué à la reprise économique, le nombre net d'emplois ayant augmenté de 55,000 en 1971. Néanmoins, un fort accroissement de la main-d’œuvre a maintenu le chômage à un niveau nettement trop élevé de 8.2 %. Dans le discours du budget que j'ai prononcé le 25 mars 1971, je prévoyais des revenus de $3,880.5 millions alors que les dépenses étaient estimées à $4,151.2 millions laissant un déficit de $270.7 aux comptes budgétaires. Selon les données les plus récentes, soit les données réelles de onze mois et une évaluation des résultats du dernier mois, les revenus seront de $3,920.0 millions et les dépenses de $4,268.7 millions. Il y aura donc une augmentation des dépenses de $117.5 millions et un accroissement des revenus de $39.5 millions, laissant un déficit de $348.7 millions aux comptes budgétaires. L'augmentation des revenus provient surtout d'un accroissement marqué du rendement des taxes à la consommation, ce qui confirme bien la reprise de la demande intérieure mentionnée plus haut. Par ailleurs, l'augmentation des dépenses découle principalement de trois facteurs. Premièrement, pour provoquer un niveau encore plus élevé d'activité dans la construction afin de soutenir l'emploi, particulièrement durant les mois d'hiver, le ministère des Travaux publics et le ministère de la Voirie ont obtenu des crédits additionnels de $48 millions dont près de $30 millions pour des fins d'immobilisation. Les dépenses d'aide sociale ont atteint $360 millions, provoquant une addition de $85 millions aux crédits initiaux. Cette augmentation, au cours de la première année complète d'application de la nouvelle Loi d'aide sociale, découle de l'introduction d'une échelle de prestations plus élevées, de l'accroissement du nombre de bénéficiaires et de difficultés administratives qui ont été mises en lumière par les mécanismes de vérification, en particulier celle de février dernier. Troisièmement, nous avons accentué les opérations de rattrapage, principalement dans trois ministères. A la Voirie, nous avons autorisé $17 millions de plus qu'au début de l'année pour le paiement des expropriations. A l'Éducation, nous avons, en fin d'exercice, ajouté par mandat spécial $25 millions à la somme déjà prévue de $50 millions pour le rattrapage des subventions aux commissions scolaires. Aux Affaires sociales, nous avons affecté $22 millions aux hôpitaux pour des comptes accumulés au cours des années antérieures. Ces diverses opérations de rattrapage totalisent $114 millions. Si, à cet effort effectué en 71/72, nous ajoutons une somme de $15 millions affectée à des opérations identiques en 70/71, au ministère des Affaires sociales et de $25 millions à celui de la Voirie, il en résulte qu'au cours des deux derniers exercices, les opérations de rattrapage se sont élevées à $154 millions. Le 25 mars 1971, j'avais prévu un programme d'emprunts de l'ordre de $415 millions dont environ $300 millions sur les marchés réguliers. Ainsi que je viens de le mentionner, le déficit aux comptes budgétaires sera de $348.7 millions; les déboursés extra-budgétaires nets se sont élevés à $186.6 millions, soit un montant total à financer de $535.3 millions. En fait, nous avons emprunté $569.5 millions. L'excédent de $34.2 millions a augmenté les placements à court terme au 31 mars 1972 et sera disponible pour les opérations de l'exercice 72/73. Compte tenu de ce financement effectué en excédent des besoins financiers, nos opérations sur les marchés réguliers sont demeurées sensiblement du même ordre que celles qui avaient été indiquées le 25 mars 1971, grâce au succès qu'a remporté notre campagne de vente d'obligations d'épargne au montant de $144 millions. C'était la première fois depuis 1966 que le gouvernement du Québec avait recours à ce mode de financement. Quant à l'Hydro-Québec, elle avait prévu un programme d'emprunts de $250 millions. En fait, ceux-ci ont été de $332.3 millions qui a permis à cette société de réduire sa dette à court terme et d'augmenter son programme d'investissements. Le mouvement de croissance économique amorcé en 1971 devrait se continuer, en s'accentuant même, au cours de 1972. En effet, les prévisions des principaux pays industrialisés sont en général optimistes. Les États-Unis devraient notamment connaître un taux réel de croissance de 5.5 % et le Canada, de plus de 6 %. Dans la mesure où le dollar canadien ne cédera pas aux pressions à la hausse, la situation de concurrence du pays devrait s'améliorer, mais cette évolution reste soumise à la renégociation du pacte de l'automobile et aux effets de la législation américaine appelée DISC En 1972, le produit national brut québécois devrait croître de plus de 5.5 % en termes réels. Comme ce fut le cas en 1971, les dépenses de consommation et les investissements publics seront élevés. De plus, selon l'enquête fédérale sur les perspectives d'investissements, on s'attend à un accroissement de 10 % des investissements au Québec, dont 13.5 % pour les investissements privés seulement. On prévoit, selon cette même enquête, que les investissements dans les industries manufacturières augmenteront de 14.2 % en 1972, alors que l'on prévoit une baisse de 6 % dans le reste du pays. C'est en fonction de ces perspectives économiques que nous avons conçu notre programme de dépenses pour l'exercice 