M. le Président, cette année le discours du budget a été préparé dans des circonstances exceptionnelles. Des demandes de crédits avaient été présentées à l'Assemblée nationale par l'ancien gouvernement. En très peu de temps, nous avons dû les compléter et les modifier en même temps qu'il nous a fallu indiquer la manière dont ces nouvelles prévisions seraient financées. Il s'est agit à, on le comprendra facilement, d'une tâche extrêmement délicate, surtout à un moment où la récession américaine gagnait l'économie nord-américaine. C'est donc un budget marqué du signe de l'austérité que je soumets, ce soir, à cette Assemblée, mais, comme je l'ai déjà signalé, cette austérité budgétaire se veut une austérité productive, en ce sens qu'elle doit pouvoir s'inscrire dans le cadre d'une véritable relance de notre économie. Austérité d'abord, en ce que nous avons dû réduire sensiblement les crédits de dépenses présentés en mars dernier. Austérité encore, par l'élimination que nous avons entreprise, et que nous intensifierons au cours de l'année, des dépenses improductives. Austérité enfin, parce que nous avons dû inclure de nouvelles prévisions de dépenses pour répondre à des engagements du gouvernement, par exemple, les augmentations de salaires découlant des nouvelles conventions de travail dans les hôpitaux privés et dans les institutions de bien-être. Ces engagements auraient nécessité des budgets supplémentaires; ils font maintenant partie des crédits modifiés. Aussi, nous ne prévoyons pas de budgets supplémentaires importants pour le reste de l'année. Cette austérité sera cependant productive: elle contribuera à la création de nouveaux emplois en créant un climat de confiance envers les administrateurs de la chose publique et aidera ainsi la venue de nouveaux investissements. Au moment où nous avons pris le pouvoir, le budget de l'exercice 70/71 se soldait par un déficit de plus de $75 millions au compte ordinaire. Les crédits initiaux ne comprenaient pas des montants de près de $100 millions que nous avons dû ajouter afin de présenter un portrait réaliste des finances de l'État. Il nous fallait également prévoir un excédent de près de $75 millions au compte ordinaire afin de permettre un programme d'emprunts réaliste. C'est donc avec un handicap de $250 millions, si je peux m'exprimer ainsi, que nous avons entrepris, il y a quelques semaines, la préparation du présent budget. Nous nous sommes attelés à la tâche immédiatement, en réduisant de $66 millions les crédits qui avaient été présentés le 4 mars dernier. Nous avons également entamé des pourparlers avec Ottawa et, grâce à ces démarches et à d'autres ajustements des paiements de péréquation, nous avons pu combler le trou de $250 millions qui nous avait été laissé par l'administration précédente. S'il m'était permis de qualifier le présent budget, je dirais que c'en est un de consolidation. Nous n'avions pas le choix: assainir les finances de l'État et rétablir le climat de confiance qui doit régner envers les administrateurs de la chose publique. C'est la condition première de toute réforme économique et sociale. Cette réforme, nous l'amorçons avec le présent budget, mais elle ne peut être aussi étendue que nous l'aurions souhaité en raison de l'opération dépannage de $250 millions que nous avons dû effectuer et du peu de temps dans lequel nous avons dû travailler. Après avoir fait une brève revue de la situation économique, je donnerai les résultats de l'exercice financier 69/70. Dans la troisième partie de mon exposé, je traiterai de l'exercice 70/71 en présentant, comme j'ai l'habitude de le faire, la situation telle qu'elle est, sans essayer de camoufler de crainte d'éloigner les investisseurs et sans l'exagérer sous prétexte qu'elle a été créée par le gouvernement qui nous a précédés. Enfin, j'exposerai les objectifs et les lignes de force de la relance de l'économie québécoise. Deux éléments ont caractérisé la situation économique en Amérique du Nord au cours de 1969: la poursuite de l'expansion et l'aggravation du climat inflationniste. Ces deux éléments se reflètent également sur l'économie du Québec mais avec des incidences distinctes. Face à un rythme d'expansion plus rapide que prévu et à une intensification de la psychose inflationniste, les gouvernements des États-Unis et du Canada, directement et par l'entremise des banques centrales, ont adopté des politiques fiscales et monétaires résolument anti-inflationnistes. Aux États-Unis, la croissance de l'économie, pour l'année 1969 dans son ensemble, reflète surtout l'augmentation rapide qui s'est fait sentir pendant la première partie de l'année. Toutefois, les mesures destinées Il combattre l'inflation, la politique monétaire en particulier, ont eu pour effet de ralentir d'une façon marquée la croissance du produit national brut. Les prix ont néanm'J1ns continué d'augmenter d'environ 5%. Au Canada, l'expansion amorcée à la fin de l'été 1968, sous l'impulsion très vive des exportations, s'est poursuivie durant l'année. Le produit national brut a augmenté d'environ 10%, soit 5% en termes réels et 5% en augmentation de prix. Le taux de chômage canadien - a diminué légèrement pour l'ensemble de l'année. Il a été de 4.7% en 1969, alors qu'U s'établissait à 4.8% en 1968. Cependant, au cours des derniers mois, le chômage a été à la hausse par rapport au même mois de l'année antérieure. Au second semestre, l'indice de la production industrielle a enregistré sa première baisse depuis 1960. Au Québec, le produit national brut s'est accru d'environ 9% au cours de 1969. Il faut cependant souligner que la poussée des prix a été moins forte ici que dans l'ensemble du pays. Ainsi, l'indice des prix à la consommation n'a augmenté que de 3.1%, comparativement à 4.5% pour l'ensemble du pays. La tendance au Québec diffère donc de celle dé l'économie canadienne dans son ensemble. La demande, tout en étant croissante, y exerce des pressions moins fortes, la population, les ventes au détail, l'emploi et l'investissement augmentant moins rapidement. Le taux de chômage a atteint 6.9% en 1969, comparativement à 6.5% en 1968. Bref, l'économie du Québec n'était en 1969, et n'est présentement, ni en état de surchauffe, ni un foyer d'inflation. Il n'en demeure pas moins que le Québec doit subir les effets des mesures destinées à combattre l'inflation. Les politiques monétaires et fiscales poursuivies par le gouvernement fédéral visent globalement l'ensemble de l'économie canadienne. Comme, de par leur nature même, elles sont générales, ces politiques ont comme résultat d'aggraver la situation de l'emploi au Québec et dans les provinces de l'Atlantique, sans pour autant y restreindre la hausse des prix qui d'ailleurs, au cours des dernières années, est demeurée inférieure à celle de l'ensemble du Canada. Les marchés financiers ont été, au cours des dernières années, fortement perturbés principalement par la crise monétaire internationale et par la psychose inflationniste. Les taux d'intérêts