72/73. D'une part, nous avons freiné le taux de croissance des dépenses courantes afin de ne pas grever inutilement la capacité de payer des contribuables; d'autre part, nous avons voulu maximiser l'impact de nos dépenses sur l'activité économique en maintenant les immobilisations à un niveau élevé. En comprimant à 8 % le taux d'augmentation des dépenses courantes pour l'exercice 72/7 3, nous avons réduit de près de moitié le taux que nous avons connu au cours des années précédentes. Cet objectif sera atteint grâce à la compression des dépenses aux Affaires sociales et à l'Éducation, où les taux ont été stabilisés respectivement à 8 % et à 6 % Même là, il reste encore beaucoup à faire. Le 16 mars dernier, à l'occasion du dépôt des crédits 72/73, je déclarais qu'il s'agissait là de prévisions de dépenses taillées à la mesure de la capacité de payer des contribuables québécois. En arriver à une estimation réaliste de dépenses qui témoigne d'une diminution considérable de leur taux de croissance n'est pas une tâche facile quand les besoins de toute nature pour de nouveaux programmes sont si nombreux. Je voudrais, ici, remercier mes collègues de l'étroite collaboration qu'ils m'ont apportée dans la préparation de ces estimations de dépenses et dans ce contrôle plus efficace, la croissance des coûts des dépenses dans le secteur des programmes ordinaires. Sans leur collaboration, il aurait été impossible d'atteindre cet objectif. Au cours de la dernière décennie, la réforme de l'éducation, la mise en place de l'assurance hospitalisation, de l'assurance-santé et de la nouvelle loi d'aide sociale ont non seulement grevé les budgets en termes absolus et relatifs, mais ces programmes ont connu des taux d'accroissement de dépenses qui dépassaient largement le taux de croissance régulier du rendement des impôts. Le Québec, comme l'a indiqué le Chef du gouvernement lors du discours inaugural, doit apprendre à vivre selon ses moyens. C'est à cette dure réalité que nous convoquons les Québécois depuis notre arrivée au pouvoir en 1970 et c'est à cette tâche que nous nous sommes attachés depuis lors. Cette opération a dû s'effectuer dans un climat économique et social parfois difficile, en plus du fait qu'il nous fallait effectuer beaucoup de rattrapage dans le paiement de comptes qui, dans les secteurs de l'éducation et de l'hospitalisation, remontaient aussi loin qu'aux années 1966, 1967 et 1968. La réalité à laquelle nous devons faire face est la suivante: Notre effort fiscal atteint des limites que nous ne saurions dépasser sans mettre en péril notre développement économique et l'esprit d'initiative dont le Québec a besoin pour assurer la croissance de tous les secteurs de son économie. C'est pourquoi nous devons viser à assurer un niveau d'imposition qui puisse se comparer avantageusement avec celui de nos concurrents immédiats. Lorsqu'un industriel choisit un site pour implanter une nouvelle usine, il y a certes les avantages naturels comparatifs dont il fait l'analyse approfondie, mais il y a également la fiscalité qui joue un rôle important, surtout pour l'entreprise manufacturière. Si, cette année, nous avons ramené le taux de croissance des dépenses gouvernementales de 16 % à 8 %, notre objectif pour 73/74 doit être un taux de croissance encore inférieur, surtout pour les programmes établis. Je réfère en particulier aux programmes sociaux et d'éducation puisque, à eux seuls, ces deux secteurs accaparent près de 70 % des dépenses de l'État. À titre d'exemple, pour quiconque analyse l'évolution des dépenses dans le secteur universitaire et prend connaissance des taux d'accroissement des coûts qu'a connus ce secteur au cours des dernières années, il y a matière à réflexion. En 67/68, le secteur universitaire présentant des coûts globaux - sujets aux subventions du ministère de l'Éducation - de $97 millions et en 72/73, soit cinq ans plus tard, ceux-ci atteindront $260 millions; les taux annuels d'accroissement ont été très élevés, atteignant même 29 % en une seule année. Pour 72/73, l'accroissement prévu des dépenses sujettes à des subventions du ministère de l'Éducation est de 23.5 %, ce qui demeure trop élevé si l'on considère que la clientèle en milieu universitaire ne devrait augmenter que de 4.2 % et, surtout, si l'on met cette augmentation en regard des contraintes imposées à l'ensemble de l'activité gouvernementale. Mon collègue, le ministre de l'Éducation, présentait récemment la répartition des subventions entre les différentes universités québécoises pour 72/7 3. Dans notre budget de dépenses, nous avons dû tenir compte de subventions de $205 millions, étant donné que le processus de consultation avec les universités avait commencé sur cette base à l'automne. Par contre, dans l'examen des crédits pour les autres secteurs de l'éducation, nous avons pu préciser jusqu'en février les contraintes que nous avions établies à l'automne. C'est pourquoi j'ai demandé à mon collègue de réexaminer la réserve générale prévue dans le montant total des subventions aux universités et de procéder à des ajustements après vérification des inscriptions qui seront connues avec précision durant l'année académique 72/73. Ainsi, le secteur universitaire sera soumis au même genre de contraintes que celles qui ont été imposées aux secteurs émargeant à notre budget. La dernière décennie a été celle de la réforme de l'éducation et la collectivité québécoise y a, à juste titre, investi des sommes considérables. Si nous voulons que les années 1970 puissent bénéficier de ces investissements en terme de développement économique, il faut que cette période en soit une de stabilisation de la croissance des coûts dans ce secteur. Une telle stabilisation des coûts est d'autant plus nécessaire que l'État a besoin des disponibilités financières additionnelles, que ce soit pour diminuer le niveau général d'imposition ou encore pour mettre en œuvre des programmes plus directement liés à la création d'emplois et à la modernisation de l'équipement de production, à la recherche scientifique et industrielle et au recyclage des travailleurs affectés par l'évolution de la technologie. Entre ce qui est possible et ce qui est souhaitable, il faut faire des choix qui respectent la capacité de payer des contribuables. Tout en appliquant un frein à l'augmentation des dépenses courantes, le gouvernement entend contribuer au maintien d'un niveau élevé d'activité économique en continuant, comme l'an passé, à mettre en œuvre un fort volume de dépenses d'immobilisations. Nous avons donc proposé $462.4 millions d'investissements bruts à nos ministères, ce qui représente des taux d'augmentation de 8 % par rapport à la dépense probable de 71/72 et de 41 % par rapport aux dépenses de l'année 70/71. Ces investissements vont servir principalement à des travaux de voirie, conformément au programme que nous présentions en décembre dernier. À ces investissements de nos ministères, il faut ajouter ceux que nous avons autorisés pour les sociétés d'État et les autres organismes parapublics. Ils s'élèveront en effet à $1,135.1 millions en 72/73, comparativement à $921.9 millions en 71/72, soit une augmentation de 23 % La majeure partie de ces investissements seront réalisés par les commissions scolaires ($348 millions), par l'Hydro-Québec ($340 millions) et par la Société de développement de la baie James ($110 millions). On trouvera le détail de ces investissements au tableau 2 de l'annexe III. Quant aux revenus, ils s'établiront à $4,231.0 millions, comparativement à $3,920.0 millions pour l'exercice qui vient de se terminer, soit une augmentation de $311 millions ou 7.9 %. Le gros de l'accroissement des recettes fiscales (tableau III-3) provient du rendement des impôts sur le revenu et sur les biens. En effet, nous prévoyons que ceux-ci augmenteront de $252.3 millions. Cette augmentation comprend un montant de $13 millions qui provient de la part de 25 % de l'impôt successoral que le Québec perçoit lui-même depuis le 1er janvier 1972; antérieurement, cette part de 25 % était perçue par le gouvernement fédéral et inscrite sous la rubrique des versements fédéraux. Il y aura également une augmentation de $108.0 millions du rendement des taxes à la consommation. Par contre, nous prévoyons une diminution de $79.6 millions des revenus provenant du gouvernement fédéral. Cette réduction est surtout attribuable aux ajustements annuels des versements de péréquation pour les années antérieures. Alors que ceux-ci ont été de près de $100 millions au cours de chacune des deux dernières années, ils seront pratiquement nuls au cours de l'exercice 72/73 étant donné qu'il s'agit de la fin des accords fiscaux qui avaient été signés pour 67/72. En résumé, les crédits nets pour l'exercice 72/73 seront de $4,613.9 millions, dont $391.4 millions pour les immobilisations. Par contre, les revenus s'établiront à $4,231.0 millions laissant un déficit de $382.9 millions. Les déboursés extrabudgétaires sont évalués à $275.3 millions, ce qui laisserait un montant de $658.2 millions à financer. Toutefois, en tenant compte de cette partie des crédits qui ne seront pas utilisés en fin d'exercice, j'estime que les besoins financiers s'élèveront à $590 millions. Déjà, ainsi que je l'ai indiqué précédemment, un montant de $34.2 millions est disponible pour l'exercice 72/7 3. En second lieu, nous avons conclu avec le gouvernement fédéral des arrangements au titre des zones spéciales et à celui du programme spécial de prêts fédéral-provincial pour un montant de $78 millions. Troisièmement, nous comptons recourir de nouveau à l'émission d'obligations d'épargne pour quelque $100 millions. C'est donc une somme de $380 millions que nous obtiendrons sur les marchés réguliers. A ce propos, rappelons que nous rembourserons au cours de l'exercice 72/73, quelque $130 millions de dette échue sur ces marchés. Ces liquidités additionnelles entre les mains des prêteurs faciliteront la mise en marché de nos nouvelles émissions. L'Hydro-Québec, pour ses propres besoins ainsi que pour ceux du développement énergétique de la baie James, se propose d'emprunter $385 millions. Pour les emprunts sur les marchés réguliers, aussi bien que pour nos propres besoins que pour ceux de l'Hydro-Québec, nous aurons recours le plus possible au marché canadien afin de ne pas contribuer à augmenter la pression sur le dollar canadien. Toutefois, il convient de rappeler que nous devrons acheter environ $200 millions de monnaies étrangères en vue de payer des intérêts, de pourvoir à différents fonds d'amortissement et de rembourser les emprunts