se sont donc accrus sensiblement. En 1969, l'action des banques centrales visant à ralentir la croissance de la masse monétaire, au point de la rendre pratiquement stable vers la fin de l'année, a contribué à accroître de nouveau le loyer de l'argent. Dans ce contexte, non seulement il était onéreux de négocier des emprunts à long terme, mais la disponib1l1té des capitaux était restreinte. Avant la réévaluation du deutsche mark, il a été possible d'emprunter sur le marché de la République fédérale d'Allemagne. Il faut noter aussi le développement du marché de l'eurodollar auquel les emprunteurs ont fait appel. En 1970, les observateurs prévoient que la croissance de l'économie en Amérique du Nord sera fortement ralentie. Tant au Canada qu'au Québec, on estime que le taux de croissance du produit national brut ne dépassera guère 3% en volume, alors qu'il a été de 5% en 1969. L'accroissement des prix devrait être inférieur à celui de l'an dernier et devrait encore se faire moins sentir au Québec que dans l'ensemble du pays. Aux États-Unis, le produit national brut, en dollars constants, après avoir décliné au quatrième trimestre de 1969, a baissé de nouveau au premier trimestre de 1970. Le taux de chômage, corrigé des variations saisonnières, fut de 4.2% au premier trimestre, alors qu'il était de 3.5% pour l'année 1969. Au Canada, le produit national brut, en termes réels, s'est accru de 1.7% durant les trois premiers mois de 1970, mais cette augmentation est essentiellement due à l'apport de la demande extérieure. Il est certain qu'on ne pourra escompter un accroissement aussi substantiel des exportations dans les prochains mois, surtout à la suite de la modification récente du taux de change. Le taux de chômage, ajusté des variations saisonnières, a atteint 5% pour les quatre premiers mois de 1970, comparativement à 4.4% pour la même période en 1969. Au Québec, le taux de chômage, une fois éliminée la variation saisonnière, a été de 6.7% durant les quatre premiers mois de 1970, alors qu'il était de 6.4% pour la même période en 1969. L'indice des prix à la consommation s'est accru de 3.2% au premier trimestre, par rapport aux trois premiers mois de l'année antérieure. L'ensemble de ces données indique un ralentissement sensible de l'activité économique en Amérique du Nord. Le Canada fait toujours face à une forte pression inflationniste, accompagnée d'une hausse de chômage. Compte tenu de cette situation, le Québec se doit de poursuivre une politique d'expansion économique, tout en comprimant l'accroissement immodéré des dépenses et en améliorant l'efficacité de l'appareil gouvernemental. Les résultats financiers de l'exercice qui s'est terminé le 31 mars 1970 sont exposés aux états 1 et 2 Bien que celui-ci se soit terminé il y a déjà plus de deux mois, on voudra bien remarquer que les chiffres fournis ne sont pas encore tout à fait définitifs. C'est pourquoi les états en question portent les titres respectifs de « revenus et dépenses probables ». Les états définitifs seront publiés, comme d'habitude, plus tard au cours de l'été, lorsqu'ils auront été acceptés par le vérificateur. Toutefois, on peut anticiper dès maintenant qu'ils s'écarteront très peu des états fournis ce soir; cela, en raison du soin particulier apporter à leur préparation. J'ai voulu montrer la situation financière le plus exactement possible et du fait qu'ils sont présentés plus tard qu'au cours des années passées. L'état indique que les revenus ont été de $3,007.3 millions au cours de l'exercice 69/70, alors que les dépenses ordinaires, ainsi que l'indique l'état 2, ont été de $2,983.1 millions; ce qui laisse un solde excédentaire de $24.2 millions au compte ordinaire. Les immobilisations ayant été de $254.9 millions, le déficit global aux comptes budgétaires s'élève donc à $230.7 millions. Le discours du budget de l'an dernier prévoyait pour l'exercice 69/70 des revenus de $2,957.8 millions, des dépenses ordinaires de $2,910.5 millions et des immobilisations de $265.3 millions. Les dépenses ordinaires ont donc été de $72.6 millions supérieures à celles qui avaient été prévues. Par contre, les revenus ont été plus élevés de $49.5 millions, dont $42.5 millions de revenus additionnels en provenance du gouvernement fédéral. Les tableaux « A » et « B » résument, pour l'exercice 69/70, les principales différences entre les prévisions de l'an dernier et les résultats probables présentés aux états 1 et 2.Avec le consentement de la Chambre, je voudrais déposer ces tableaux afin qu'ils apparaissent au journal des Débats, en annexe. Au déficit budgétaire de $230.7 millions qu'il a fallu financer au cours du dernier exercice, s'ajoutent les déboursés extrabudgétaires qui se sont élevés à $132.0 millions. Ces déboursés ne font pas partie des comptes budgétaires parce qu'ils ne sont ni des dépenses ordinaires, ni des immobilisations. Ils sont surtout constitués de prêts ou avances à divers organisme gouvernementaux et du remboursement annuel de la dette existante. Par contre, certaines dépenses montrées aux comptes budgétaires n'entraînent pas de déboursés. C'est le cas, par exemple, de l'amortissement. Ces écritures de régularisation se sont élevées à $50.8 millions, passant un solde de $81.2 millions à financer à ce titre. Les besoins d'emprunt s'élevaient donc à $31l.9 millions, soit $230.7 millions en raison du déficit budgétaire de $81.2 millions en vue de solder les dépenses extrabudgétaires, une fois défalquées les écritures de régularisation. Lors des discours du budget de l'an dernier, les besoins d'emprunt avaient été estimés à 88 millions. En fait, le gouvernement du Québec a emprunté $321,800,000 au cours de l'exercice 69/70, dont $203,100,000 au Canada, $50 millions aux États-Unis, $53,700,000 en République fédérale d'Allemagne et $15 millions sur le marché de l'eurodollar. Pour sa part, l'Hydro-Québec a emprunté $282 millions au cours de l'exercice 69/70. La grande partie de son financement s'est faite sur le marché des États-Unis. Le tableau « D » résume ces emprunts. Il était indique que les revenus ont été de $3,007.3 millions au cours de l'exercice 69/70, alors que les dépenses ordinaires, ainsi que l'indique l'état 2, ont été de $2,983.1 millions; ce qui laisse un solde excédentaire de $24.2 millions au compte ordinaire. Les immobilisations ayant été de $254.9 millions, le déficit global aux comptes budgétaires s'élève donc à $230.7 millions. Le discours du budget de l'an dernier prévoyait pour l'exercice 69/70 des revenus de $2,957.8 millions, des dépenses ordinaires de $2,910.5 millions et des immobilisations de $265.3 millions. Les dépenses ordinaires ont donc été de $72.6 millions supérieures à celles qui avaient été prévues. Par contre, les revenus ont été plus élevés de $49.5 millions, dont $42.5 millions de revenus additionnels en provenance du gouvernement fédéral. Les tableaux « A » et « B » résument, pour l'exercice 69/70, les principales différences entre les prévisions de l'an dernier