qui viennent à échéance au cours de l'exercice. En dépit des efforts considérables pour abaisser le taux de croissance des dépenses, il n'en reste pas moins que le montant à financer pour l'année 72/73 demeure élevé. Il nous fallait faire des choix et nous les avons faits. Compte tenu de la situation économique et de l'effort fiscal actuel, le gouvernement a décidé, pour une troisième année consécutive, de ne pas augmenter les impôts. M. le Président, non seulement avons-nous décidé de ne pas augmenter les impôts, nous avons décidé de les baisser. J'expliquerai dans quelques instants des mesures que nous avons prises à cet effet et les secteurs que nous entendons toucher. Dans le domaine des finances publiques, notre gouvernement a entrepris, dès son accession au pouvoir, deux réformes majeures: l'assainissement des dépenses de l'État et la révision de la fiscalité. Dans ce dernier domaine, nous avons élaboré des mesures destinées à alléger le fardeau fiscal d'un grand nombre de contribuables et à procurer aux municipalités des recettes additionnelles. Ce soir, je proposerai d'autres mesures dans le même sens. Concernant l'impôt sur le revenu: Le 23 décembre dernier, j'ai exposé devant cette assemblée les grandes lignes de notre réforme en ce qui a trait à l'impôt sur le revenu des particuliers et des compagnies. Mon collègue, le ministre du Revenu, déposera au cours des prochaines semaines le texte de la nouvelle législation à ce sujet. Ainsi que je l'ai signalé précédemment, le but de cette réforme en profondeur est de doter le Québec d'un régime fiscal plus équitable. Qu'il me soit permis d'en résumer les principaux éléments. À compter du 1er janvier 1972, les exemptions sont portées de $1,000 à $1,500 pour les célibataires et de $2,000 à $2,850 pour les personnes mariées, tout en maintenant pour les mêmes personnes les exonérations respectives de $2,000 et de $4,000. Ces exemptions plus généreuses auront pour effet d'alléger de façon très marquée la charge fiscale des contribuables à revenu modeste. De même, la nouvelle loi sera plus généreuse à l'endroit du salarié en lui permettant la déduction de dépenses qui étaient refusées auparavant. C'est ainsi, par exemple, qu'il pourra dorénavant déduire les frais professionnels encourus pour l'achat d'outils ou de vêtements spéciaux nécessaires à son travail, les frais de déménagement lorsqu'il doit changer le lieu de sa résidence en raison des exigences de son emploi et, dans le cas des mères de famille qui travaillent hors de leur foyer, les frais de garde d'enfants. On se souviendra que le Premier Ministre avait prôné cette mesure lors du discours du budget qu'il prononçait le 18 juin 1970. L'an dernier, nous avons permis aux cultivateurs, aux pêcheurs, aux artistes et aux athlètes professionnels d'étaler leurs revenus sur un certain nombre d'années afin d'éviter qu'ils ne soient imposés à des taux marginaux trop élevés. La réforme fiscale voit à ce que le privilège de l'étalement soit étendu à tous les contribuables dont les revenus fluctuent fortement d'une année à l'autre. En outre, les cultivateurs et les pêcheurs pourront bénéficier des mêmes privilèges d'étalement que dans le reste du pays. Pour les compagnies, la réforme prévoit la déduction de l'intérêt versé sur les emprunts contractés pour l'achat d'actions de compagnies et l'amortissement des dépenses destinées à l'achat d'actifs incorporels comme l'achalandage. Ces mesures permettront à nos compagnies de mieux soutenir la concurrence des sociétés étrangères dans l'acquisition d'entreprises déjà existantes. Elles rendront ainsi plus facile l'intégration de certains secteurs industriels et commerciaux où la taille des entreprises est trop petite pour que celles-ci puissent être rentables. Cinquièmement, le fisc sera dorénavant plus sévère à l'endroit des entreprises et des professionnels quant à la déduction de certaines dépenses à caractère plutôt personnel, comme, par exemple, les cotisations à des clubs, les dépenses pour achat de yachts ou de chalets, les frais encourus pour assister à des congrès et autres dépenses de cette nature. De même, certains revenus qui étaient jusqu'ici exemptés deviennent maintenant imposables. C'est ainsi que 50 % des gains de capital seront ajoutés au revenu du contribuable, qu'il s'agisse d'un particulier ou d'une compagnie. Selon le même principe, 50 % des pertes de capital seront admises à la déduction. Toutefois, les gains provenant de loterie, comme ceux de Loto-Québec, continueront d'être exemptés de l'impôt. Voilà les éléments majeurs de la réforme en profondeur que nous ferons de l'impôt sur le revenu. Si nous n'avions pas tant de dettes de l'ancien gouvernement à payer, nous pourrions peut-être en mettre un peu plus. Comme il s'agit d'un champ fiscal partagé entre le gouvernement fédéral et les provinces, les mesures proposées sont le fruit d'un effort conjoint. Les deux ordres de gouvernement se sont concertés à plusieurs reprises et le Québec a participé très activement aux discussions qui ont abouti à la réforme proposée. En particulier, lors de la conférence de Winnipeg, en juin 1970, le premier ministre a proposé tout un ensemble de mesures concernant l'imposition des gains de capital et les relations entre les compagnies et leurs actionnaires; elles