et les résultats probables présentés aux états 1 et 2. Avec le consentement de la Chambre, je voudrais déposer ces tableaux afin qu'ils apparaissent au journal des Débats, en annexe. Depuis quelques années, le ministre des Finances déposait, à titre d'Information supplémentaire, un bilan intérimaire. Lors de la préparation du discours du budget, les livres ne sont pu encore définitivement fermés et il est l.1ors trop tôt pour dresser un bilan au 31 mars; il faut l'établir à une date antérieure. C'est ainsi que l'an dernier, par exemple, on a présenté un bilan au 31 janvier. Je crois qu'il est préférable d'attendre les états financiers complets du 31 mars tels que présentés par le vérificateur des comptes. On pourrait sans doute objecter que les comptes publics ne sont généralement pu disponibles avant le mois de janvier suivant. Le vérificateur, avec qui j'ai causé du problème, me dit qu'il serait en mesure de fournir, avant la fin de l'été, les états définitifs se rapportant aux comptes de l'État. La présentation plus hâtive de ces états sera, à mon sens, beaucoup plus utile que la présentation d'un bilan intérimaire. Le tableau « E » donne l'état de la dette publique au 31 mars 1970. La dette obligataire s'élevait à $2,105,000,000 et la dette totale à $2,278 millions. Le 4 mars dernier, mon prédécesseur au ministère des Finances a déposé devant cette Assemblée des crédits de dépenses pour une somme globale de $3,645.6 millions, dont $3,359.3 millions pour les dépenses ordinaires et $286.3 millions pour les immobilisations. Le détail de ces crédits initiaux apparaît au tableau « F ». Ces prévisions m'apparaissaient, d'une part, trop élevées pour certains types de dépenses et, d'autre part, peu réalistes en ce qui concerne d'autres dépenses où la nature même des engagements en cours laissait prévoir des besoins additionnels. Comme première priorité, mes collègues, sous la responsab1l1té plus immédiate du ministre d'État aux Finances, M. Raymond Garneau, se sont immédiatement consacrés à un examen rapide, mais détaillé des crédits afin d'établir les réductions nécessaires. Le tableau « G » donne le résultat de ce travail, soit des réductions de $60 millions aux dépenses ordinaires et de $5.9 millions aux dépenses en immobilisations. Cette opération a été difficile. D'une part, l'administration des ministères, tenant compte des divers projets qu'on lui avait fait connaître en mars et en avril et que les fonctionnaires apprenaient souvent, comme nous d'ailleurs, par les journaux, était convaincue que les crédits initiaux ne suffiraient pas. D'autre part, l'administration ne possède pas actuellement une définition claire des différents programmes qui composent son action. Il n'est donc pas facile d'identifier rapidement les programmes qui sont moins prioritaires. Enfin, les crédits initiaux étaient fondés, dans certains cas, sur des hypothèses non concrétisées et souvent destinées à faire paraître au plus bas niveau possible les dépenses de certains secteurs. Avec le consentement de la Chambre, de même que pour les tableaux précédents, je voudrais déposer ces tableaux afin qu'ils apparaissent au journal des Débats, en annexe. Il nous fallait donc procéder rapidement et avec énergie pour déceler les réductions les plus évidentes. Déjà, un programme de dépenses était en cours et nous avons dû, dans des conditions difficiles et pressés par le temps, en faire l'examen. n ne s'agit donc, dans les coupures que nous avons faites, que d'un premier effort, important tout de même en ce qu'il indique à tous, à l'intérieur comme à l'extérieur de l'administration, le souci extrême que nous portons à la rigueur dans l'administration des fonds publics. En même temps, nous avons pris grand soin de ne pas réduire les crédits qui peuvent avoir un impact valable sur le développement économique. Les réductions ont porté principalement sur trois types de dépenses. Tout d'abord, nous avons retranché certaines dépenses qui étaient compressibles, parce qu'une expansion des services avaient été prévue pour des besoins que nous avons jugés non prioritaires. Une autre série de réductions a touché des programmes jugés valables, mais dont le rythme d'exécution ne pouvait, de toute évidence, justifier les crédits inscrits. Enfin, des coupures multiples ont été faites dans les frais de voyage, les frais de véhicules automobiles, les honoraires et les subventions de tous les ministères. Ces réductions sont justifiées par les contrôles administratifs accrus que les ministères seront appelés à exercer pendant l'exercice financier. Par ailleurs, cet examen des crédits avec chacun des ministères nous a causé de pénibles surprises. Alors que nous parlions coupures, on nous soumettait des besoins additionnels. Les demandes que l'on nous a faites ont été refusées, sauf si elles étaient nécessaires pour donner suite à des engagements inévitables ou pour redresser une situation où le crédit initial était déjà épuisé. Nous ne pouvions recourir au vieux truc de reporter ces demandes à des budgets supplémentaires, car nous avions le devoir, conformément à la conception que nous avons toujours défendue dans le passé, de présenter une image précise des finances de l'État. Malheureusement, ces ajustements à la hausse, en plus d'augmenter le handicap que nous avions à surmonter, ont réduit presqu'à néant la marge de manoeuvre dont nous espérions disposer pour de nouvelles mesures. C'est ainsi qu'une somme additionnelle de $37.1 millions a dû être prévue pour le paiement des augmentations de salaires découlant des ententes déjà conclues concernant les conventions collectives de travail dans les hôpitaux privés émergeant au budget du ministère de la Santé. Cette somme comprend également une augmentation équivalente pour le personnel des institutions où les négociations ne sont pas encore terminées. Cette prévision paraît réaliste, puisque les clauses monétaires, dans ces derniers cas, ne constituent pas l'embarras majeur. Pour les mêmes raisons, une augmentation de $16.7 millions est prévue au ministère de la Famille et du Bien-Être social pour le personnel des institutions de bien-être. Notons que ces crédits additionnels comprennent, pour le personnel non syndiqué, le paiement d'augmentations de salaires du même ordre que celles du personnel syndiqué. Il faut également inscrire, au Conseil exécutif, une somme de $11 millions pour les dépenses électorales. Cette dépense statutaire ne pouvait, semble-t-il, être prévue au début de mars dernier. Nous avons dû également prévoir une augmentation de $10 millions à l'article du ministère des Finances, intitulé: «Provisions pour augmenter, suivant les règlements approuvés par le lieutenant-gouverneur en conseil, tout montant voté pour traitements...». Il avait été prévu, par cette nouvelle procédure, de regrouper au sein d'un seul article budgétaire les réserves nécessaires au paiement des traitements des employés qui seraient embauchés au cours de l'exercice. Les crédits inscrits