font maintenant presque toutes partie de la réforme fiscale. C'est lui également qui, lors de discussions avec le gouvernement fédéral, a obtenu un régime réaliste d'imposition des compagnies minières, lequel a rendu possible la mise en chantier de plus d'un demi-milliard de nouveaux investissements sur la Côte Nord. Ainsi que je l'ai expliqué en décembre dernier, nous voulons assurer une meilleure distribution de la charge fiscale entre les différents groupes de contribuables et moderniser nos lois tout en les harmonisant avec celles qui sont en vigueur au pays. Au sujet de l'impôt sur le revenu des compagnies, je voudrais rappeler à cette Assemblée la mesure qui a été prise l'an dernier en vue de stimuler l'investissement manufacturier au moyen d'avantages fiscaux. En effet, la Loi favorisant le développement industriel au moyen d'avantages fiscaux, adoptée l'an dernier, permet aux compagnies de déduire de leurs bénéfices, selon différentes zones, 30 %, 50 % ou même 100 % des sommes investies dans des usines ou de l'équipement. L'investissement effectué doit être important, c'est-à-dire $150,000 au moins, et mettre en œuvre une technologie avancée afin de produire des biens de conception nouvelle, des biens non encore fabriqués au Québec ou qui sont insuffisamment fabriqués par rapport à la demande des marchés en voie de croissance. Comme l'impôt québécois sur les bénéfices des sociétés est de 12 %, cet avantage équivaut, selon la zone où l'investissement a lieu, à un dégrèvement de 3.6 %, 6 % ou même 12 % On sait que la province d'Ontario accorde un dégrèvement de 5 % des nouveaux investissements faits chez elle. Ce stimulant fiscal s'applique aux investissements faits entre le 1er avril 1971 et le 31 mars 1974. Il a été adopté en même temps que la création de la Société de développement industriel et nous anticipons qu'il donnera réellement sa pleine mesure au cours des mois à venir. Dans le cadre de ce programme d'aide au développement industriel, je propose d'exempter de la taxe de vente de 8 %, la machinerie industrielle achetée entre minuit ce soir et le 31 mars 1975. Par machinerie industrielle, j'entends celle qui est achetée pour la fabrication ou la transformation des produits. Elle ne comprend pas l'équipement destiné au chauffage, à l'éclairage et à la ventilation des édifices, par exemple. De plus, le Québec continuera d'accorder le dégrèvement proportionnel aux ventes faites hors du Québec. On sait que ce rabais s'applique non seulement à la taxe de vente payée sur la machinerie industrielle, mais également à celle qui est versée sur les achats imposables faits par nos entreprises, tels que meubles de bureau, camions, etc. M. le Président, une autre taxe qui, je pense, est désuète. Une taxe qui rapporte peu, qui coûte cher de perception et qui cause de nombreux ennuis à nos entreprises est la taxe sur le transfert des valeurs mobilières, comme les obligations, les actions et autres valeurs de même nature. Sa perception est très onéreuse tant pour les bourses, les courtiers en valeurs mobilières, les banques et les compagnies de fiducie que pour le gouvernement lui-même. Comme son taux varie selon la valeur des titres, ces entreprises doivent faire le calcul de la taxe pour chaque transaction. Quant au ministère du Revenu, il doit, en plus de vérifier l'exactitude des remises faites par les agents autorisés, percevoir lui-même la taxe sur le transfert des actions qui ne sont pas transigées à la bourse, ce qui l'oblige à maintenir plusieurs dizaines de milliers de dossiers. La taxe sur le transfert des valeurs mobilières, en plus d'être ce que l'on appelle une taxe de nuisance, ne répond pas au critère de l'équité. De plus en plus, le petit épargnant achète ou vend des valeurs mobilières soit directement, soit par l'entremise de caisses de retraite ou autres institutions qu'il charge de placer ses épargnes. D'ailleurs, l'imposition des gains de capital est une mesure beaucoup plus efficace d'imposer ceux qui font des transactions boursières. En conséquence, la taxe sur le transfert de valeurs mobilières est abolie à compter de minuit ce soir. Concernant les dons entre vifs, dans ma déclaration du 23 décembre, j'ai annoncé que le Québec percevrait l'impôt sur les dons entre vifs qui était auparavant prélevé par le gouvernement fédéral. Cet impôt remplace l'impôt fédéral et vise à protéger les recettes de l'impôt successoral en empêchant le morcellement des patrimoines. Les exemptions annuelles proposées furent les suivantes: $2,000 par personne avec un maximum de $10,000. Je constate que l'exemption de $2,000 est trop faible dans le cas de dons faits au conjoint et qu'elle risque de créer des injustices. Je propose donc que l'exemption annuelle pour les dons faits au conjoint soit portée à $5,000, l'exemption pour les dons faits à d'autres personnes demeure à $2,000 avec un maximum de $10,000. Cette modification sera rétroactive au 1er janvier 1972. Il convient également d'accorder une exemption spéciale de $25,000, dont un cultivateur pourrait bénéficier une fois dans sa vie, lorsqu'il fait don entre vifs de sa terre ou autres biens agricoles à l'un ou plusieurs de ses enfants. C'est donc dire que la majorité des terres pourront passer d'une génération à l'autre sans être soumise à