au poste «traitements» de chaque ministère ont été établis d'après le bordereau de paie du 4 février dernière. Or le montant de $7 millions qui avait été prévu à cet article des crédits initiaux du ministère des Finances était déjà complètement engagé au moment où nous avons pris le pouvoir. En effet, l'engagement de nouveau personnel, après le mois de février, s'est fait à un rythme plus élevé qu'à l'ordinaire. Le montant additionnel de $10 millions que nous devons ajouter ne permettra pas d'embaucher un nombre de personnes correspondant à l'effectif indiqué en regard de chaque service. Cependant, cette réserve sera attribuée à chacun des ministères, en fonction d'une réduction des effectifs inscrits. Enfin, des remboursements de $30 millions étaient prévus à l'article budgétaire du ministère de la Santé concernant l'assurance-hospitalisation. Il s'agissait de faire rembourser par la Régie de l'assurance-maladie le coût des salaires et honoraires du personnel médical affecté au service des malades dans les hôpitaux. Par ailleurs, l'assurance-hospitalisation aurait été remboursée par le gouvernement fédéral pour presque la moitié de cette dépense. De son côté, la Régie de l'assurance-maladie n'aurait pu effectuer ce remboursement de $30 millions sans augmenter les cotisations prévues, ce que nous avons voulu éviter. Il y avait toutefois une certaine justification à permettre à la Régie de l'assurance-maladie de comptabiliser les salaires et les honoraires versés à des médecins, que ce soit au titre de l'assurance-hospitalisation ou à celui de l'assurance-maladie. Nous avons donc maintenu ce principe du remboursement, mais pour ne pas avoir à augmenter le coût de l'assurance-maladie au-delà des cotisations déjà envisagées, nous en avons limité le montant au coût supporté par le gouvernement du Québec. En conséquence, nous avons dû réduire le remboursement prévu à $15 millions et augmenter d'autant le budget net. Voilà pour les principales augmentations de crédits que nous avons dû consentir. Le tableau « H » en donne la liste. Il s'agit donc d'un budget révisé des dépenses que nous présentons à l'état 3. Nous y prévoyons des dépenses ordinaires de $3,396.6 millions et des dépenses en immobilisations de $280.4 millions. Ce budget de dépenses est maintenant réaliste. Pour y arriver, nous avons dû, d'une part, ajouter $97.2 millions aux crédits initiaux et, d'autre part, les réduire de $65.9 millions pour des dépenses jugées inutiles. Mais ce n'est pas tout. Nous avons suspendu des travaux ou des projets en cours dans plusieurs. Les ministères, notamment dans ceux de la Santé, du Bien-Être social, de l'Éducation, de la Voirie et des Travaux publics. Ces travaux ou projets n'étaient pas inscrits aux crédits de l'exercice 70/71, mais si nous les avions laissé suivre leur cours, c'est à $1 milliard qu'ils se seraient élevés durant les prochaines années. Non seulement le Québec n'a pas les moyens de se payer de telles dépenses, mais il n'aurait pas eu davantage les moyens de pourvoir aux frais d'exploitation et d'entretien de tous ces hôpitaux, maisons de bien-être, routes, etc., que l'administration précédente avait laissé germer sans tenir compte d'un ordre de priorité rigoureusement établi et de leurs implications financières pour les années à venir. Nous entendons poursuivre l'assainissement des dépenses publiques. Une première étape a consisté à éliminer certaines dépenses et à inclure dès maintenant les corrections à la hausse qu'il aurait fallu faire en budgets supplémentaires. La deuxième étape que nous avons entreprise, dès notre accession au pouvoir, consiste à scruter toutes les dépenses au fur et à mesure qu'elles se présentent, cela en vue d'éliminer le gaspillage grâce à une saine administration. Mon collègue, le ministre d'État aux Finances, a été spécialement chargé de cette tâche. Plusieurs millions de dollars pourraient être épargnés dans le cadre de cette deuxième étape Une troisième étape, qui s'inscrira dans le cadre de la préparation du prochain budget, laquelle débutera dans quelques semaines, consistera à faire définir clairement par chacun des ministères ses programmes actuels d'activités. Les ministères devront faire ressortir clairement non seulement la nature de leurs dépenses, mais aussi le but visé par chaque programme. Ceux-ci devront être présentés de façon détaillée afin que l'on puisse juger de leur utilité et les remettre en question, le cas échéant. Le temps est passé où l'État pouvait se permettre d'être plus ou moins efficace. C'est pourquoi nous entendons donner suite rapidement aux divers rapports de l'étude sur les rouages administratifs dirigée par M. Richard Mineau. Un premier rapport final, concernant l'organisation des fonctions centrales du gouvernement, nous a déjà été soumis. L'esprit qui l'anime est celui de la coordination des politiques par une meilleure organisation des services de l'exécutif et par une définition plus claire des responsabilités, tant pour la conception et l'exécution des programmes que pour leur contrôle. Il ne s'agit pas ici simplement d'organisation; il faut surtout une volonté d'efficacité de la part du gouvernement et un esprit de décision. Cette volonté et cet esprit, nous les avons. D'autres rapports, ceux-là préliminaires, ont été soumis à notre attention ou à celle du comité consultatif créé à cette fin. L'un d'eux porte sur le budget par programme (PPBS); j'ai signalé précédemment notre ferme intention d'adopter cette coutume indispensable de gestion. Les autres concernent l'informatique, la santé et l'éducation. Nous voulons également agir rapidement dans ces domaines. Car il ne servirait à rien de faire faire des études poussées si on les laisse dormir sur les tablettes. Deux autres rapports sont au stade de la rédaction. L'un a pour objet l'organisation et les modalités de la gestion financière, tandis que l'autre porte sur la gestion des biens mobiliers et immobiliers de l'État. Ces deux rapports, M. Mineau nous l'affirme, seront soumis bientôt. Nous proposons enfin, de concert avec les responsables de l'étude, de délimiter plus précisément l'étendue du travail qui reste 1’accomplir. La réforme et l'efficacité doivent devenir une préoccupation de tous les ministères. De la sorte, dès que les mécanismes principaux auront été mis en place, c'est de l'intérieur de l'administration que se poursuivra le travail, sur la base des rapports déjà soumis et de ceux qui le seront ultérieurement. Avec un budget de près de $4 milliards, le Québec ne peut pas se permettre le luxe d'une administration relâchée. Il n'y a aucune raison pour que l'administration publique ne soit pas aussi efficace que l'administration privée. Au niveau où sont les impôts actuels, c'est notre devoir, nous en avons d'ailleurs fait une priorité, d'administrer efficacement les deniers publics de façon à ce qu'aucun dollar versé en impôt ne soit gaspillé. On comprendra facilement que nous ne pouvons pas, en quelques mois, détecter et réprimer tous les abus. Nous ne pouvons pas non plus, du jour au lendemain, réaliser une efficacité maximale. Mais, je puis vous assurer que, dès le présent exercice, nous épargnerons plusieurs dizaines de millions de dollars. Nous comptons bien, en plus des réductions aux crédits de dépenses, obtenir un fort montant de crédits qui ne seront pas utilisés. Certes, il y a toujours, en fin d'année, de ces crédits périmés. Mais, au cours des récentes années, ils ont été en quelque sorte absorbés par les budgets supplémentaires et les mandats spéciaux. C'est ainsi qu'au cours de l'exercice 69/70 quatre budgets supplémentaires et trois mandats spéciaux ont été présentés pour un totaux de $168.3 millions. Au cours de l'exercice 70/71, nous avons la conviction que les budgets supplémentaires seront peu nombreux et ne porteront que sur des dépenses essentielles ou imprévisibles. Ainsi que je l'ai mentionné précédemment, les sommes qui auraient normalement fait l'objet de budgets supplémentaires ont été ajoutées directement au budget révisé. Les dépenses ordinaires, nous venons de le voir, s'élèveront à $3,396.6 millions. De leur côté, ainsi qu'il appert à l'état 4, les revenus atteindront $3,469.2 millions, laissant ainsi un excédent de $72.6 millions au compte ordinaire. Comme les immob1l1sations seront de $280.4 millions, le déficit global est estimé à $207.8 millions. Même si ce montant est inférieur à celui de l'an dernier - le déficit était alors de $230.7 millions - il est encore trop élevé. Nous comptons bien le réduire davantage, grâce à la péremption des crédits qu'une saine administration rendra possible. L’augmentation des revenus fiscaux est estimée 0. $164.4 millions, soit 8%. En effet, ceux-ci seront, en 70/71, de $2,226.1 millions au regard de $2,061,7 millions en 69/70. Il s'agit là d'une augmentation normale, compte tenu de la conjoncture économique. Notons également que le rendement net de la loterie a été estimé à $22 millions. D'après les résultats obtenus à ce jour, ce chiffre nous semble raisonnable. Les sommes que le Québec recevra du gouvernement fédéral, à l'exclusion de celles qui viennent en réduction des dépenses, atteindront $886.3 millions, comparativement à $627.2 millions, soit un accroissement de $259.1 millions ou de 41% par rapport à l'an dernier. Le gros de cette augmentation provient des paiements de péréquation qui passeront de $440.3 millions à $625.3 millions. Mentionnons également une augmentation substantielle des autres contributions du gouvernement fédéral. A la suite des discussions que nous avons eues avec ce gouvernement, nous pourrons maintenant recevoir une contribution financière relative à la réhab1l1tation des jeunes. Nous recevrons également, dès cette année, la moitié de la part du Québec des paiements accélérés concernant le programme d'aide à la construction d'écoles polyvalentes. Des mesures seront prises en vue d'éliminer l'évasion fiscale qui, malgré les efforts déployés récemment, est encore trop répandue. Le ministère du Revenu n'a pas suffisamment de pouvoirs pour contraindre le contribuable récalcitrant à s'acquitter de ses obligations. Les amendements aux différentes lois fiscales sont déjà prêts, mais, en raison d'une négligence difficile à expliquer de la part du gouvernement précédent, ils n'ont jamais été soumis à cette Assemblée. Ils seront présentés dès la présente session. Il faudra également modifier le taux d'intérêt concernant le retard à s'acquitter de l'impôt. Le taux actuel est beaucoup trop bas et cela incite le contribuable Il retarder le paiement des impôts; il finance en quelque sorte son entreprise à même les fonds publics. Dans son rapport accompagnant les comptes publics en 1968-1969, l'Auditeur a fait certains commentaires concernant les charges d'intérêts à l'Office des autoroutes et la tendance à imputer aux comptes d'immobilisations des dépenses qui sont plutôt de nature courante. Dans le premier cas, celui de l'Office des autoroutes, l'Auditeur estime qu'on ne devrait pas charger à cet organisme des intérêts qui, selon son opinion, ne seront pas remboursés pour longtemps encore. Ce problème est présentement à l'étude et nous comptons y apporter une solution. Pour ce qui est du deuxième point, celui d'imputer des dépenses ordinaires aux comptes d'immobilisations, il implique tout le problème de la présentation des états financiers du gouvernement. Cette question est également à l'étude et, après consultation de l'Auditeur, nous espérons présenter, à l'avenir, les états financiers d'une façon plus conforme à la pratique moderne. Dans presque tous les gouvernements au Canada, on ne fait pas de distinction entre le compte d'immob1l1sations et le compte ordinaire. On s'intéresse plutôt au solde de l'ensemble des comptes budgétaires. Pour cette année, on le comprendra facilement, les états financiers sont présentés de la même manière que par les années passées. Ainsi que je l'ai indiqué précédemment, le déficit global est estimé à $207.8 millions. Les déboursés extrabudgétaires, correction faite des dépenses ne requérant pas de déboursés et autres écritures de régularisation, seront de $151.8 millions, ainsi qu'en témoigne le tableau C'est donc dire que le gouvernement du Québec devrait normalement emprunter, pour ses propres fins, la somme de $359.6 millions. Mais nous n'aurons pas à emprunter tout ce montant. En premier lieu, il y a toujours des crédits qui ne seront pas utilisés. Cette année, en particulier, ils ne seront pas absorbés dans la même mesure que précédemment par la présentation de budgets supplémentaires, puisqu'un montant de $97.2 millions a déjà été ajouté aux crédits initiaux, même si ceux-ci avaient d'abord été réduits de $65.9 millions. En second lieu, la gestion plus efficace des deniers publics que nous avons déjà instaurée permettra de réduire les coûts sans pour autant restreindre la qualité des services. Grâce à toutes ces mesures, c'est à $80 millions que j'estime la diminution du besoin global d'emprunt. Ce montant n'est certes pas exagéré, si l'on tient compte tant de l'expérience des années antérieures que du contrôle plus rigoureux que nous entendons exercer des dépenses. Les besoins d'emprunt pour le gouvernement lui-même s'élèveront donc à $280 millions. Quant à l'Hydro-Québec, ses besoins d'emprunt seraient de $220 mil110ns sur la base de l'exercice financier du gouvernement. Cependant, une première tranche de $60 millions a été empruntée le 15 mars 1970, soit peu avant le début de notre présent exercice. C'est donc $160 mil110ns que l'Hydro-Québec devra emprunter. Au total donc, le programme d'emprunt du gouvernement lui-même et de l'Hydro-Québec sera de $440 millions. Signalons que nous venons d'emprunter $50 mil110ns sur le marché canadien; cette émission a été favorablement accue1llie. On voit donc que nous ne sommes pas opposés à l'emprunt, mais on doit y recourir dans la limite de ses moyens. Une saine administration exige, dans ce domaine comme dans les autres, une