l'impôt sur les dons entre vifs. Celles dont la valeur dépasse $25,000 ne seraient imposées que sur l'excédent de ce montant. Cette mesure s'appliquera également à compter du 1er janvier 1972. À plusieurs reprises dans le passé, et en particulier dans ma déclaration de décembre dernier, j'ai annoncé que je proposerais à cette assemblée des changements à notre Loi des droits sur les successions qui, malgré certaines modifications apportées au cours des années, est demeurée passablement désuète. Ces changements se feront en deux étapes: Certains prendront effet dès minuit ce soir, tandis que les autres s'appliqueront à compter du 1er janvier 1973. Bien que la chose soit plutôt rare, il arrive qu'un héritier décède dans un court laps de temps après avoir hérité lui-même. Une telle situation peut parfois créer un poids fiscal trop onéreux: l'impact de deux impôts coup sur coup. Je propose donc qu'une succession qui s'ouvre moins d'un an après une autre soit réduite de 50 % à condition que le remploi des biens transmis puisse être établi à la satisfaction du ministre du Revenu. Cet amendement aura effet à compter de minuit ce soir. Une situation qui cause de nombreuses tracasseries est celle de l'imposition des biens meubles des successions étrangères, c'est-à-dire des successions dont des biens situés au Québec sont laissés par un défunt domicilié hors du pays à un bénéficiaire également domicilié hors du pays. Ces biens sont constitués de dépôts bancaires, d'obligations au porteur, d'actions de compagnies et autres valeurs mobilières. L'Alberta n'exige évidemment aucun droit sur de tels biens puisqu'elle n'a pas d'impôt successoral. Le Manitoba, la Saskatchewan et les provinces de l'Atlantique n'en exigeront pas davantage puisqu'elles imposeront les bénéficiaires et non les biens. Il y a donc danger que les biens meubles détenus par des étrangers soient dorénavant transportés et inscrits dans les autres provinces afin d'échapper au fisc québécois. Nos institutions financières, qui sont une source importante d'emploi, risquent ainsi de perdre des clients importants. Je propose donc d'exempter complètement, à compter de minuit ce soir, les biens meubles, y compris les hypothèques, situés au Québec mais laissés par un défunt domicilié hors du pays à un bénéficiaire également domicilié hors du pays. La perte de recettes fiscales en sera plutôt négligeable et une telle mesure contribuera à créer ce climat de confiance dont notre économie a besoin pour se développer à un rythme satisfaisant. En plus de ces réformes immédiates, il convient de modifier davantage notre impôt successoral pour tenir compte de l'action des autres provinces face à l'abandon par le gouvernement fédéral de ce champ d'imposition et du fait que nous imposons maintenant les gains de capital. Il ne faut pas perdre de vue, en effet, qu'il y aura désormais gain de capital, non seulement lors de la disposition d'un bien, mais également au décès d'un individu. Cependant, son impact ne se fera sentir que graduellement, c'est-à-dire au fur et à mesure que l'on s'éloignera du jour de l'évaluation, soit la fin de 1971. Il convient donc de réduire progressivement notre impôt successoral. Une première étape sera franchie par l'adoption des mesures suivantes: 1. Nous abolirons à compter du 1er janvier 1973, la majoration de 25 % que nous avons décrétée pour 1972 afin de percevoir nous-mêmes la part de 25 % de l'impôt successoral qui était perçue, pour notre compte, par le gouvernement fédéral depuis 1964. 2. L'exonération pour la ligne directe, que nous avons portée à $100,000 au 1er janvier 1972, sera majorée de $50,000 pour atteindre $150,000 le 1er janvier 1973. 3. Au 1er janvier 1973 également, l'exonération pour les autres successions sera portée à$10,000. Rappelons qu'elle est de $1,000 pour la ligne collatérale et qu'il n'y a rien pour les autres successions. Mais ce n'est pas tout. La réforme proposée, ce soir, n'est qu'un premier pas vers l'abandon graduel de l'impôt successoral. Maintenant que les gains de capital sont imposés et qu'il y a présomption de gain au moment du décès, l'impôt successoral a moins sa raison d'être comme mesure de redistribution de la richesse. Toutefois, l'abandonner immédiatement me semblerait prématuré, puisque l'imposition des gains de capital ne donnera pas son plein effet avant quelques années encore. C'est pourquoi j'opte pour l'abandon graduel. Au cours des années futures, d'autres allègements seront apportés à la lumière de l'impact de la taxe sur les gains de capital et de l'action des autres provinces. Cet abandon graduel de l'impôt successoral s'inscrit dans le cadre de notre politique de développement économique. Il contribuera à conserver les patrimoines québécois et à rendre plus facile le passage des entreprises familiales d'une génération à l'autre. Il empêchera, j'en suis convaincu, certains de nos citoyens fortunés qui sont à leur retraite de chercher refuge fiscal là où l'impôt successoral est moindre ou inexistant. Je voudrais insister sur le fait que l'impôt successoral québécois, ainsi modifié, sera, de façon générale, moindre que dans les autres provinces, à l'exception, bien entendu, de l'Alberta qui ne lève pas cet impôt. Toutes ces modifications à la fiscalité provinciale, qu'elles s'appliquent