bonne dose de réalisme et de modération. On ne doit pas juger d'une administration par le chiffre record de ses dépenses ou de ses emprunts, mais bien par l'efficacité de sa gestion. Il n'est pas sage pour un État, pas plus que pour un particulier ou une entreprise, d'emprunter continuellement à la limite de ses capacités. Celui-ci risque de se placer ainsi dans une situation peu enviable du fait que les charges du service de la dette prennent une part de plus en plus large de son budget. Il est beaucoup plus sage de vivre à la mesure de ses moyens. C'est là ce que j'estime être de la saine administration. Ce programme d'austérité productive, même si ce n'est pas là son objectif premier, aidera sans doute à combattre l'inflation. Il est vrai que la pression inflationniste est moins forte au Québec que dans l'ensemble du pays. Mais nous ne pouvons agir en marge de cette lutte contre la hausse des coûts, car c'est son succès même qui permettra de retrouver une croissance vigoureuse et équilibrée. En outre, la maîtrise de l'inflation est une mesure de justice pour les citoyens dont le revenu ne s'ajuste pas à la hausse des prix, en particulier les gens à faible revenu et à revenu fixe. De plus, si on réussit à ralentir la croissance des coûts, le financement des organismes, tant publics que privés, s'entrouverafac1l1té, l'équipement collectif et social pourra être poursuivi avec plus de vigueur et la valeur de l'épargne accumulée gardera sa signification. Le Québec a offert sa collaboration dans la lutte entreprise par le gouvernement fédéral pour combattre l'inflation. Mais il faut bien se rappeler que si les restrictions sur l'augmentation des profits, des loyers et des autres revenus nous apparaissent nécessaires, c'est pour obtenir des autorités monétaires un desserrement du crédit qui stimulerait l'expansion. En effet, nous croyons qu'il n'y aurait pas de me1lleur moyen de favoriser la reprise économique que l'amélioration des conditions de crédit aux entreprises et la baisse du coût de l'argent. Les autorités monétaires croient qu'elles ne peuvent se permettre de telles mesures si, par ailleurs, les coûts de production et les prix allaient s'accroître à un rythme qui absorberait les ressources monétaires nouvellement libérées. Pour que les restrictions volontaires des salaires deviennent une réalité, il faudra que les salariés eux-mêmes deviennent convaincus qu'une reprise de la croissance peut ainsi être obtenue. Et ce n'est que si ces restrictions se font graduellement sentir dans les faits que le gouvernement fédéral pourra modifier sa politique économique dans un sens expansionniste. Il faut, en effet, que ceux qui ont actuellement un emploi, acceptent, s'ils veulent le conserver et permettre aux chômeurs de travail1er, de restreindre leurs demandes de hausse de salaires à un niveau qui n'ajoute pas indûment à la spirale inflationniste. Car nous n'avons pas le choix: ou bien l'activité économique continuera d'être assujettie à des restrictions fiscales et monétaires et le chômage augmentera, ou bien les travailleurs et les propriétaires d'entreprises ou de capitaux accepteront de restreindre leurs hausses de salaires ou de profits, et alors, c'est le nombre d'emplois qui augmentera. C'est cette dernière solution qui est la me1lleure et c'est celle que nous souhaitons. D'autre part, il nous paraît clair que le Québec ne devrait pas lui-même payer plus que sa part de la lutte contre l'inflation. Il faut, en effet, éviter que les mesures anti-inflationnistes ne pèsent trop lourdement sur les provinces - le Québec en est un exemple - dont l'économie est plus faible et en fait, la poussée des prix est moindre qu'ailleurs au pays. Je sais que le gouvernement fédéral est conscient de ce problème. Il tente de le palier par des mesures de développement régional. Nous sommes favorables à de telles mesures; nous y collaborons volontiers, surtout au programme des zones spéciales qui, dès cette année, fera démarrer des projets A Québec, Trois-Rivières et Sept-Îles. Mais il s'écoule un certain temps en vue d'empêcher l'imposition des locataires: Nous donnerons la permission aux municipalités d'imposer les biens-fonds des universités et des CEGEP. Comme ces bienfait étaient .jusqu'à maintenant exempts de l'impôt foncier, il arrive qu'ils ne sont pas tous évalués à leur valeur réelle. En outre, la contention des rôles d'évaluation n'est pas encore faîte de façon uniforme à travers la province. j attendant que les biens-fonds soient évalués façon satisfaisante à travers le Québec, 1'impôt foncier des universités et des CEGEP sera fixé à $25 par étudiant régulier pour le prochain exercice financier des municipalités. Cette dépense additionnelle sera partagée dans la proportion de 50% par le gouvernement fédéral et de 50% par le gouvernement du Québec. Il s'agit, en effet, d'une dépense partageable au titre de l'enseignement post-secondaire. Voilà un moyen positif d'aller cherche auprès du gouvernement fédéral des sommes additionnelles. J'ai signalé à plusieurs reprises dans le passé que la formule de répartition de sera soumis à cette Assemblée. La commission Bélanger, qui avait proposé le mode actuel de répartition, avait bien spécifié que celui-ci devait être corrigé après trois ans, à la lumière de l'expérience. On s'est rendu compte, par exemple, que certaines municipalités recevaient une proportion trop forte de leur budget sous forme de remise de taxe de vente. Par contre, d'autres municipalités ne reçoivent pas suffisamment. Une révision du partage de la taxe de vente entre les municipalités s'impose donc. Sur ce sujet de la taxe de vente, il y a lieu de corriger immédiatement une anomalie dans le régime d'indemnité de perception consentie aux agents émetteurs de permis d'immatriculation des véhicules automobiles. Ceux-ci reçoivent 5%, alors que l'indemnité régulière est de 2% pour les mandataires de la taxe de vente. Nous ne voyons aucune raison valable pour traiter différemment les agents émetteurs. En même temps, il y a lieu de changer la procédure concernant l'émission des permis l'immatriculation des véhicules automobiles. Le propriétaire d'un véhicule peut obtenir sont permis directement du bureau des véhicules automobiles ou par l'entremise d'un agent. Ce dernier reçoit du gouvernement une commission de $0.50 par permis. A l'avenir, le détendeur de permis paiera lui-même cette commission ; Toutefois, le ministère des Transports est disposé à faire la perception de la commission pour ensuite la remettre à l'agent. Celui qui préférera ne pas payer cette commission de $0.50 n'aura qu'à s'adresser au bureau des véhicules automobiles en personne ou au moyen de la poste. S'il trouve plus commode de passer par l'intermédiaire d'un agent-émeteur, il n'est que juste qu'il en assume lui-même les frais, si minimes soient-ils. Voilà, à mon sens, un exemple de saine administration. Un problème auquel nous devons nous attaquer sans tarder est celui du réaménagement de l'impôt foncier