à l'impôt sur le revenu, à la taxe de vente sur la machinerie industrielle, à la taxe sur le transfert des valeurs mobilières ou à l'impôt successoral, s'inspirent largement du rapport de la commission d'enquête sur la fiscalité au Québec, rapport auquel a largement contribué notre premier ministre actuel avant son entrée dans la vie politique. Elles visent à doter le Québec d'un régime fiscal plus équitable et qui favorise en même temps la croissance économique. Dans le domaine municipal, M. le Président, le présent gouvernement n'a pas tardé à apporter des améliorations importantes au financement des municipalités en s'inspirant également des recommandations de la Commission Bélanger. Dès l'exercice 1971/72, nous avons prévu des crédits destinés à permettre aux municipalités d'imposer les CEGEP et les universités à raison de $25 par élève, ce qui leur procure un revenu additionnel de quelque $3 millions. En outre, la Loi de l'évaluation foncière dote nos municipalités de pouvoirs d'imposition mieux définis et plus uniformes. Je n'hésite pas à dire que l'uniformisation des rôles d'évaluation et des pouvoirs d'imposition constitue une condition préalable à toute réforme en profondeur de la fiscalité municipale. Dans mon discours de l'an dernier, j'indiquais les grandes lignes des mesures que nous entendions adopter en vue d'augmenter les ressources financières des municipalités. Voici les principales mesures qui seront prises à cette fin au cours du présent exercice: 1- Il y aura d'abord une diminution des charges municipales pour les services sociaux et de santé, suite à l'implantation graduelle, par le ministère des Affaires sociales, de centres locaux de services communautaires. Dans le même ordre d'idées, l'abolition de la contribution des municipalités au financement des unités sanitaires leur épargnera quelque $2 millions annuellement. 2- Comme nous le faisons déjà pour les universités et les CEGEP, nous permettrons aux municipalités de soumettre les centres hospitaliers et les centres d'accueil (tel que défini dans la loi 65) à l'impôt foncier municipal à raison de $35 par lit pour les premiers et de $20 par lit pour les seconds. Ces montants sont établis en attendant que les biens-fonds en question soient évalués de façon uniforme et satisfaisante à travers tout le Québec. Cette nouvelle mesure rapportera environ $3 millions de revenus additionnels aux municipalités. 3- Nous versons, depuis déjà quelques années, une subvention en guise d'impôt foncier sur nos propres édifices. Cette année, la nomenclature des édifices donnant droit à la subvention sera étendue aux laboratoires, aux centres de recherches, aux fermes expérimentales. Nous paierons également aux municipalités une subvention en guise d'impôt foncier, à raison de $25 par élève, pour les écoles possédées par le gouvernement et gérées directement par lui, comme l'École de police et l'École d'hôtellerie. Même le député de Nicolet va en bénéficier. Ces élargissements procureront aux municipalités des recettes additionnelles de plus de $600,000. 4- Il est bien évident que ces mesures profiteront à un très grand nombre de municipalités. Par exemple, la ville de Québec recevra de fortes subventions, non seulement parce qu'elle abrite de nombreux hôpitaux et maisons de bien-être mais également parce qu'elle compte un grand nombre d'édifices publics, dont les complexes G, H et J qui sont parachevés et sur lesquels le gouvernement du Québec versera une importante subvention en guise d'impôt foncier. Toutefois, après discussion avec les autorités de la ville, il nous est apparu que ces sommes ne seraient pas suffisantes. C'est pourquoi, cette année encore, nous verserons à la ville de Québec une subvention spéciale pour le rôle qu'elle joue en tant que capitale. Ce montant a été fixé à $500,000. 5- Par ailleurs, il faut constater que l'initiative des Jeux du Québec a reçu, de la part de la jeunesse québécoise, une approbation enthousiaste. Par contre, l'organisation de ces jeux, pour la municipalité ou l'organisme local qui en est responsable, représente un fardeau financier auquel elle peut difficilement faire face. Ce problème risque de mettre en péril la poursuite de cette initiative gouvernementale que nous considérons comme très valable. Afin de résoudre ce problème, le gouvernement, en accord avec les administrateurs de Loto-Québec, a décidé de réaliser chaque année, dans le cadre de la vente des billets de l'Inter-Loto du mois de juin, une campagne de publicité spéciale axée sur les Jeux du Québec. Le surplus d'argent recueilli pour ce tirage de juin sera affecté au financement des Jeux du Québec. Comme il est difficile de prévoir quel sera le montant de cet excédent, nous avons décidé d'attribuer un montant de $100,000 à la municipalité ou à l'organisme local qui a été choisi pour tenir les Jeux du Québec. Étant donné les frais élevés que représente la tenue de ces Jeux, le Haut-Commissariat à la Jeunesse, aux Loisirs et aux Sports suggérera qu'il y ait une seule série de jeux par année, soit d'hiver, soit d'été, Ainsi, le gouvernement pourra affecter le total de la subvention de $100,000 à la municipalité ou à l'organisme local qui sera l'hôte de ces jeux. Déjà, tout le mécanisme publicitaire de Loto-Québec a été mis en place et