scolaire. Plusieurs suggestions ont déjà été faites à ce sujet, aussi bien par des organismes publics que par les contribuables eux-mêmes. Mais, comme je l'ai signalé à plusieurs reprises, il serait illusoire de procéder à une réforme de la fiscalité scolaire sans avoir au préalable réglé le problème des montants dus aux commissions scolaires et qu'elles-mêmes doivent aux banques. Le gouvernement précédent, en vue d'équilibrer artificiellement ses budgets, avait pris un retard injustifié à l'égard du paiement des subventions d'équilibre budgétaire. Cette année, nous verrons, en premier lieu, à ce que le gouvernement ne prenne plus de retard dans le paiement de ses subventions aux commissions scolaires. Dans une deuxième étape, nous verrons à prendre les arrangements nécessaires afin que le retard déjà accumulé soit amorti sur un certain nombre d'années. Une fois ce renflouement effectué, 11 sera alors possible de procéder au réaménagement proprement dit de l'impôt foncier, qui s'impose de façon pressante. Enfin, un domaine sur lequel nous nous pencherons sans tarder est celui des incitations au développement industriel. La législation actuelle concernant les primes au développement industriel régional et les crédits d'impôt en regard des investissements manufacturiers viendra à échéance le 1er avril prochain. Nous nous proposons de remplacer ces lois par des incitations plus sélectives. En particulier, les primes à l'investissement, qui sont maintenant offertes également par le gouvernement fédéral, ne feraient pas partie du nouveau régime général. Toutefois, le programme d'incitation aux industries de pointe sera révisé sans qu'on abandonne pour autant la notion de prime. Nous nous attacherons surtout à des formes d'incitation sélective qui peuvent s'harmoniser avec le programme fédéral de développement. Je voudrais maintenant profiter de l'occasion pour aborder un sujet extrêmement important. Il s'agit de la relance de l'économie québécoise. C'est là la priorité actuelle du gouvernement. Je sais fort bien qu'un gouvernement ne peut ni ne doit s'occuper seulement de l’économie. Ses préoccupations sont nécessairement plus étendues, car, par son action et ses politiques, il touche à peu près tous les domaines de l'activité humaine. Comme je l'ai mentionné au début de la présente session, notre gouvernement aura à faire face, au cours de la décennie qui commence, aux problèmes urbains, à ceux de l'habitation, de l'éducation, de la justice sociale, de l'économie agricole, de la recherche scientifique, des loisirs. En somme, il nous faudra nous équiper pour faire face à l'ère postindustrielle. C'est pourquoi un gouvernement qui consacrerait ses énergies au seul développement économique, en excluant tout autre objectif, ne serait pas un gouvernement complet. Nous avons donc, sur le chantier que le Québec doit devenir, un travail considérable à accomplir: celui de bâtir une société matériellement prospère, à l'avant-garde du progrès social, culturellement sûre d'elle-même et politiquement forte. Mais, pour y arriver, il faut commencer par la base: la relance de notre économie. Autrement, nous nous condamnons à vivre de nostalgies, à nous nourrir de rêves et d'illusions. Pourquoi donc cette priorité à la relance de l'économie? Pour plusieurs raisons que tous sont à même de vérifier: le taux de chômage au Québec s'établissait, en avrl1 1970, à 8.9% de la main-d'oeuvre; nous avons près de 40% de tous les chômeurs au Canada. Mais ce n'est pas tout: par rapport à l'ensemble du Canada, notre taux comparatif d'investissement s'établit présentement autour de 20%, soit environ 8% de moins que notre part de la population du pays. Qu'il me soit permis de souligner qu'avant 1966, les investissements privés et publics s'établissaient aux environs de 25% de l'ensemble des investissements du Canada. La situation s'est donc détériorée considérablement depuis lors. Cela est d'autant plus sérieux, sinon songe que les investissements sont à la fois à la base du progrès économique et un indice de la confiance que les investisseurs placent dans un pays. L'économie québécoise dépend dans une large mesure de l'économie canadienne et de l'économie nord-américaine en général. Il y a donc des facteurs de ralentissement qui ont agi sur le Québec et dont la source est extérieure à nos frontières. Il est certain qu'à lui seul le gouvernement du Québec ne peut corriger tous les maux économiques dont nous souffrons. Nous vivons dans une ère d'interdépendance qui ases avantages comme ses inconvénients. Cela ne signifie pas toutefois que notre gouvernement doive se contenter passivement de voir venir et f1espérer pour le mieux. Si nous ne nous aidons pas nous-mêmes, personne ne le fera à notre place. Nous sommes en bonne partie responsables de la situation de notre économie. Et si nous avons notre responsabilité, notre devoir est de l'assumer en manifestant un esprit de dynamisme et de créativité à l'égard de nos problèmes économiques. Le gouvernement du Québec peut agir; il doit agir. D'abord, il doit se donner une administration efficace. Le budget que je viens de vous exposer donne une illustration de ce que je veux dire. Administrer efficacement signifie que nous nous assurons que chaque dollar que nous dépensons est en fait dépensé pour quelque chose qui soit utile à la population. Il ne s'agit pas d'avoir à ce propos une attitude étroite et de ne rechercher que des objectifs tangibles et à court terme. Il s'agit d'abord de fixer clairement les priorités du gouvernement. A cette fin, nous établirons un comité spécial du cabinet qui agira comme «comité des priorités». Nous croyons que le gouvernement doit accorder à la détermination de ses priorités une attention immédiate car i1 ne s'agit pas simplement d'identifier nos priorités; 11 s'agit surtout de faire en sorte qu'elles soient scrupuleusement respectées dans les gestes quotidiens de l'administration. Ce sera donc là le mandat de ce comité des priorités que nous formerons. En outre, il faudra revoir les programmes existants, les remettre en cause, les réorienter, en un mot, les contester. A cette fin, nous nous orienterons vers un budget fondé sur des programmes et nous laisserons graduellement de côté la méthode budgétaire classique qui veut que chaque ministère, indépendamment des autres, prépare son propre budget plus ou moins en vase clos. Nous nous attaquerons de plus à la hausse des coûts dans les domaines de la santé, du bien-être social et de l'éducation. Ce sont là les secteurs forcément les plus coûteux de l'activité gouvernementale et il est essentiel d'en surveiller de près l'évolution. Lors de la conférence de Winnipeg, nous avons discuté, avec le gouvernement fédéral et celui des autres provinces, de la possib1l1té de fixer à l'avance des taux d'augmentation raisonnables qui serviront à établir les directives budgétaires. Nous avons assuré tous les autres gouvernements de notre entière collaboration dans ce domaine. Il y a aussi ce