l'Inter-Loto du mois de juin deviendra chaque année, si l'expérience de 1972 s'avère bonne, celle du financement des Jeux du Québec. Afin d'ouvrir davantage le champ de l'impôt foncier au bénéfice des municipalités, l'impôt foncier scolaire sera réduit de $0.15 par $100 d'évaluation sur une période de cinq ans. Dès le 1er juillet 1972, date du début de l'exercice financier des commissions scolaires, le taux normalisé de l'impôt foncier scolaire sera abaissé à $1.35, ce qui représente la possibilité d'un revenu municipal additionnel de $16 millions ou d'une réduction équivalente de l'impôt foncier pour les municipalités qui ne voudront pas occuper ce champ fiscal. Afin d'assurer les municipalités que les commissions scolaires n'envahiront pas de nouveau le champ de l'impôt foncier ainsi libéré de dépenses inadmissibles, la loi obligera les commissions scolaires à indiquer séparément sur leurs comptes de taxes le montant qui provient du taux normalisé et celui qui découle de taux supplémentaires. Cette mesure correspond au vœu unanime exprimé par les membres du Comité provincial-municipal chargé d'étudier les modalités d'application des propositions de réforme fiscale, comité qui était présidé par mon collègue le député de Matane. Voici donc, dans le domaine de la fiscalité municipale, une série de mesures concrètes qui sont déjà en voie de réalisation. Nous n'avons pas la prétention d'avoir réglé tous les problèmes financiers des municipalités. Cependant, notre effort se poursuivra à un rythme annuel proportionné à l'ensemble des ressources disponibles et compte tenu de nos priorités budgétaires et des besoins financiers de nos municipalités. M. le Président, on se surprendra peut-être en certains milieux que dans mon exposé budgétaire de ce soir je n'aie pas touché le problème de la négociation des conventions collectives du secteur public et parapublic. Le 16 mars dernier, je déposais à l'Assemblée nationale des estimés de dépenses qui, comme je l'avais indiqué alors, tenaient compte des mandats monétaires qui avaient été donnés au ministre de la Fonction publique dans le cadre des négociations. C'est un sujet qui fait l'objet de discussions présentement. Tout ce que je peux ajouter de plus, c'est que l'action du gouvernement, jusqu'à maintenant, s'est inscrite dans le cadre des prévisions budgétaires présentées devant cette Assemblée le 16 mars dernier. En terminant, je voudrais revenir sur les objectifs qui nous ont guidés dans la préparation de ce budget et montrer comment le changement du rythme des dépenses par rapport aux budgets antérieurs, peut traduire l'orientation prise par le gouvernement actuel. Le motif qui nous a amené à ces restrictions budgétaires est l'importance accrue que nous voulons donner au développement économique du Québec au cours des années 1970. On ne saurait envisager cette priorité sans mettre un frein au rythme de croissance des dépenses consacrées à l'éducation, à la santé et au bien-être social. Par suite des efforts considérables que nous avons fournis pour le développement de ces secteurs, notre société s'est dotée d'un système d'éducation et de soins facilement comparable, sinon meilleur, que dans la plupart des sociétés modernes. La rentabilité sociale des investissements qui sont faits dans ces secteurs est moins élevée maintenant qu'elle ne l'était au début des années 1960, alors que ces domaines laissaient beaucoup à désirer. Cette évolution nous incite donc à investir dorénavant dans d'autres secteurs que nous jugeons prioritaires et qui sont réclamés par les citoyens du Québec. Pour maintenir le rythme de croissance des dépenses consacrées à l'éducation, à la santé et au bien-être, il faudrait de toute nécessité recourir à des augmentations d'impôt. Or, la capacité de payer des contribuables n'est pas illimitée, surtout si on tient compte de l'incidence de la taxation sur le comportement des individus et des firmes et aussi des niveaux d'imposition en vigueur dans les autres provinces. Cette compression des dépenses courantes sera très bénéfique pour le Québec. Elle forcera les différents ministères, non pas à réduire l'importance des programmes poursuivis jusqu'à maintenant, mais à accroître l'efficacité des argents qu'on leur alloue, ce à quoi nous nous sommes attaqués dès notre arrivée au pouvoir. Elle les forcera aussi à réévaluer la répartition des sommes dépensées et voir à ce que les besoins les plus urgents soient satisfaits. Enfin, elle constituera l'amorce de l'équilibre nécessaire entre nos besoins et nos moyens. Le budget 1972/7 3 marque donc une étape importante dans l'évolution de notre société; il constitue un défi que nous devons relever avec beaucoup de détermination, si nous voulons être en mesure d'assumer la tâche qui nous attend au cours de la prochaine décennie et de réaliser les aspirations les plus profondes de notre société de façon harmonieuse et équitable. En un mot, le budget 1972/73 permettra au Québec d'entreprendre son deuxième souffle avec solidité et de mieux maîtriser son devenir. Nous sommes convaincus que les forces qui émergent de notre société, dans leur convergence vers un idéal d'action et de justice doivent vaincre le chaos de l'improductivité et du sous-emploi pour parvenir à la dignité et au mieux-être de tous les citoyens.