gaspillage, peut-être pire que tous les autres, qui se produit lorsqu'on laisse végéter dans la dépendance sociale des personnes qui ne demanderaient pas mieux que d'être mises sur le marché du travail, Non seulement une telle situation coûte-t-elle cher à l'État, mais il se produit une détérioration des personnes qui, à la longue, peut devenir néfaste pour la société. Le ministère des Affaires sociales que nous avons l'intention de créer accordera une attention toute particulière à cette question. Ainsi, les sommes énormes que nous devons, chaque année, verser en allocations sociales de toutes sortes ne serviront pas seulement à donner un minimum vital à ceux qui les reçoivent, elles feront partie, nous l'envisageons, d'une véritable politique sociale qui visera à combattre la dépendance et surtout à la prévenir. Mais, pour réussir tout cela, 11 faudra bien apporter une solution au problème fondamental de la relance de l'économie. Actuellement, nos moyens fiscaux sont insuffisants pour nous permettre d'assumer pleinement nos responsabilités à cet égard. Le partage fédéral-provincial actuel des ressources fiscales devra nécessairement être corrigé de façon à tenir compte des obligations croissantes des provinces. Je veux tout de suite dire que nous sommes d'accord avec la recommandation que les ministres des Finances des provinces ont formulées dans le rapport du Comité du régime fiscal, rendu public en février dernier. Cette recommandation se lisait comme suit: Les provinces proposent donc que la conférence plénière des premiers ministres fédéral et provinciaux se mette d'accord sur le principe que les arrangements fiscaux présentement en vigueur soient modifiés afin de permettre à l'ensemble des provinces de disposer de revenus plus considérables pour 70/71 et 71/72, sans qu'une part plus grande du produit national brut ne soit transférée au secteur public.» Le Québec continuera d'insister afin que soit corrigée cette inégalité croissante entre les ressources fiscales des provinces et celles du gouvernement fédéral n’y a dans cette inégalité l'une des causes majeures des difficultés que rencontre notre régime fédéral. Les échéances économiques et sociales qui sont nôtres commandent que nous attachions à ce problème une attention immédiate. Bien sûr, la fiscalité, le budget, ne sont pas nos seuls moyens d'action. Le Québec a déjà à sa disposition, de façon directe ou inc1irecte, un certain nombre d'instruments collectifs de promotion économique. Il faudra probablement les compléter et en coordonner davantage l'action. Une action concertée, fondée sur une connaissance réaliste de notre économie, de ses lacunes et de ses secteurs de pointe nous permettra de dégager une politique de développement à laquelle toutes les institutions, gouvernementales et paragouvernementales, pourront collaborer. Il pourra même être nécessaire de donner des nouveaux moyens d'action aux instruments que nous possédons déjà ou encore en créer d'autres. Toutefois, pour l'instant, nous verrons l’utiliser au maximum ceux dont nous disposons déjà. En un mot, nous croyons que notre gouvernement, l'État, doit jouer pleinement son rôle dans la relance de notre économie. Nous n'avons pas à cet égard de leçons à recevoir de personne en cette Chambre. L'État a une responsabilité sur le plan économique et social; il entend bien l'assumer; Le gouvernement du Québec ne sera donc pas inactif dans le domaine économique. Mais, en même temps, il compte sur la collaboration du capital privé. D'abord, la collaboration de notre capital québécois dont on est trop souvent tenté de mésestimer l'importance. Il s'agira de faire en sorte que notre épargne québécoise soit davantage canalisée vers les secteurs productifs de notre économie. Les amendements que nous apporterons â cette session-ci à la Loi des caisses d'épargne et de créc1it se veulent un premier pas dans cette voie. Nous sommes par contre assez réalistes pour avoir qu'avec six millions d'habitants, il nous est impossible, seuls, de trouver sur place tous les capitaux dont nous avons besoin. Nous sommes donc disposés à accueillir au Québec tous les capitaux étrangers, de quelque origine qu'ils soient, afin de pouvoir bénéficier des avantages économiques qu'ils sont en mesure de nous procurer. Il ne suffit pas simplement d'inviter les capitaux pour qu'ils viennent. Il ne suffit pas non plus de faire seulement de la publicité sur le Québec et de vanter ses richesses naturelles et les qualités de sa main-d'oeuvre. Il faut faire nous-mêmes les démarches voulues pour attirer ces capitaux, fournir aux investisseurs intéressés à s'installer chez nous des données précises sur notre économie, sur nos marchés, sur les marchés extérieurs, sur notre main-d'oeuvre, bien leur expliquer les objectifs économiques, sociaux et culturels de notre milieu, par exemple,leur indiquer au départ que notre gouvernement veut faire du français la langue de travail au Québec, qu'il veut combattre les disparités régionales, qu'il veut assurer une plus juste distribution da la richesse entre les groupes et les individus. Le capital québécois et le capital étranger recevront toutes les incitations économiques et financières raisonnables et nécessaires. De la sorte, les investissements globaux devront 'accroître car, en définitive, c'est de ces investissements accrus que dépend, en grande partie, la relance de notre économie. Ces dernières années, les investisseurs privés ont malheureusement montré de la réticence à investir chez nous en raison du manque d'articulation de la politique de l'État et du climat social et politique qui régnait au Québec. Les attitudes vagues et souvent contradictoires du gouvernement quant à l'avenir du Québec au sein du Canada n'ont certainement pas été de nature à corriger cette situation. Tous savent que nos positions sont claires et sans équivoque au sujet du régime fédéral. Le mandat que nous avons reçu à cet égard de la population du Québec est précis. Le succès de notre politique de relance économique dépend de l'action concertée de trois agents principaux: Notre gouvernement, celui du Québec, dont nous avons le contrôle direct et dont il nous faut accroître l'efficacité, le dynamisme et la créativité. Deuxièmement, le gouvernement fédéral qui, pour peu que nous sachions rechercher sa coopération, offre également un solide point d'appui au développement du Québec, particulièrement dans le domaine de la politique monétaire et tarifaire et dans celui de l'équilibre régional. Troisièmement, les entreprises, le secteur privé, non seulement les hommes qui les dirigent, mais encore les cadres, le monde du travail organisé, tous ceux qui influencent le coût et la qualité des biens et des services. En somme, cette prospérité et ce progrès social que nous voulons voir s'intensifier au Québec, ce n'est pas simplement le projet d'un gouvernement, cela doit devenir, à l'aube de ces années 1970, le véritable projet collectif de toute la société québécoise et de tous ses citoyens.